HomeA la uneAFFAIRE KAOU N’DJIM DEVANT LE CNT AU MALI : Les députés feront-ils preuve d’indépendance ?

AFFAIRE KAOU N’DJIM DEVANT LE CNT AU MALI : Les députés feront-ils preuve d’indépendance ?


Il s’appelle Issa Kaou N’Djim. Il est 4e vice-président du Conseil national de transition (CNT), l’institution qui tient lieu d’organe législatif de la transition. Arrêté le 26 octobre dernier et inculpé de « troubles à l’ordre public et atteinte au crédit de l’Etat», il a été jugé trois jours plus tard et jeté en prison où il attendra le délibéré des trois mois de prison requis à son encontre par le parquet, délibéré fixé au 3 décembre prochain. Pour sa défense, l’intéressé invoque la liberté d’expression et son immunité parlementaire qui n’aurait pas été respectée. En rappel, Issa Kaou N’Djim est une figure politique influente du Mali, très actif sur les réseaux sociaux. Mais autant on le dit partisan fieffé du président de la transition, Assimi Goïta, « l’imperturbable » selon ses termes, pour qui il ne manque pas de qualificatifs laudateurs, autant il ne semble pas avoir d’atomes crochus avec le Premier ministre, Chogel Maïga, qui, à en croire certaines sources, ne serait pas à ses yeux « l’homme de la situation ». Est-ce cela qui lui vaut ses déboires judiciaires d’aujourd’hui ? Bien malin qui saurait répondre à cette question.

Il serait impératif que le CNT mette un point d’honneur à ne pas se laisser instrumentaliser par le pouvoir

 

Toujours est-il que son interpellation survient dans des circonstances où il s’est montré plus d’une fois, très critique vis-à-vis du gouvernement de la transition, sa dernière sortie en date étant une critique acerbe contre le chef du gouvernement malien, après la décision d’expulsion du représentant spécial de la CEDEAO au Mali, déclaré persona non grata. C’est dans ces circonstances que le Conseil national de transition s’est saisi du dossier pour essayer d’en comprendre les tenants et les aboutissants, à travers l’installation, le 1er novembre dernier, d’une « Commission ad hoc relative à l’affaire Issa Kaou N’Djim ». Objectif : s’informer sur le dossier et sur les infractions exactes reprochées au 4e vice-président et se prononcer sur les implications juridiques de cette situation, y compris la question de son immunité parlementaire. La question que l’on se pose est de savoir si les députés de la transition malienne feront preuve d’indépendance dans le traitement de cette affaire aux contours encore flous et impliquant l’un des leurs. La question est d’autant plus fondée que le chef d’inculpation « troubles à l’ordre public », en lui-même, est un fourre-tout dont se servent trop souvent les dictateurs et autres régimes autocratiques sous nos tropiques, pour réduire au silence les voix discordantes qui osent se dresser en travers de leur chemin. C’est pourquoi, au-delà de la question de liberté d’expression, si Issa Kaou N’Djim devait devoir ses déboires judiciaires à ses prises de position contre le gouvernement de Chogel Maïga, il serait impératif que le CNT mette un point d’honneur à ne pas se laisser instrumentaliser par le pouvoir en place dans le but de pousser sous la guillotine, une voix gênante. La question de fond étant de savoir si au- delà de l’otrage présumé à l’Exécutif, Issa Kaou N’Djim dit vrai ou faux.

La dimension que  prend l’affaire du député « frondeur», est une mauvaise publicité dont le Mali n’avait pas besoin

En tout état de cause, les critiques, en elles-mêmes, ne sont pas forcément mauvaises. Elles peuvent aussi être constructives.  C’est pourquoi le CNT doit travailler en toute objectivité et en son âme et conscience, à démêler l’écheveau et à se mettre du bon côté de l’histoire. C’est dire si sa responsabilité est grande dans une affaire qui annonce des jours sombres pour la liberté d’expression. Ce, au moment où l’attitude des autorités de Bamako renforce les interrogations sur le sort et la fin de la transition. De quoi se demander ce que cache la frilosité des autorités de la transition.  Quoi qu’il en soit, cela est un mauvais signal et la dimension que  prend l’affaire du député « frondeur», est une mauvaise publicité dont le Mali n’avait pas besoin. Reste maintenant que le droit soit dit. Car, ici au moins, on peut espérer que cette affaire judiciaire ne traînera pas en longueur contrairement à celle de l’assassinat des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon, qui, huit ans après leur disparition à Kidal dans le Nord du pays, le 2 novembre 2013, peine encore à livrer tous ses secrets. Et si, avec le temps, le mystère ne s’épaissit pas autour des circonstances exactes de la mort des deux journalistes, tout porte à croire que les chances d’aboutir à la vérité sont en train de s’amenuiser, avec la récente disparition du chef du commando qui a mené l’expédition. Baye Ag Bakabo, tué le 5 juin dernier par l’armée française, dans une frappe contre un groupe terroriste dans laquelle il n’aurait pas été personnellement visé. Et à en croire la version officielle, ce n’est qu’après l’opération que l’armée française a découvert qu’il figurait parmi les victimes. Vrai ou faux ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. D’autant que le rôle des forces françaises dans le déroulé des événements entre l’enlèvement des deux hommes de médias et leur assassinat, reste toujours sujet à caution. Et on ne sait toujours pas si les soldats français ont tenté une action pour libérer les otages, qui aurait mal tourné. Toujours est-il qu’avec la mort du chef du commando qui était un témoin plus que privilégié, c’est une piste sérieuse qui vient de se refermer. Et avec cette disparition, l’on se demande si l’on saura jamais un jour la vérité dans cette affaire. Un pessimisme d’autant plus grand qu’aux dernières nouvelles, il ne resterait plus qu’un seul membre encore vivant du commando qui a tué les deux journalistes. Mais encore faudrait-il réussir à mettre  le grappin sur lui, vivant, et qu’il accepte de parler. Cela est une autre paire de manches.

 

« Le Pays »

 

 


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