AN III DE L’INSURRECTION POPULAIRE : Hommage rendu aux martyrs !
La cérémonie officielle d’hommage aux martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a eu lieu le 31 octobre 2017. Cette cérémonie qui s’est voulue sobre, a été marquée par un dépôt d’une gerbe de fleurs par le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré.
Les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ont reçu les hommages officiels de la Nation, le 31 octobre dernier à Ouagadougou. Cette cérémonie s’est voulue sobre, mais riche en enseignements et en introspection. En effet, elle n’aura duré qu’une quinzaine de minutes et réuni des membres du gouvernement, les présidents d’instituions de la République, des députés, des responsables de partis politiques, des ambassadeurs, des parents, amis et proches des victimes et blessés de l’insurrection populaire. Aucun discours officiel n’a été prononcé. Il était environ 9h 55mn quand le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, est arrivé au monument des Héros nationaux, sis à Ouaga 2000. Avant de rejoindre la loge officielle, il a reçu les hommages militaires. L’hymne national est chanté en chœur par tous ceux qui ont effectué le déplacement. Quelques minutes plus tard, les présidents d’institutions, les membres du gouvernement et les personnalités de marque ont été invités, par ordre protocolaire, à faire mouvement vers la stèle dédiée aux martyrs de l’insurrection populaire. Le moment devenait de plus en plus solennel ! Le président du Faso avança à son tour vers la stèle, précédé par deux hommes en tenue militaire tenant en mains la gerbe de fleurs. Puis, vint l’acte final, c’est-à-dire le dépôt de la gerbe de fleurs. C’est ainsi que s’est déroulée la cérémonie officielle marquant le 3e anniversaire de l’insurrection populaire.
C’est la Justice burkinabè qui doit se faire valoir
Si le président du Faso ne s’est pas exprimé officiellement, ses collaborateurs ont dit avoir l’espoir que justice sera rendue aux martyrs. « Pour la justice, il y a un début et nous ne désespérons pas. Le processus a été entamé et nous osons croire qu’au prochain anniversaire, nous allons pouvoir tous pousser un ouf de soulagement. C’est un point de départ extrêmement important pour les jeunes générations qui vont venir. Les générations futures sauront que lorsqu’on a dit depuis la nuit des temps que le Burkinabè, est celui-là qui est brave, rigoureux dans ses prises de positions, ils verront, à travers les 30 et 31 octobre 2014, la justification de tels propos. C’est un événement qui a achevé de convaincre plus d’un que, plus jamais, rien ne sera comme avant », a indiqué le ministre d’Etat, ministre de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré. Quant aux blessés et parents des victimes, ils disent attendre toujours que justice soit rendue. « C’est comme si cela vient d’arriver, parce que nous nous en souvenons comme si c’était hier. La justice est le point focal de ce qui est de l’apaisement à la suite de ces événements. Tant qu’il n’y a pas de justice, cela veut dire que tous ceux qui ont travaillé à fragiliser le tissu social auraient eu raison. Nous disons que c’est la Justice burkinabè qui doit se faire valoir », s’est indigné Dramane Ouédraogo, président de l’Association des blessés de l’insurrection populaire. « Ce n’était pas facile, mais il y a du mieux. Par contre, il y a d’autres qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts », a témoigné Clément Sama, étudiant en première année en génie électrique. Il était en classe de première pendant l’insurrection populaire. Il dit ne pas regretter d’avoir été dans la rue les 30 et 31 octobre 2014, parce qu’il l’avait fait pour l’intérêt supérieur de la Nation. Si c’était à refaire, Clément Sama se dit toujours prêt. En rappel, les 30 et 31 octobre 2014, la population burkinabè avait répondu à l’appel du Chef de file de l’Opposition politique (CFOP) et de celui des Organisations de la société civile qui refusaient la modification de l’article 37 de la Constitution qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux. Ces événements ont coûté la vie à une trentaine de personnes et occasionné environ 600 blessés. Des domiciles privés, des lieux de commerce, des édifices publics ont également à l’occasion subi la furie des manifestants à travers le pays. Il faut noter que cette cérémonie a été boycottée par l’Opposition politique.
