APPEL A LA DEMISSION DE AL-SISSI
La Place Tahrir, lieu emblématique de la révolution égyptienne, a de nouveau été agitée vendredi et samedi derniers. En effet, suite à l’appel sur les réseaux sociaux d’un homme d’affaires exilé en Espagne, Mohamed Ali pour ne pas le nommer, des manifestants sont descendus dans les rues de certaines villes d’Egypte dont le Caire, pour réclamer la tête du raïs, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, et aussi le départ de l’Armée qu’ils accusent de corruption. Mais comme il fallait s’y attendre, la réaction du pouvoir qui a balayé ces allégations du revers de la main, ne s’est pas fait attendre. Une pluie de gaz lacrymogènes s’est abattue sur les manifestants. Les forces de l’ordre auraient même, dit-on, fait usage de balles en caoutchouc mais aussi de balles réelles. Mais en dépit de cette répression, les manifestants ne sont pas prêts à désarmer. Loin s’en faut. Ils promettent de sortir plus nombreux la prochaine fois, l’objectif étant de réussir à mobiliser d’ici à vendredi prochain, un million de manifestants. Réussiront-ils ce pari ? On attend de voir. Mais d’ores et déjà, l’on peut se risquer à parier que même s’ils parvenaient à atteindre ce chiffre, le président Al-Sissi et l’armée ne bougeraient pas d’un iota. Que les initiateurs de cette marche ne s’y trompent pas ! Si un simple clic sur le clavier d’un ordinateur suffit pour mobiliser quelques manifestants, il en faut bien plus pour chasser du pouvoir un président comme Al-Sissi qui dirige son pays d’une main de fer. Sous cet angle, il pourrait s’agir seulement d’une tempête dans un verre d’eau. En tout cas, si ce n’est pas le cas, cela y ressemble. On ne le sait que trop bien, le pouvoir d’Al-Sissi est un régime militaire qui ne fait pas de quartier aux opposants et autres contestataires. En tout cas, il faut avoir suffisamment perdu le Nord pour croire que l’on peut, à partir des réseaux sociaux, réaliser de sitôt, un nouveau printemps arabe en Egypte.
On ne peut pas tenir un peuple en laisse pendant des décennies
Les Frères musulmans dont beaucoup vivent aujourd’hui dans la clandestinité, ne l’ont-ils pas appris à leurs dépens? Si le président de l’Union africaine a tordu le cou aux textes pour s’octroyer un pouvoir à vie, même si pour cela il a dû recourir à l’Assemblée nationale, c’est qu’il n’est pas prêt à céder le pouvoir de sitôt à un autre Pharaon, l’homme se considérant comme l’alpha et l’oméga de son pays. C’est dire s’il se donnera les moyens de mater toute forme de contestation. Le pays des Pharaons a certes mal à sa démocratie, mais dans la mesure où le dictateur bénéficie du soutien de l’Oncle Sam et de bien des pays du Golfe aux yeux desquels il constitue un allié géostratégique, le raïs peut continuer à embastiller et même pendre à tour de bras ses contempteurs sans que cela n’émeuve outre mesure. La preuve, avec ces manifestations de deux jours, le rouleau compresseur de Al-Sissi a déjà fait son lot de victimes. 74 manifestants ont été arrêtés et Dieu seul sait le sort qui leur sera réservé. Il ne faut pas rêver, Al Sissi n’est pas un dirigeant que l’on peut chasser comme on chasse un rat-voleur. Toutefois, il faut reconnaître que les manifestants ont osé, car il y a longtemps que les eaux du Nil n’avaient plus été ainsi agitées. En effet, après la chute du président islamiste Mohamed Morsi en 2013, pour mettre ses partisans au pas, le régime de Al-Sissi avait, sous le couvert de la traque contre les terroristes, instauré l’État d’urgence qui interdit les manifestations. Cette chape de plomb a réduit les manifestations contre le pouvoir de l’homme fort d’Egypte à leur plus simple expression. Etant donné que cette loi reste en vigueur, le grand Pharaon a un alibi idéal pour réprimer dans la « légalité » toute forme de contestation de sa gouvernance. Au regard de ce qui précède, on en vient à se demander jusqu’où iront les manifestants. Ont-ils les moyens de leurs ambitions? On en doute fort. En tout état de cause, le président Al-Sissi devrait se convaincre d’une chose. En ce XXIe siècle, on ne peut pas tenir un peuple en laisse pendant des décennies. Il doit absolument comprendre que ces manifestations, même si pour le moment, elles ne sont pas de nature à ébranler les fondements de son régime, sont l’expression d’une soif de liberté. Il devrait donc revoir sa copie, s’il veut être dans l’air du temps et s’il veut sortir par la grande porte de l’histoire.
Dabadi ZOUMBARA