AMNISTIE POUR LES ANCIENS PRESIDENTS DANS LA NOUVELLE CONSTITUTION CONGOLAISE : Ainsi donc, c’est impunité que Sassou cherchait !
A l’issue du controversé référendum du 25 octobre dernier, la nouvelle loi fondamentale du Congo a été promulguée le 6 novembre par le chef de l’Etat. Mais elle est en train de creuser le fossé de la division entre les Congolais. Pour cause, une disposition de cette nouvelle Constitution stipule que le « chef de l’Etat ne peut pas être poursuivi après l’exercice de ses fonctions ». Celle-ci a été rejetée par l’opposition pour qui, après avoir « allègrement violé les dispositions intangibles de la Constitution du 20 janvier 2002 pour se maintenir au pouvoir à la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel qui s’achèvera le 12 août 2016, il [Sassou Nguesso] s’est octroyé une amnistie totale et à vie selon les dispositions des articles 10 et 87 de ladite Constitution, pour tous les crimes de sang et tous les crimes économiques commis pendant ses 32 ans de règne sans partage ». En s’aménageant une telle porte de sortie, l’homme fort de Brazzaville finit non seulement de convaincre qu’il n’a pas la conscience tranquille, mais aussi qu’à défaut de mourir au pouvoir, il n’a aucune envie de faire face aux fantômes de ses trois décennies de pouvoir, qui hantent certainement ses nuits et troublent son sommeil. Mais tôt ou tard, il va bien falloir ouvrir les placards de son règne. Et que dire des crimes économiques? Ce n’est pas par hasard si le nom de Sassou est cité dans l’affaire dite « des biens mal acquis » de présidents africains qui thésaurisent indûment des fortunes colossales en Europe, pendant que la majorité de leurs administrés croupissent dans la misère crasse, sans même pouvoir s’assurer un bon repas par jour.
Comment peut-on vouloir diriger un pays, sans avoir à rendre des comptes ?
Dans le cas d’espèce, Sassou Nguesso aura trompé tout le monde sur toute la ligne, en profitant du référendum pour glisser des dispositions bien plus scélérates que la question de son troisième mandat dans la loi fondamentale de son pays. Et cela, encore à son seul profit. Aussi ne serait-il pas exagéré de dire qu’en lieu et place d’un référendum pour renforcer la démocratie et les institutions, c’est un référendum pour renforcer la dictature, avec, au bout du compte, une impunité totale pour le chef de l’Etat. Dans un Etat de droit, cela est simplement inacceptable. François Hollande doit, à présent, être dans ses petits souliers ; lui qui soutenait que Sassou avait le droit de consulter son peuple. A présent, le locataire de l’Elysée devrait en avoir gros sur la conscience, ses propos ayant pu servir d’adjuvant à la forfaiture de Sassou. En tout cas, Hollande peut maintenant se faire une meilleure idée, et mieux, comprendre le tollé que ses propos avaient suscité au sein des démocrates du continent qui ne peuvent accepter que la position du président de la patrie des droits de l’Homme, passe pour un blanc-seing ou une caution morale à des dictateurs décidés à ramer à contre-courant de l’histoire. D’autant plus que dans son propre pays, la France, il est inimaginable qu’un ancien président puisse rêver d’un tel privilège. Ce n’est pas Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy qui diront le contraire. Pour en revenir au Congo, le pire, c’est que cette loi d’amnistie a non seulement un effet rétroactif (elle devrait s’appliquer à ses crimes passés), mais disposera aussi pour l’avenir. Autant dire que c’est l’enfer qui s’ouvre pour le peuple congolais. Car, c’est comme si Sassou Nguesso disposait ad vitam, de droit de vie et de mort sur ses compatriotes, sans avoir aucun compte à rendre. Et rien ne dit qu’il s’en privera, surtout pour casser de l’opposant, à l’image du satrape de Bujumbura qui marche sur les cadavres de ses compatriotes pour se maintenir au pouvoir. Quelle honte ! Comment peut-on vouloir diriger, en ce XXIe siècle, un pays, sans avoir à rendre des comptes ? C’est scandaleux de faire voter une telle loi pour soi-même. Ceux qui ont aidé Sassou à se confectionner une telle Constitution taillée sur mesure, ne rendent pas service à la démocratie. Et s’ils s’imaginent qu’en octroyant à l’actuel chef de l’Etat, cette amnistie, ce dernier pourra renoncer de lui-même au pouvoir, ils se trompent. Car on l’a vu au Burkina Faso avec Blaise Compaoré. Malgré l’amnistie qu’il s’était octroyée pour assurer ses arrières, il n’a jamais renoncé à son rêve de se maintenir au pouvoir. La suite, on la connaît. Sassou Nguesso ne saurait être une exception. D’ailleurs, qu’est-ce qu’il peut bien avoir à prouver ou à réaliser après plus de trente ans de pouvoir, qu’il n’ait déjà fait ? Si, après tout ce temps, c’est maintenant qu’il se découvre de nouveaux chantiers, c’est la preuve de son échec à la tête du Congo. Dans ces conditions, il devrait débarrasser le plancher et laisser la place à un autre Congolais. Si c’est pour l’argent qu’il s’agrippe à son fauteuil, Dieu seul sait l’étendue de sa fortune. Il y a donc lieu de croire que la finalité de tout ce cirque, c’est la recherche de l’impunité. Mais la roue de l’histoire tourne. Et rien ne l’empêchera de tourner.
Outélé KEITA