Issa SIGUIRE
ENCADRE
Ils ont dit
Serge Bayala, activiste et blessé du coup d’Etat manqué : « C’est une sorte de publicité judiciaire »
« Ce sont avec des sentiments de regret que nous ayions commémoré l’an I, l’an II et aujourd’hui l’an III de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 sous le signe de l’impunité. On se pose la question de savoir si l’an IV sera aussi celui de l’impunité. On se pose cette question en tant que blessé, mais aussi pour les martyrs qui ont été arrachés à notre affection. Est-ce qu’il y a une volonté véritable de soulager les cœurs de toutes les personnes qui sont décédées et enterrées au cimetière de Gounghin ? C’est un profond regret, quand on a vu les événements récents où les animateurs probables de ces désastres sont en train de jouir de l’impunité en bénéficiant de libertés provisoires. On remarque que la question de la justice par rapport à ce dossier n’est évoquée qu’à la veille des différentes commémorations de l’insurrection populaire. Pour nous, c’est une sorte de publicité judiciaire. »
Philippe Ouédraogo, président du PDS /Metba : « Nous rendons hommage à la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour que le pays avance»
« Nous avons vécu, il y a de cela 3 ans, des moments historiques très importants. Le peuple a été lui-même acteur de son destin, de la transformation du pays. Il est juste, même si cela nous a coûté des martyrs, que chaque année, nous commémorions cet événement important de notre pays. Aujourd’hui, nous rendons hommage à la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour que le pays avance, pour que la roue de l’histoire ne tourne pas dans le sens inverse.»
Safiatou Lopez/Zongo, présidente du Cadre de concertation nationale des OSC : « C’est du mépris pour la société civile »
«Les manœuvres pour anéantir la société civile sont écœurantes. Ce matin, ils ont cité tout le monde, sans la société civile. Cela veut dire qu’ils ont déjà oublié tout le travail que la société civile a abattu. Ils ont oublié que tous ceux qui sont tombés, sont nos camarades. C’est du mépris pour la société civile. Le travail qui est fait derrière pour anéantir la société civile, est grave. Le monde entier a reconnu et félicité ce que la société civile a fait au Burkina Faso. Si, après 3 ans, on méprise la société civile jusqu’à ce point, nous n’avons rien à dire. »
Xavier Lapeyre de Cabanes, ambassadeur de France au Burkina : ” En l’espace de 48 heures, le peuple s’est soulevé pour dire non à un dirigeant qui, sans être un dictateur complet, n’était pas un dirigeant très démocrate »
« C’était un grand moment dans l’histoire du Burkina. C’était un moment où en l’espace de 48 heures, le peuple s’est soulevé pour dire non à un dirigeant qui, sans être un dictateur complet, n’était pas un dirigeant très démocrate. En 48 heures, le régime est tombé. C’est la preuve que les régimes que l’on croit stables, parce qu’ils sont soi-disant forts, sont en réalité les régimes les moins stables. Les régimes les plus stables sont ceux où le peuple dirige. Je n’ai pas vécu au Burkina à l’époque du coup d’Etat ni celle de l’insurrection populaire. Je suis arrivé moins d’un an après l’élection du président Roch Marc Christian Kaboré. Mais j’ai l’impression, depuis un an, que je suis dans un pays démocratique, comme tous les pays démocratiques avec un régime vivant, dynamique, de contestation, de conflits parfois. Dans les régimes démocratiques, on règle les conflits de façon pacifique, par le dialogue, par la justice. J’ai l’impression que la démocratie se porte bien au Burkina, elle est vivante, elle est dynamique. Il y a beaucoup de partis politiques, beaucoup d’organisations de la société civile, beaucoup d’ONG, la population est très dynamique et la presse libre. »
Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, député et responsable de la jeunesse du MPP : « Il y a une pression inimaginable sur le Burkina, pour que notre cas ne puisse pas faire école »
« C’est une grande fierté pour ce que la jeunesse et la population de façon générale ont pu faire. Le Burkina Faso fait la fierté non seulement de l’Afrique, mais aussi du monde entier. Notre exemple est cité partout et je pense que la fierté que nous ressentons est légitime. Mais en démocratie, rien n’est acquis définitivement. Il faut continuer à travailler à parfaire cette démocratie. Il y a aussi l’épineuse question de la justice pour les martyrs, parce que ce sont nos camarades jeunes qui sont tombés. Ça pouvait être nous, mais ils sont tombés pour que nous puissions avoir la liberté. Nous avons le devoir de leur rendre justice, pour qu’ils puissent reposer en paix. C’est le tableau un peu noir que nous avons. Jusqu’à présent, nous n’avons pas pu clore ce dossier de justice pour que nos martyrs puissent avoir le repos éternel. Il y a des dirigeants de certains pays de la sous-région qui ne voient pas d’un bon œil ce qui s’est passé au Burkina et qui aimeraient que ça échoue. Nous avons beaucoup de paramètres qui jouent contre nous et il faut être conscient de cela. Nous remarquons qu’il y a des chefs d’Etat qui ont pris le schéma que le président Blaise Compaoré a choisi en son temps, qui est de se pérenniser au pouvoir. Ce qui est inadmissible maintenant, pour la jeunesse africaine de façon générale. Vous avez vu ce qui s’est passé au niveau de la Justice. Il y a une pression inimaginable sur le Burkina, pour que notre cas ne puisse pas faire école. »
Propos recueillis par Issa SIGUIRE