APPLICATION DE L’ACCORD D’ALGER SUR LE MALI : L’éternel tango !
L’accord de paix d’Alger, signé en 2015 pour permettre aux protagonistes maliens de regarder dans la même direction, pose problème dans sa mise en œuvre. Ce constat malheureux et qui n’incite pas à l’optimisme quant à une sortie de crise, a été fait par le Comité de suivi dudit accord dont le président n’est personne d’autre que l’Algérien Ahmed Boutache. Parmi les nombreux grains de sable qui dérangent la marche en avant de la machine de la paix, il y a la question des armes lourdes et du désarmement. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la plateforme, principaux groupes armés signataires de l’accord, en effet, exigent de rester propriétaires des armes le plus longtemps possible.
Les groupes armés exigent les dividendes de la guerre
Et l’on peut dire que sur ce point de blocage, les groupes armés semblent avoir reçu une oreille attentive du patron du comité de suivi de l’accord de paix d’Alger, Ahmed Boutache. Celui-ci, en effet, a laissé entendre ceci : « Dès que l’on passera à l’opération de cantonnement, on passera en même temps à l’opération de désarmement, et donc plus personne, hormis l’Etat, ne sera plus propriétaire, détenteur d’équipement militaire ». La grande question que l’on peut avoir envie de poser au diplomate algérien est de savoir quand les groupes armés vont se résoudre à passer à l’opération de cantonnement. Cette question est d’autant plus pertinente que l’on ne voit pas poindre à l’horizon un début de mise en œuvre de cette fameuse opération de cantonnement et cela, plus de deux ans après la signature du non moins fameux accord de paix par les protagonistes de la crise malienne. Et l’on peut expliquer pourquoi le cantonnement se fait attendre comme Godot. Pour les groupes armés, en effet, l’effectivité de cette opération représente la fin des haricots. Car ils sont conscients que leurs armes lourdes sont une capacité de nuisance et par ricochet, un moyen de pression efficace pour peser dans le débat. En des termes plus clairs, les groupes armés ne sont pas disposés à cantonner leurs troupes et à les désarmer sans avoir la garantie d’obtenir quelque chose de meilleur et de concret. Ce quelque chose renvoie, en l’occurrence, à une intégration dans l’armée ou dans un autre corps de métier, par exemple, comme cela est prévu dans l’accord de paix. Pour clarifier davantage les choses, les groupes armés exigent ici et maintenant les dividendes de la guerre avant toute chose. C’est cette motivation qui explique qu’ils se sont toujours prêtés volontiers à la danse du tango dans l’application de l’accord de paix d’Alger. Toutes les fois en effet, qu’ils ont posé un pas en avant, ce pas a été immédiatement annihilé par deux autres pas en arrière. Et cet éternel et dangereux tango est habilement exécuté au point que l’on peut se demander si véritablement ils n’ont pas plus intérêt à la belligérance qu’à la paix. L’on peut même prendre le risque de dire que cet éternel tango n’est pour déplaire ni à la médiation algérienne ni au gouvernement malien. En effet, tant que le statu quo perdurera, l’Algérie qui voit d’un mauvais œil la mise en place du G5 Sahel et qui ne décolère pas de voir le sempiternel ennemi français mettre la main dans la résolution de la crise au Nord-Mali, fera tout pour jouer le premier rôle dans toute tentative de sortie de crise.
Derrière la crise malienne, se cache une lutte d’intérêts
En réalité, l’Algérie en a fait une question d’orgueil national. Et l’on peut parier que si on lui confie la problématique, de façon exclusive, de la crise malienne, elle a tous les ingrédients pour imposer la paix. Et l’on peut dire que le président français, Emmanuel Macron, a compris cela. C’est pourquoi il n’a pas manqué, dès le début de son mandat, à honorer l’Algérie d’une visite officielle. Le gouvernement malien, également, a compris que la paix dans le septentrion de son pays, passe par Alger. C’est une des lectures que l’on peut se faire puisque que le nouveau Premier ministre malien a réservé sa première visite à ce grand et puissant voisin. En somme, derrière la crise malienne, se cache une lutte d’intérêts entre la France et l’Algérie. Et ces deux pays ont des acteurs maliens qui agissent sur le terrain par procuration. Et tout se passe comme si personne ne veut de la paix au Mali. Pour camoufler les choses, les uns et les autres font preuve d’hypocrisie. Et tant que ce jeu dangereux ne va pas cesser, toutes les rencontres du comité de suivi de l’accord de paix d’Alger sur le Mali seront sanctionnées par le constat suivant : un processus quasiment à l’arrêt. Et le statu quo pourrait être du goût du gouvernement malien, en ce sens qu’il trouve par là un argument pour obliger la France à l’assister en permanence au double plan militaire et économique. A cela, il faut ajouter le fait que le moment venu, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) pourra brandir la chienlit au Nord de son pays pour justifier les insuffisances de son mandat.
De tout ce qui précède, l’on peut affirmer que ce n’est pas demain la veille que la crise malienne connaîtra un dénouement heureux. Ce pessimisme n’est pas béat. Il s’appui sur l’hypocrisie et la mauvaise foi des uns et des autres.
« Le Pays »