HomeA la uneATTAQUE DE GRAND- BASSAM : Sauvé miraculeusement, le Père Kouassi raconte

ATTAQUE DE GRAND- BASSAM : Sauvé miraculeusement, le Père Kouassi raconte


Lors de notre séjour à Abidjan en Côte d’Ivoire dans le cadre du « refresher programm » de l’Union catholique africaine de la presse (UCAP)  qui s’est tenu du 8 au 17 août 2016 à Abidjan et à Yamoussokro, nous avons rencontré, le 10 août dernier, celui-là même qui a été sauvé miraculeusement lors de l’attaque djihadiste de Grand-Bassam, le 13 mars 2016. Dans cette interview, le Père  Benoît Kouassi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous parle du film des évènements de l’attaque de Grand-Bassam, tel qu’il les a vécus. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Dites-nous où est-ce que vous vous trouviez le jour de l’attaque de Grand-Bassam ?

Le jour de l’attentat terroriste à Grand-Bassam, le dimanche 13 mars 2016, j’étais à la Paillotte qui est un restaurant-hôtel, plage de Grand-Bassam, avec ma nièce et mes amis. Nous étions en train de manger quand nous entendîmes soudain des tirs vers 12h30. Nous avons automatiquement cru à des pétards que les enfants faisaient éclater, car il y avait un monde fou à la plage, ce jour-là. Mais les détonations continuaient et  de manière répétitive, et nous avons tout imaginé sauf une attaque terroriste. Donc, on a laissé le temps passer. Mais, c’est vers 13h que nous avons su que c’étaient des tirs de fusils, car des personnes qui étaient à environ 1 kilomètre de nous, arrivaient en courant et affirmant : « Ils tirent sur les gens ». Un de mes amis leur demanda : « qui tire sur les gens et pourquoi » ? L’un répond : « Quand ils te croisent ils tirent sans dire mot ». Un jeune photographe, sorti de l’eau tout essoufflé,  nous expliqua que deux de ses clients ont été fusillés sous ses yeux, et lui a eu la vie sauve pour avoir plongé dans l’eau.

Et qu’avez-vous fait à cet instant ?

Qu’est-ce que je pouvais faire ? J’ai proposé aux autres d’aller nous fondre dans la foule. Pendant qu’on partait, les coups retentissaient près de nous. Les gens qui voulaient nous rejoindre dans le hall de la Paillotte recevaient des balles. C’était la débandade totale. Nous avons essayé de fermer portes et fenêtres et le gérant du restaurant nous disait de nous enfuir : « Cherchez-vous », disait-il.

Qu’avez-vous fait donc ? Vous avez pris le risque de rester à l’intérieur du restaurant ?

Non, je voyais que c’était dangereux de rester et j’ai vite trouvé un petit magasin dans la cuisine où nous sommes allés nous réfugier, mes amis et moi, 6 au total, plus un Marocain et deux Libanais, donc 9 personnes dans ce petit magasin. Du magasin, on voyait des gens tomber sous les balles des djihadistes. Ceux qui tiraient étaient deux personnes de race noire, qui opéraient à visage découvert et avaient une maîtrise des armes qu’ils utilisaient. Il était 13h 55mn à ce moment. Le gérant avait déjà alerté la police, la gendarmerie et l’ambassade de France, puisque le restaurant appartient à un Français.

Et ensuite… ?

A 14h 00, j’ai commencé à envoyer des messages à un haut gradé de l’armée que je connais et que j’ai appelé au moment où les tirs retentissaient. « Je suis à la plage Paillotte, trois blessés graves », ce fut le premier message que je lui ai envoyé. Et il me répond vers 14h 06 minutes : « Renforts déjà à Bassam ». Donc, c’est après 14h que le renfort venu d’Abidjan est arrivé à Bassam, or les tirs ont commencé vers 12h30. Mais à ce moment, le renfort n’était pas encore à la Paillotte, et j’ai encore relancé le haut gradé en lui disant : « Toujours pas de présence militaire. Ils sont sur la plage. En face de la Paillotte ; faites quelque chose, ils vont finir par nous découvrir ». Parce qu’à ce moment, les terroristes avançaient vers notre cachette avec des tirs menaçants. C’est à 15h 25mn que les militaires  nous ont demandé de sortir de notre cachette après des échanges de tirs entre eux et les djihadistes. J’ai proposé aux militaires de nous amener au presbytère de la paroisse Sacré-Cœur de Grand- Bassam, car là-bas, on était plus en sécurité. Là, les prêtres nous ont accueillis et nous étions au nombre de 47 personnes, plusieurs races confondues. Quand nous sommes retournés sur les lieux pour prendre nos véhicules, il y avait trois corbillards garés et j’ai demandé au militaire : « Pourquoi y a-t-il trois corbillards alors qu’il n’y a qu’une seule personne décédée ? ». Il me répondit : « Ce n’est pas un seul mort, mais un carnage ». C’est dans les médias qu’on a appris par la suite qu’il y a eu 18 morts

