HomeA la uneAFFAIRES PISTORIUS-MARIKANA ET RESIDENCE DE ZUMA : De la nécessité d’un renouveau politique et moral en Afrique du Sud

AFFAIRES PISTORIUS-MARIKANA ET RESIDENCE DE ZUMA : De la nécessité d’un renouveau politique et moral en Afrique du Sud


 

Sous la houlette de Nelson Mandela,  figure historique de la lutte contre la politique d’exclusion des Afrikaners, l’Afrique du sud est devenue en l’espace de 5 ans, non seulement une nation multiraciale, mais aussi une exception démocratique dans un continent ravagé par des guerres et dirigé par des autocrates dont la seule évocation de la notion de démocratie suffisait à hérisser les poils.

Toutefois, si les ressorts de cette alchimie politique résistent toujours au temps, la bonne gouvernance et l’exemplarité morale des dirigeants sud-africains sont de plus en plus sujettes à caution avec les nombreux « scandales » politico-judiciaires qui rythment la vie des Sud-africains ces dernières années.

Le plus récent et l’un des plus médiatisés est sans conteste la rénovation controversée de l’extravagante résidence privée du Président Jacob Zuma à Nkandla, dans la région rurale du Kwazulu Natal. Il faut préciser que ces travaux de réfection consistaient à construire, aux frais du contribuable sud-africain, une piscine, un amphithéâtre, un enclos pour le bétail, un centre d’accueil des visiteurs et, vous ne rêvez pas, un poulailler pour la basse-cour de la famille présidentielle.

On comprend donc aisément pourquoi des partis comme l’Alliance Démocratique de  Mmusi Maimane et  les « Combattants pour la liberté économique » du flamboyant Julius Malema, sont vent debout contre « des aménagements qui n’avaient aucun rapport avec les raisons de sécurité justifiées pour procéder aux travaux ». Et la preuve que nul ne peut dilapider impunément les deniers publics dans un pays où la liberté d’expression et le principe de reddition des comptes sont gravés dans le marbre de la Constitution, c’est ce supplice enduré par le Président  Zuma à chacun de ses passages au parlement, pour non seulement qu’il reconnaisse ce qu’on pourrait bien qualifier de « Nkandlagate », mais aussi et surtout pour qu’il « rende l’argent » qu’il doit au Trésor public sud-africain. Mais jusque-là, force est de constater que ni les vociférations accusatrices de Julius Malema, ni les interpellations du principal parti de l’opposition n’ont réussi à ébranler le fantasque président. De guerre lasse, pourrait-on dire, les « Combattants pour la liberté économique » du très populiste Julius Malema ont décidé d’engager jeudi une procédure judiciaire pour contraindre le président Jacob Zuma à rembourser les fonds publics dont il a indûment bénéficié. Dans la forme, on peut se féliciter que le président accepte d’être publiquement mis en cause par l’ancien patron des jeunes de son parti, puisqu’ailleurs en Afrique, cela aurait valu à l’impertinent une « disparition mystérieuse » ; mais avait-il vraiment le choix, au regard de l’indécence de son acte et de son passé pour le moins sulfureux ? Pas vraiment, et c’est tout à l’honneur des partis de l’opposition qui jouent pleinement leur rôle de contre-pouvoir; mais attendons de voir la suite judiciaire de cette scabreuse affaire avant de nous prononcer sur la capacité  de la justice de la nation « arc-en-ciel » à dire véritablement le droit.

Espérons un sursaut d’orgueil de la part de la nouvelle génération

Car, depuis le fait divers à la fois glamour et sanglant qui a entraîné la mort par balles réelles de Reeva Steenkamp en février 2013 suite à sa dispute avec son petit ami et athlète handisport le plus célèbre du monde, Oscar Pistorius, la Justice sud-africaine est…au banc des accusés. Certes, les avocats du sprinteur paralympique ont défendu le scénario d’une terrible méprise, ce dernier ayant confondu sa petite amie avec un cambrioleur, mais il n’en reste pas moins vrai que la libération conditionnelle d’Oscar Pistorius qui devait intervenir aujourd’hui même, 21 août 2015, a ceci de choquant pour la famille de Reeva Steenkamp et pour bon nombre d’observateurs. Heureusement, est-on tenté de dire, que le parquet sud-africain a fait appel de la condamnation de Pistorius, en espérant que ce dernier sera reconnu coupable de meurtre et écopera d’une peine plus lourde, pour rendre justice à la victime et redorer le blason d’un système judiciaire déjà terni par le « silence-radio » du procureur de la république, suite à un autre crime dont l’ampleur et le sang-froid avec lequel il a été exécuté ont ému le monde entier. Il s’agit, on s’en souvient, du massacre de trente-quatre mineurs à Marikana qui manifestaient pour l’amélioration de leurs conditions de vie le 16 août 2012, massacre perpétré par une police aux réflexes meurtriers. Dans ce scandale, là aussi, c’est une figure de proue de l’ANC qui est indexée, le vice-président Cyril Ramaphosa pour ne pas le nommer.

Et c’est à se demander si les principaux dirigeants actuels de ce parti qui sont quasiment tous devenus des magnats, sont dignes d’être encore aux commandes, au regard de l’érosion continue de l’image somme toute reluisante que des personnalités comme Nelson Mandela, Walter Sisulu et Oliver Tambo, entre autres, avaient réussi à donner à cet ANC qui, il n’y a pas longtemps, servait de référence pour tous les peuples en lutte pour la liberté. Espérons qu’un sursaut d’orgueil de la part de la nouvelle génération, toutes races confondues, viendra faire souffler le vent du renouveau politique et moral dans la gestion des affaires de l’Etat, afin de permettre à l’Afrique du sud de se départir de cette image détestable d’un pays dont les dirigeants deviennent de plus en plus loufoques, se fichant éperdument des valeurs cardinales que leur ont léguées leurs devanciers.

Hamadou GADIAGA


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