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ANNULATION DE POURSUITES JUDICIAIRES CONTRE SANOGO AU MALI


On voyait venir les choses. En effet, l’ex-putschiste malien Amadou Haya Sanogo et ses 12 co-accusés poursuivis pour l’assassinat de 21 bérets rouges suite au coup d’Etat contre le général Amadou Toumani Touré (ATT), ne seront pas jugés. Ainsi en a décidé la Cour d’assises de Bamako qui s’appuie sur une « loi d’entente nationale qui exonère tous ceux qui ont commis de graves crimes en 2012, hormis ceux qui ont commis des crimes relevant de la Cour pénale internationale (CPI) ». La défense de Sanogo et compagnie n’avait d’ailleurs de cesse d’invoquer cette loi prise à l’issue de la Conférence d’entente nationale organisée sous le défunt régime de Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) en 2018.  Ainsi donc, Haya Sanogo est désormais totalement libre de ses mouvements. Les poursuites judiciaires à son encontre, étant abandonnées ou annulées, l’ex-putschiste n’a pas manqué d’esquisser un sourire comme s’il avait choisi de se moquer de ses victimes et de leurs proches. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement quand on sait que depuis l’ouverture du procès de Sanogo et ses co-accusés en 2016, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ? En témoigne cet accord d’indemnisation négocié en 2020 entre les mis en cause et la partie civile, qui est en cours d’application « au grand bonheur des victimes ». Et ce n’est pas tout. Car, au-delà du paiement d’un montant indemnitaire, certains parents de victimes ont vu l’intégration des leurs dans la Fonction publique. On oublie volontiers que la plupart des familles des victimes ont acquis des logements ; le tout sur fond de promesse ferme du gouvernement d’organiser des funérailles nationales à la mémoire des disparus. Tant et si bien que les parents des victimes, pour ainsi dire, n’avaient plus le cœur au procès puisqu’ils ne participaient même plus aux audiences.

 

Il faut craindre que le cas Sanogo ne constitue un précédent dangereux dans l’histoire du Mali

 

En tout cas, c’est tant mieux si ces arrangements hors prétoire peuvent permettre au pays d’aller de l’avant dans le sens de la réconciliation nationale que tout le monde appelle de ses vœux. Certes, d’aucuns accusent les autorités de la Transition d’avoir tiré d’affaires l’ex-chef de la junte.  Celles-ci s’en défendent au motif que la loi d’entente nationale a été prise avant leur arrivée au pouvoir. Mais que peut concrètement attendre de plus un parent de victime confronté aux dures réalités quotidiennes et dont rien ne ramènera à la vie le sien disparu ?  Cela dit, il faut craindre que le cas Sanogo ne constitue un précédent dangereux dans l’histoire du Mali.  Car   tout se passe comme si, finalement, on passait par pertes et profit la mort des 21 bérets rouges. Qui les a tués ? Pourquoi ont-ils été trucidés ? Dans quelles circonstances ? Autant de questions qui méritaient pourtant des réponses. C’est pourquoi d’aucuns estiment  qu’au regard de la gravité des faits, il aurait fallu condamner l’ex-putschiste et ses co-accusés, ne serait-ce que symboliquement pour que cela serve de leçon à d’éventuels apprentis sorciers tapis dans l’ombre, qui se croiraient tout permis, une fois parvenus au pouvoir par la force des armes. Mais telle que les choses se sont passées, on a l’impression que la Justice a été sacrifiée sur l’autel de l’impunité. Toute chose qui peut être perçue comme un encouragement à tous ces prédateurs de la démocratie et des règles de l’Etat de droit. Surtout qu’il s’agit là de crimes de sang sur des soldats froidement abattus et jetés dans des charniers au moment où le Mali a suffisamment fait la preuve qu’il est loin d’avoir définitivement tourné la page des coups d’Etat.

 

B.O


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