AFFRONTEMENTS AU NORD-MALI :A qui profite ce regain de violence ?
Après l’offensive de l’armée malienne de mai dernier, qui s’est soldée, on le sait, par sa déculottée, l’on avait assisté jusque-là à une accalmie dans le Nord- Mali. Malheureusement, des affrontements meurtriers viennent de s’y produire, le vendredi 11 juillet dernier, entre le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et des groupes armés dont l’identité demeure encore un mystère.
Le ping-pong entre Bamako et le MNLA a créé une situation confuse
Pour les rebelles touaregs cependant, le doute n’est pas permis ; Bamako serait derrière cette nouvelle attaque. Cette version est catégoriquement rejetée par le gouvernement malien et par Hervé Ladsous, le Secrétaire général adjoint des Nations-Unies en charge des opérations de la paix. Ce dernier a, en effet, fait observer que l’armée malienne est absente de la région depuis 2 ou 3 mois. Le fonctionnaire onusien a par ailleurs dénoncé une violation du cessez-le-feu signé le 23 mai 2014. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce ping-pong entre Bamako et le MNLA, au sujet de cette dernière attaque, a créé une situation confuse et préoccupante qui pourrait hypothéquer les chances de succès de la prochaine rencontre d’Alger dont le top départ est prévu pour le mercredi 16 juillet 2014. La grande question que l’on est en droit de se poser est de savoir à qui pourrait profiter ce regain de tension à la veille pratiquement de ce grand et important rendez-vous des frères ennemis maliens en territoire algérien. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées, en rapport avec cette interrogation. D’abord, l’on pourrait y voir une manoeuvre du MNLA. En effet, l’on peut penser que l’initiative de la diplomatie algérienne n’a pas été acceptée de bon cœur par les rebelles touaregs. Ces derniers qui ne jurent que par la médiation de Ouagadougou, feront néanmoins le déplacement d’Alger mais avec le cœur gros. Mais avant, l’on peut avoir le sentiment qu’ils ont tenu à lancer un message fort à la facilitation algérienne pour lui signifier que Bamako n’est pas sincère dans sa volonté d’aller à la paix.
On a des raisons d’avoir des appréhensions par rapport aux pourparlers d’Alger
Le MNLA exhibera, pour étayer cette thèse, les derniers combats qui ont eu lieu entre Gao et Kidal et dont il attribue l’entière responsabilité aux autres groupes armés de la région, instrumentalisés à ses yeux par le gouvernement malien. Du même coup, le MNLA qui affirme avoir repoussé cette agression, veut démontrer à la face d’Alger qu’il est un interlocuteur sérieux qui a les moyens de faire face à toutes les tentatives de l’armée malienne de reconquérir les villes qu’il a sous son contrôle. Ces éléments pourraient donc être mis à profit par le MNLA pour arracher de grandes concessions à l’occasion des prochains pourparlers inter- maliens à Alger. Par conséquent, les attaques dont le MNLA prétend avoir été l’objet et dont il impute la responsabilité à Bamako, pourraient n’être qu’une mise en scène du mouvement rebelle touareg dont l’objectif serait de lui permettre de se présenter à Alger en position de victime qui a cependant les arguments militaires pour tenir la dragée haute à l’armée malienne et à ses acolytes locaux. La facilitation algérienne ne devrait donc pas perdre de vue cette donne militaire dans sa recherche d’une sortie de crise. Une autre hypothèse qui n’est pas à écarter d’emblée pourrait être la suivante : Bamako, à la veille de la rencontre d’Alger, voudrait faire passer le message selon lequel, le MNLA n’est pas représentatif des populations du Nord. La preuve est qu’il vient d’être attaqué par d’autres groupes armés de la même zone. De ce point de vue, Bamako, par cette attaque orchestrée par des groupes armés acquis à sa cause, veut démontrer l’imposture du MNLA qui s’évertue à brandir à la face du monde que sa lutte est celle de l’ensemble des populations du Nord. L’objectif du gouvernement serait alors d’inviter la facilitation algérienne à ne pas surestimer la représentativité du MNLA dans le septentrion malien. En attendant que les jours à venir nous situent sur ces hypothèses, l’on a des raisons d’avoir déjà des appréhensions par rapport à l’issue des prochains pourparlers inter-maliens d’Alger avec ce regain de violence au Nord-Mali. C’est dans ce contexte favorable au retour des djihadistes sur le sol malien, que la France a annoncé que l’opération Serval cèdera bientôt la place à l’opération « Barkhane » dont l’objectif est de « terminer le travail » de la première, cette fois-ci contre le terrorisme à l’échelle de l’Afrique . Mais « Barkhane » risque fort d’être un coup d’épée dans l’eau si la France ne travaille pas d’abord à un retour de la paix dans le septentrion malien. Cela, bien entendu, passe d’abord par un succès sans faille de la rencontre d’Alger du 16 juillet prochain.
Pousdem PICKOU