HomeA la uneAFFRONTEMENTS INTER COMMUNAUTAIRES EN RCA : A Bangui, la mort est facile !

AFFRONTEMENTS INTER COMMUNAUTAIRES EN RCA : A Bangui, la mort est facile !


 

La capitale centrafricaine a été le théâtre de violents heurts le samedi dernier, entre des belligérants qui n’ont pas encore été formellement identifiés. Toutefois, selon des témoignages recueillis sur place par plusieurs confrères, c’est la mort atroce d’un jeune musulman qui aurait mis le feu aux poudres et déclenché ainsi des affrontements dont le bilan serait, de source hospitalière, une trentaine de morts et plus d’une centaine de blessés. Dans une ville où les nerfs sont déjà à fleur de peau à cause des tensions communautaires et religieuses, il n’est pas étonnant qu’un tel incident provoque automatiquement, et peut-être même aveuglément, des représailles et des règlements de compte entre les populations, profitant évidemment de la désintégration de l’Etat centrafricain et du manque de poigne et de légitimité des autorités de la Transition qui semblent être là, juste pour inaugurer les chrysanthèmes et se la couler douce jusqu’aux hypothétiques élections législatives et présidentielles. Il semble en effet que ce sont les musulmans, reclus dans leur enclave du PK5 depuis le départ de la Séléka du pouvoir en 2014, qui ont entrepris de venger leur coreligionnaire, en s’attaquant aux quartiers habités majoritairement par des chrétiens. Les échanges de tirs qui s’en sont suivis ont non seulement fait des victimes, mais aussi engendré des déplacements massifs de populations fuyant les combats, vers des camps sécurisés par les forces internationales de la MINUSCA. Ce déferlement de violences collectives dans une ambiance de guerre civile, fait craindre une remise en cause définitive de la cohésion nationale et une partition de la RCA : une partie occidentale mise sous coupe réglée par les milices anti-Balaka où les musulmans sont persécutés d’une part, et d’autre part, une partie orientale tenue de main de maître par les hommes de la Séléka majoritairement musulmans et qui font de leurs compatriotes chrétiens, leurs principales cibles.

Il faudra accélérer le processus de désarmement

Pour ressouder les liens distendus entre les frères ennemis, un forum de réconciliation avait été organisé à Bangui en mai dernier. Mais au regard des derniers affrontements entre groupes armés au cœur même de la capitale, on peut, sans risque de se tromper, affirmer que les conclusions de ce forum ne sont ni plus ni moins qu’un catalogue de bonnes intentions qu’aucun des protagonistes n’est prêt à appliquer sur le terrain. Et c’est justement cette irresponsabilité et cette inconscience viscérale des acteurs centrafricains, tous bords confondus, qui vont, si l’on n’y prend garde, entraîner une « somalisation » ou une « darfourisation » du pays, avec des délinquants armés qui instrumentalisent à souhait la religion et l’appartenance ethnique pour continuer à mener allègrement leur vie de ripoux. Et au milieu de cette chienlit, de ce far West, on a cette force d’interposition multinationale dont les soldats sont plus enclins à assouvir leurs appétits sexuels grâce au pactole qu’ils reçoivent des Nations unies, qu’à risquer leur propre vie pour rabibocher des frères haineux. Pour autant, faut-il désespérer de la Centrafrique et s’en détourner au point de laisser le processus de pacification et de réconciliation, entamé sous l’égide de l’ONU, rester au milieu du gué ? Assurément non ! Et pour réussir cette mission oh ! combien délicate, il faudra accélérer le processus de désarmement de toutes les milices, reconstituer une armée véritablement nationale et représentative de toutes les communautés du pays, organiser des rencontres d’échanges interreligieux et intercommunautaires, déployer des forces neutres autour des sites de production d’or et de diamant afin de priver les chefs de guerre ou plutôt de gang, de leur source de financement, et organiser des élections inclusives, en prenant soin de ne pas laisser sur le carreau, même les pyromanes de la pire espèce comme François Bozizé et Michel Djotodia. Car, si c’est le prix à payer pour épargner aux populations centrafricaines la mort gratuite et facile comme ce à quoi on a assisté samedi dernier, cette pilule, aussi amère soit-elle, vaut la peine d’être avalée.

Hamadou GADIAGA


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