APPEL A UNE MANIFESTATION CONTRE LE POUVOIR DE MACKY SALL : « Y’en a marre » veut-il jauger sa cote de popularité ?
Après un an de mutisme, les activistes sénégalais du mouvement « Y’en a marre » ont donné de la voix, le 29 mars dernier, pour dénoncer le pouvoir de Macky Sall accusé de s’écarter de ses promesses de campagne et de dérives de tous genres. Pour ces derniers, le « commandant » Macky Sall est en train de changer la trajectoire du bateau battant pavillon Sénégal, et ils n’entendent pas le suivre dans cette direction. C’est pourquoi ils envisagent d’organiser un grand rassemblement, le 7 avril prochain, pour « tous ces Sénégalais qui sont dans l’anonymat et qui souffrent des affres de ce régime, pour tous ces Sénégalais qui sont dans le désarroi, pour toutes ces promesses trahies ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que les atomes ne sont plus véritablement crochus entre le natif de Fatick et ceux-là même qui avaient été des artisans non négligeables de sa victoire sur un Abdoulaye Wade qui, à 85 ans révolus et après douze ans de règne, voulait encore être président en briguant un troisième mandat.
La lune de miel est terminée entre les tombeurs d’Abdoulaye Wade
Comment pouvait-il en être autrement, quand on sait qu’il y a un an à peine, ces mêmes activistes appelaient déjà à voter contre le projet de réformes constitutionnelles du 4e président sénégalais ? C’était déjà là, les prémices d’un divorce annoncé et avec le rassemblement populaire du 7 avril prochain qui annonce de chaudes empoignades à venir entre ces activistes et le pouvoir en place, l’on peut dire que la lune de miel est bien terminée entre les tombeurs d’Abdoulaye Wade. A cet effet, l’on se demande si l’appel au rassemblement du 7 avril prochain n’est pas une façon pour « Y’en a marre » de jauger sa cote de popularité car, depuis les événements de 2012 et la chute de Gorgui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et d’aucuns se demandent si Fadel Barro et ses camarades gardent encore intacte leur capacité de mobilisation. Quoi qu’il en soit, pour que ces activistes sénégalais en viennent à comparer leur président au satrape gambien, Yahya Jammeh, dont tout le monde est quasiment unanime à dire qu’il était l’antithèse de la démocratie, il faut croire qu’ils en ont vraiment gros sur le cœur contre le chef de l’Etat. Et quand on sait que l’embastillement quasi systématique des opposants et autres concurrents était l’un des traits de caractère de la gouvernance du Bambili Mansah gambien, l’on se demande s’il faut voir dans cet énième acte de défiance du mouvement « Y’en a marre » vis-à-vis de Macky Sall, un lien de causalité avec les déboires actuels du maire de la capitale, Khalifa Sall. En tout cas, beaucoup ne sont pas loin de penser que l’édile de la capitale sénégalaise paye déjà de sa volonté à peine voilée de vouloir défier le locataire du palais du Plateau dans les urnes, à l’occasion de la prochaine présidentielle. C’est pourquoi beaucoup voient la main du pouvoir derrière ses déboires judiciaires, dans le but d’écarter un adversaire politique qui pourrait se révéler un concurrent dangereux.
En choisissant de ne pas aller à la soupe, les activistes se donnent une marge de manœuvre pour pouvoir dénoncer les dérives des gouvernants
Cela dit et au-delà de toute considération, il y a lieu de saluer la constance du mouvement « Y’en a marre » qui continue de jouer son rôle de veille citoyenne, en tant qu’organisation de la société civile, et qui bénéficie encore, quoi qu’on dise, d’une grande renommée et d’une certaine crédibilité sur le continent. Et « Y’en a marre » est d’autant plus à l’aise dans son rôle aujourd’hui, qu’au lendemain de la victoire de la coalition anti-Wade, ses membres ne se sont pas laissés appâter par des strapontins du pouvoir. En choisissant de ne pas aller à la soupe, ils se donnent une marge de manœuvre pour pouvoir dénoncer les dérives des gouvernants. En cela, le mouvement garde encore toute sa crédibilité. Toute chose qui fait dire de lui qu’il n’a pas d’amis, mais des principes bâtis sur des valeurs qui mettent le peuple au centre de ses intérêts. S’il en est vraiment ainsi de la philosophie de ses membres, cela est bon pour la démocratie et devrait faire tache d’huile sur le continent. Car, il n’y a pas pire façon pour une OSC de se compromettre que de s’acoquiner avec les tenants d’un pouvoir ou d’adopter une ligne politique. En l’espèce, l’on espère que « Y’en a marre » et toutes les organisations de la société civile africaines de la même envergure, sauront garder le cap de leur engagement et ne commettront pas l’erreur de s’imaginer un avenir dans la politique. Car, cela risquerait fortement de les exposer et d’entamer leur crédibilité aux yeux des populations.
« Le Pays »