APPEL A UN 4ème MANDAT DU PRESIDENT IVOIRIEN : Le papy ADO franchira-t-il le pas pesant ?
« Nous nous sommes tous accordé pour dire que ce qui est en jeu, c’est la victoire éclatante du RDHP, la victoire de notre champion, de notre mentor, de notre candidat naturel, de Son Excellence M. Alasane Ouattara à l’élection présidentielle de 2025 ». C’est par cette phrase sans fioriture que le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), réuni le 27 mai pour sonner la mobilisation générale pour la préparation de la présidentielle prévue dans 16 mois, a fait un appel du pied au chef de l’Etat ivoirien à rebeloter pour un 4ème mandat consécutif. L’évidente question qui taraude tous les esprits suite à cette déclaration, est la suivante : ADO se laissera-t-il aller en répondant aux chants de sirènes ? Même si, pour l’instant, le vieux n’a pas fait de déclaration officielle, il y a de nombreuses raisons de croire qu’il saisira la balle au bond pour annoncer sa candidature. Et pour cause. D’abord, l’homme avait conditionné, l’on se souvient, son absence de la liste des candidats à sa succession par la renonciation de son adversaire politique, l’ex-président Laurent Gbagbo, à se présenter en 2025. Or, ce dernier a déjà été investi par sa formation politique, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI).
L’annonce d’une 4ème candidature d’ADO peut être source de violences politiques en RCI
C’est donc tout naturellement, pour ne pas dérouler le tapis rouge qui mène au palais présidentiel à son challenger de tous les temps, que l’on s’attend à ce que le « candidat naturel » du RHDP réponde à l’appel de ses ouailles. Mais l’on sait que la candidature de Laurent Gbagbo n’est qu’un prétexte derrière lequel s’abrite le président Alassane Dramane Ouattara pour laisser cours à son penchant : l’homme est un accro du pouvoir. A preuve, il avait déjà tripatouillé la Constitution pour s’octroyer un 3ème mandat après avoir écarté de son chemin ses adversaires, y compris dans son propre camp. C’est le cas, par exemple, de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, contraint à errer sur les sentiers de l’exil. La sortie du RHDP est donc à inscrire dans le cadre d’un scénario préétabli et qui a d’ailleurs été vu sous d’autres cieux. Elle fournit le prétexte au président, en se représentant à sa propre succession, de répondre à l’appel de son peuple. Mais si ADO se laisse aller à ce jeu, rend-il véritablement service à son pays ? Certes, l’homme peut s’enorgueillir d’un brillant bilan économique et paraître, de ce fait, un véritable champion voire un messie pour la Côte d’Ivoire. Mais s’il franchit le pas pour se présenter pour un 4ème mandat, il foule au pied l’un des principes élémentaires mais fondamental de la démocratie qui est l’alternance. De ce fait, l’image d’ADO qui est déjà écornée par le 3ème mandat, va continuer de flétrir et avec elle celle de la Côte d’Ivoire qui ne peut plus prétendre être la nation démocratique donneuse de leçons. Mais au-delà du pays de l’éléphant, une éventuelle candidature d’ADO sera, de toute évidence, un mauvais signal aux régimes militaires de la sous-région qui trouveront un prétexte pour s’accrocher au pouvoir qu’ils ont pris par les armes.
Il est encore temps pour ADO de sortir de la scène politique par la grande porte
Cela dit, l’un des plus grands dangers de la candidature éventuelle du président Alassane Dramane Ouattara est la question même de la survie du RHDP après lui. On peut penser, en effet, que c’est faute d’avoir préparé un dauphin ou faute d’avoir obtenu le consensus sur l’un ou l’autre des cadres du parti, que l’homme sera contraint de briguer un nouveau mandat. Et si tel est le cas, le RHDP est voué, aux lendemains de la disparition d’Alassane Dramane Ouattara, à une implosion qui pourrait lui faire perdre le pouvoir. Enfin, il n’est pas exclu qu’en prêtant l’oreille à l’appel de ses courtisans, le président Alassane Dramane Ouattara installe son pays dans une zone de turbulences politiques. On le sait, la classe politique ivoirienne regorge de jeunes loups aux longues dents comme Guillaume Soro et Blé Goudé qui rongent leurs freins. L’annonce d’une 4ème candidature d’ADO peut être, de ce fait, source de manifestations voire de violences politiques dans un pays où les plaies de la crise politique de la décennie 2010 tardent encore à se cicatriser. Pour toutes ces raisons, une éventuelle candidature d’ADO pourrait donner lieu au mandat de trop en ce sens que l’homme pourrait vendanger tout son héritage politique. Mais gageons que le président ADO qui est dans l’âge de la sagesse, saura démêler le faux du vrai en privilégiant l’intérêt supérieur de son pays plutôt que d’écouter des courtisans qui ne défendent que leurs intérêts. Il est, en tout cas, encore temps pour lui de sortir de la scène politique pour la grande porte de l’Histoire et de retrouver dans le panthéon ivoirien, son mentor qu’est le président Félix Houphouët Boigny, le père de la nation ivoirienne. Mais la question que l’on peut se poser, est la suivante : l’homme a-t-il encore les mains libres pour résister au chant des sirènes ?
« Le Pays »