HomeA la uneAFFAIRE MANUEL VALLS : A quand la République vertueuse en Afrique ?

AFFAIRE MANUEL VALLS : A quand la République vertueuse en Afrique ?


 

Le voyage du Premier ministre français, Manuel Valls à Berlin, le 6 juin dernier, pour, dit-il, rencontrer Michel Platini, le ci-devant président de l’UEFA à propos de l’Euro 2016 dont l’organisation échoit à la France, a, c’est le moins qu’on puisse dire, soulevé la controverse dans l’opinion publique française.

Ce n’est pas tant la présence des deux enfants du Premier ministre à bord de l’avion qui a choqué les   Français. Mais plutôt l’utilisation par Manuel Valls du Falcon gouvernemental pour assister à la finale de la Champions League qui mettait aux prises son équipe de cœur, le FC Barcelone, à la Juventus de Turin.

Contrairement à son équipe préférée qui y a remporté sa 5è couronne, la virée de Valls au stade Olympique de Berlin ne lui a pas porté chance, d’autant que la polémique sur les moyens utilisés et la nature même de son voyage continuent de faire rage dans le landerneau politique, et plus généralement, dans l’opinion publique française.

Mais à tous les Français qui le soupçonnent  d’utiliser les moyens de la République à l’occasion de son voyage en Allemagne qu’ils qualifient de privé, Manuel Valls a rétorqué qu’il s’y était rendu en visite officielle et était, de ce fait, en droit de monter à bord du Falcon, n’en déplaise aux adversaires déclarés ou même tapis dans son propre parti.

En tout état de cause, malgré le soutien affiché du président français, François Hollande, et du Secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, Manuel Valls n’a eu d’autre choix que de faire amende honorable et de s’engager à rembourser les 2500 euros correspondants à la prise en charge de ses deux  mômes.

Ce qui est reproché au fond au Premier ministre français, c’est l’utilisation des biens publics à des fins privées et dans un pays comme la France, une telle accusation peut avoir des conséquences fâcheuses voire dramatiques.

Plusieurs hommes politiques français comme le Premier ministre Pierre Bérégovoy en 1993 et plus récemment le sénateur PS, Jean Germain en avril dernier, pour ne citer que ceux-là, ont abrégé leurs jours pour laver leur honneur suite à des révélations sur leurs implications réelles ou supposées dans des abus de biens sociaux ou de position dominante.

Si dans les pays démocratiques où l’on ne transige pas avec la mal gouvernance, les actes posés par Bérégovoy et Jean Germain, pour violents et choquants qu’ils soient, peuvent être considérés comme des barouds d’honneur, il n’en est pas de même dans nos républiques bananières d’Afrique où abuser des biens publics relève de l’anecdote ou de l’épiphénomène.

La moralisation   de la vie publique, la lutte  contre la prédation des biens publics  doivent être les credo des OSC africaines

Dans la quasi-totalité des pays du continent en effet, ce sont les dirigeants eux-mêmes qui érigent la délinquance économique en système de gouvernance.

Et quoi de plus normal que ce soit des chefs d’Etat africains ou leurs proches  qui soient dans le viseur  de la Justice française et internationale pour prévarication, suite aux révélations sur les effarantes dépenses de prestige ou leurs caprices de milliardaires, sans commune mesure avec leurs rémunérations.

Les ennemis de l’Afrique, ce sont les Africains eux-mêmes, dit le chanteur. En effet, si les gouvernants se moquent tant de la chose publique, c’est bien parce que les citoyens, de par leur indifférence ou leur résignation, offrent un terreau fertile pour la perpétuation de leurs agissements délictueux.

Quand on parle souvent de  biens indûment acquis par nos « Présidents-fondateurs » et dissimulés pour ainsi dire en Europe ou ailleurs, les chiffres sont hallucinants. Et le drame, c’est que les peuples africains se contentent d’observer et de laisser faire, parce que, pour bon nombre d’entre eux, des maux  comme la gabegie et la corruption ne sont pas véritablement des obstacles au développement.

A cette sympathie, ou plutôt à cette apathie des opinions publiques africaines vis-à-vis des pilleurs le plus souvent frauduleusement hissés au sommet des Etats, il faut ajouter l’inaction des Organisations de la société civile (OSC)  à quelques rares exceptions près, et le problème originel et fondamental des organes de contrôle dont les membres sont des agents publics ayant une carrière à sauvegarder et opérant naturellement avec prudence pour éviter de descendre au purgatoire administratif.

Certes, dans certains pays, il existe tout un arsenal juridique et administratif pour anéantir la marge de manœuvre des agents publics trop enclins à plonger leurs babines dans la sauce fétide de la gabegie, mais force est de reconnaître que ces mesures dissuasives et même répressives ne suffisent pas à calmer les appétits gloutons ou gargantuesques de ces serviteurs de l’Etat qui, après avoir satisfait leurs besoins primaires, se comportent comme de véritables entrepreneurs au sein et au détriment de l’Etat.

La moralisation tant espérée de la vie publique, la lutte sans merci contre la prédation des biens publics  de même que l’obligation de rendre compte pour tous les gardiens du patrimoine commun, doivent être les credo des OSC africaines qui, malgré leurs relations quelquefois équivoques avec les politiques, gardent encore une certaine crédibilité et disposent de moyens de pression pour faire rendre gorge à tous ces adeptes de la mal gouvernance.

Hamadou GADIAGA


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