HomeA la uneARRESTATION DE SEKOUBA KONATE POUR TRAFIC DE DEVISES : Un destin qui se brise

ARRESTATION DE SEKOUBA KONATE POUR TRAFIC DE DEVISES : Un destin qui se brise


 

L’ancien président de la Transition guinéenne, le Général Sékouba Konaté, a été inculpé le 3 décembre dernier par la justice américaine pour « contrebande d’espèces et fausses déclarations », après avoir tenté de dissimuler plusieurs dizaines de milliers de dollars lors de son débarquement en juin 2015 à l’aéroport international de Dulles à Washington, en provenance d’Addis-Abeba. C’est exactement la rondelette somme de 64 000 dollars US que les douaniers américains ont découverts dans les valises de celui que des laudateurs avaient surnommé « le Tigre » pour sa vaillance au combat contre les rebelles sierra-léonais et libériens au début des années 2000, alors qu’il avait déclaré en détenir seulement 10 000. Cette fausse déclaration est donc en elle-même un délit et vient compliquer davantage la situation du Général Konaté, qui avait, à dessein et fort opportunément, omis de signaler la présence dans ses valises de la somme, objet de la controverse. Ignorant certainement que contrairement aux républiques bananières d’Afrique, les Etats Unis ne font pas dans la dentelle quand il s’agit de maux comme la corruption, le trafic d’influence en tous genres. L’ex-commandant des Rangers de Macenta a d’abord tenté de s’opposer à la fouille en tentant d’intimider les gabelous, avant de brandir une supposée immunité que lui confèrent ses fonctions actuelles de Haut représentant de l’Union africaine pour l’opérationnalisation de la force en attente. Ensuite, il a feint d’ignorer l’existence de l’obligation déclarative devant l’administration des douanes américaines, des sommes, titres et valeurs transportés par une personne physique afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas de blanchiment de capitaux provenant de trafics illicites. Pourquoi alors a-t-il avoué détenir 10 000 dollars ? En vérité, le Général Konaté  a voulu ruser avec les services américains de contrôle, mais mal lui en a pris, puisqu’on lui a fait comprendre que ses « nègreries » peuvent lui valoir 5 ans derrière les barreaux. Il ne lui restait donc plus, pour sauver les meubles, qu’à battre sa coulpe en reconnaissant les faits de contrebande de devises, en espérant une peine plus clémente à l’issue de son procès prévu pour février 2016.

Les faits qui lui sont reprochés sont déshonorants pour un homme de sa trempe

Cette affaire, somme toute banale et même anecdotique dans un pays comme les Etats Unis a surpris, voire indigné les Africains à cause du statut et du passé de l’inculpé. Car, Sékouba Konaté avait marqué les esprits dans sa Guinée natale et partout en Afrique quand il a pris les rênes du pays en décembre 2009 après que son prédécesseur et compagnon d’armes, le volcanique Moussa Dadis Camara, fut évacué d’urgence au Maroc suite à ses graves blessures dans la tentative d’assassinat dont il a été victime. Quand il a remplacé ce dernier à la tête du pays, le taiseux et taciturne Konaté avait fait des déclarations et posé des actes qui avaient convaincu ses compatriotes de son honnêteté et de la transparence de sa gestion ; toutes choses qui tranchent avec les connexions mafieuses  de bon nombre de dirigeants africains. Comment un homme aussi respecté, pour ne pas dire adulé pour avoir permis à la Guinée de renouer avec la démocratie après plusieurs décennies de passage à vide, a-t-il pu se laisser tenter par une contrebande sur le sol américain ? Avait-il peur que cette forte somme d’argent, toutes proportions gardées, ne suscite la curiosité des services américains et ne révèle, in fine, des pratiques pas du tout orthodoxes ? Certes, on assiste, depuis que les médias ont levé le lièvre, à toutes sortes de conjectures, mais il va falloir certainement attendre le procès pour démêler l’écheveau. L’intéressé, qui est actuellement grabataire dans un hôpital en Caroline du nord suite à de graves brûlures, s’est dit serein et dément catégoriquement l’information selon laquelle il serait aux arrêts. Il est serein peut-être, parce qu’il dit avoir confiance en la justice américaine, mais il ne se fait certainement pas d’illusions sur les ravages que ce fait divers va faire sur sa respectabilité (si tant est qu’il s’en soucie vraiment) et sur celle de tous les Africains. A vrai dire, l’Afrique dont l’image est déjà suffisamment écornée par des scandales économiques réels ou supposés de ses dirigeants, n’avait pas besoin de cette pantalonnade de Sékouba Konaté, surtout que ce dernier figurait, en dépit de ses goûts prononcés pour les mondanités, sur la short-list des leaders qui sont cités comme exemples pour la jeunesse du continent. En agissant comme un vulgaire trafiquant dans un pays où ce genre de pratiques est sévèrement puni, l’ancien président guinéen a brisé le rêve, pour ne pas dire le destin qui aurait pu le ramener encore sous les feux des projecteurs dans son propre pays où ailleurs en Afrique, surtout que le continent regorge d’une floraison d’institutions prestigieuses prêtes à « recycler » les anciens chefs d’Etat, pour peu qu’ils aient eu la sagesse et la lucidité de « quitter les affaires avant que les affaires ne les quittent ». Malheureusement, pour le général Konaté, il ne trouvera aucun Africain pour le sortir du collimateur, parce que non seulement les Etats Unis sont d’ordinaire inflexibles et insensibles à ce genre de manœuvres de sauvetage, mais aussi et surtout parce que les faits qui lui sont reprochés sont déshonorants pour un homme de sa trempe. Espérons pour lui que le juge américain n’aura pas la main lourde, et qu’il pourra reprendre ses fonctions à Addis-Abeba, en tirant leçon de cette incroyable déconvenue.

Hamadou GADIAGA


Comments
  • Les Etats Unis ne sont pas leu Niger de Mahamadou Issoufou où le trafic des devises est la règle. Les agents qui osaient s’y opposés sont immédiatement relevés de leurs fonctions.

    4 décembre 2015
  • la leçon que l’on peut en tirer est qu’il faut revoir les critères de nomination des généraux en dans nos pays Africains.

    7 décembre 2015
    • C’est vraiment dommage. Tous les responsables africains ne font que transférer des fonds à l’étranger. D’où vient cet argent. Ne pouvait il pas investir en Guinée ou ailleurs en Afrique? Cette somme suffit pour construire un hôpital privé ultra moderne comme celui dans lequel lui-même est hospitalisé en Caroline du Nord. Quand tu naissais dans ton village Guinéen, tu savais où se trouvait la Caroline du Nord? Tu connaissais un infirmier, n’en parlons pas d’un médecin. Maintenant que l’argent du contribuable Guinéen t’a formé et t’a hissé au sommet, tu oublies que tu es Guinéen. Rien que pour ça, il doit condamné à perpétuité afin que cela serve d’exemple. L’argent des dirigeants africains qui dort à l’étranger et qui ne va jamais revenir après la mort des prédateurs, suffit à nous sortir de cette misère. Celui qui devient ministre, président AN ou simple DG met de l’argent volé à l’abri à l’étranger. Il faut que les jeunes s’insurgent contre ces pratiques.

      10 décembre 2015

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