HomeComoé infosANCIENNE SALLE DE MARIAGE DE BANFORA : SOS pour une bâtisse pleine de souvenirs

ANCIENNE SALLE DE MARIAGE DE BANFORA : SOS pour une bâtisse pleine de souvenirs


La toute première salle de mariage de Banfora se trouve dans un état de délabrement total ; et personne ne semble s’en soucier. Du moins, c’est l’impression qu’on a. Pendant encore combien de temps ce bâtiment qui se dresse majestueusement en face du gouvernorat des Cascades et de la résidence du Secrétaire général de la région sera-t-il dans cet état ? Bien malin celui qui saura répondre à cette question que se posent certains Banforalais. C’est une salle qui a connu plusieurs utilisations avec le temps puisqu’ayant abrité de nombreuses et grandes manifestations. De nos jours, elle se trouve dans un état qui laisse croire qu’elle est oubliée de tous. D’où ce SOS lancé par certains habitants qui l’ont connue et fréquentée, à l’endroit de tous les fils et les filles du Burkina et particulièrement ceux de la région des Cascades.

Dans nos villes et campagnes, il y a des places ou monuments qui renferment les plus grands souvenirs de la localité. Sont de ceux-là les écoles, les bâtiments administratifs, ceux des institutions comme la Poste. Leur simple vue suffit à raviver les souvenirs du temps passé chez les anciens, et à susciter la curiosité chez les jeunes générations. La ville de Banfora en regorge beaucoup. Si certains n’ont encore pas fini de rendre service à la région en continuant d’abriter des services déconcentrés de l’Etat, d’autres par contre sont dans l’abandon ; comme si jadis, ils n’ont pas été le lieu de tous les rassemblements, des grandes cérémonies et des cadres où on prenait les grandes décisions et où on dispensait des savoirs. Font partie de ces constructions, un bâtiment situé sur l’esplanade du gouvernorat de la région des Cascades à Banfora, perdu dans de hautes herbes par ces temps d’hivernage et qui retient l’attention des passants. Les personnes qui fréquentent régulièrement ces lieux, ceux qui traversent quotidiennement cet endroit n’y prêtent plus attention. Par contre, ceux pour qui c’est la première fois de se rendre au gouvernorat se posent toujours la question de savoir à quoi a servi une telle bâtisse. Construite selon le modèle colonial avec la traditionnelle haute estrade qui les (les bâtiments du temps colonial) caractérise, la première salle de mariage de Banfora (nommons-la ainsi pour le besoin de cet article) est aujourd’hui dans un piteux état. Très souvent, elle est habitée par des fous et des animaux lorsqu’ils doivent se mettre à l’abri des intempéries. Inutile de dire que le décor ne fait pas beau lorsqu’on prend l’ensemble des bâtiments composés par le gouvernorat, le haut-commissariat de la Comoé, la préfecture de Banfora et la direction régionale de l’économie et de la planification. A entendre Kanibary Traoré, né en 1945 à Douna (45 km de Banfora), instituteur au départ et maire par la suite, ancien député et aujourd’hui retraité vivant à Banfora, cette salle a rendu d’énormes services à la région et elle en est toujours capable. « Les colons qui l’ont construite en ont fait une salle de mariage, vu que Banfora venait d’être érigé en Cercle. A ce qu’on dit, Daniel Ouézzin Coulibaly, qui a plus tard été un des dirigeants politiques du Burkina, y a même célébré son mariage », raconte monsieur Traoré. Et de poursuivre qu’il faut reconnaître qu’en son temps, ils n’étaient pas nombreux ceux qui se mariaient devant l’officier de l’Etat civil. Et comme les mariages n’étaient pas légion, la salle a été transformée en salle de tribunal. C’est donc là, reprend Kanibary Traoré, que se tranchaient les conflits entre agriculteurs et éleveurs et autres litiges pour femme. Entre-temps, fait-il savoir, une des salles de classes de l’école Centre A s’est écroulée. Avant qu’elle ne soit réhabilitée, c’est dans cette salle que les élèves ont, deux ans durant, suivi les cours. « Si vous y faites un tour, vous verrez toujours le tableau ». En demandant à Kanibary Traoré d’exprimer les sentiments qui l’animent de nos jours lorsqu’il voit l’état dans lequel se trouve cette salle, la joie qui se lisait sur le visage de notre interlocuteur alors qu’il évoquait les bons souvenirs cède la place à une tristesse qui en dit long sur son remords. « Je suis frustré de constater, impuissant, que nous sommes en train de la perdre. Au moment où on la construisait, la commune n’avait certainement pas une « belle » assiette fiscale pour réaliser certaines choses. Mais actuellement, la réhabilitation de cette salle pourrait être envisagée si les autorités municipales sont animées du souci de la préserver. Personnellement, lorsque j’étais député, j’ai tout fait pour qu’on nous la prête comme bureau des députés. Mais cela n’a pas été possible. Je n’ai pas pour autant démordu puisque mon souhait est qu’elle soit occupée, de telle sorte que les générations futures connaissent son histoire. C’est ainsi qu’une fois de plus, il y a à peine quelques mois, j’ai demandé sa réhabilitation à la commune pour servir de siège à l’association des retraités de Banfora. Mais comme on le voit dans certains pays où des jeunes rêvent de s’unir dans les lieux où des célébrités l’on fait, la mairie pourrait faire revivre cette salle et cela peut lui permettre d’une manière ou d’une autre de renflouer ses caisses », dit-il. On peut donc reconnaître avec Kanibary Traoré que cette salle a rendu beaucoup de services à la ville et qu’elle en est encore capable. Ses propos sont soutenus par Oscar Bassolet, Secrétaire de la mairie de Banfora aujourd’hui à la retraite, qui atteste avoir pris les cours du CM2 dans cette salle. « J’ai fait le CM2 dans cette salle entre 1971 et 1972 au compte de l’école Avenir de Banfora. Nous étions la première promotion de cette école et comme elle (l’école) ne disposait pas suffisamment de salles de classe, nous y avons été transférés lorsque notre promotion est arrivée au CM2 ». Pour monsieur Bassolet, c’est un pan de son histoire personnelle et de plusieurs autres personnes qui se trouve dans cette salle. Son état actuel ne le réjouit guère, fait-il savoir. Et d’ajouter : « A l’époque, elle était très bien entretenue, avec des fenêtres et un plafond faits en natte ». Tout comme Kanibary Traoré, Oscar Bassolet estime qu’aménager cette salle pour lui donner une seconde vie ne serait pas peine perdue. « C’est l’une des plus vieilles salles de la ville et elle ne mérite pas d’être abandonnée », s’est-il exprimé. Le vieux Amidou Maïga, actuellement 2e vice-président de la Délégation spéciale de la commune de Banfora, s’inscrit dans la même logique. Aujourd’hui à la retraite puisque né en 1948 dans la cité du Paysan noir, il fait noter pour sa part, que l’état dans lequel se trouve cette salle crée de l’amertume. « Elle a totalement été abandonnée. Lorsqu’on passe aux abords, on constate la présence de fous, d’animaux et cela est déplorable. Je pense que cette salle pourrait être aménagée et servir de musée pour la ville qui n’en dispose d’ailleurs pas ». Selon lui, c’est dans cette salle qu’on célébrait localement la fête du 14 juillet au temps colonial. Et de conclure à son tour, que son souhait est qu’on la réhabilite afin que les souvenirs qu’elle renferme durent dans le temps.

Mamoudou TRAORE

 

 

 


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