En tant que témoin oculaire, confirmez-vous ce nombre de morts ?

18 morts, les chiffres officiels. Vu l’ampleur des tirs, le temps mis et le monde à la plage, s’il y a eu effectivement 18 morts, pour moi c’est un miracle.

Comment avez-vous trouvé ces terroristes ?

Je dirais que ce sont des gens qui voulaient combattre les forces de l’ordre. Car, vu le temps que les militaires ont mis avant de venir, ces malfaiteurs auraient pu  nous tuer tous et repartir. En plus, les échanges de tirs ont, dans  un premier temps, eu lieu et les militaires  sont repartis avant de revenir pour l’assaut final, donc durant tout ce temps, les terroristes pouvaient se sauver. Mais ce que je déplore, c’est la lenteur des militaires dans une telle intervention, parce que vu le temps mis, les terroristes pouvaient abattre tout le monde sur la plage

Comment avez-vous vécu l’assassinat du prêtre Jacques Hamel ?

J’ai vécu cet évènement avec un sentiment de tristesse. Comme le Pape Benoît l’avait dit : « On ne peut pas tuer au nom de Dieu » ! S’il y a une seule religion au monde qui, à cause de sa foi et de son Dieu, tue les autres, ce n’est pas une religion, mais du fétichisme. C’est désolant que des gens se cachent derrière une pratique religieuse pour tuer les autres. Alors, prions pour la conversion de ceux-là qu’on appelle des terroristes, des djihadistes, pour qu’ils se convertissent parce que Dieu n’est pas Celui des morts, mais plutôt Celui des vivants.

Comment expliquez-vous le dérèglement qu’on constate dans le monde avec le phénomène terroriste ?

Ces mêmes terroristes essaient d’expliquer, mais toute explication pour moi est insuffisante pour justifier la mort d’un individu. Quand ces derniers disent que la civilisation occidentale a échoué et qu’il faut imposer une autre civilisation, ou encore que si tu n’appartiens pas  à X religion, c’est que tu es un païen et il faut qu’on te convertisse de force, cela, pour moi, est insuffisant, parce que rien ne peut justifier le fait que des gens ôtent la vie à d’autres personnes, car la vie est sacrée. Que ces djihadistes comprennent qu’ils ont leur foi et que les autres ont la leur. Nous sommes condamnés à vivre ensemble avec nos spécificités, avec nos différences, et c’est d’ailleurs cela qui fait la richesse du monde. Donc, qu’ils acceptent les autres et les laissent vivre.

Qu’est-ce que l’Eglise fait pour combattre ce phénomène ?

Je ne crois pas qu’à nos jours il y ait des chrétiens qui combattent d’autres religions ou qui tuent d’autres croyants. Nous avons eu l’inquisition il  y a  très longtemps et le Pape Jean- Paul II, en son temps, avait demandé pardon au monde entier. Ma foi est qu’il n’y a pas un seul chrétien qui tue un autre à cause de sa religion. L’Eglise n’a pas de prison ni de lieu de correction, d’autant plus que l’Eglise ne sait même pas où se trouvent ces personnes. Mais l’Eglise continue de prier pour la conversion de ceux-ci en donnant des messages et des invitations à la tolérance et à la fraternité, et demande aux chrétiens de ne pas se venger, surtout, mais de prier davantage pour ces terroristes. Car le Seigneur Lui-même l’a dit : « Si on te gifle sur la joue gauche, tends la joue droite ». Il dit aussi de prier pour celui qui vous persécute et qui dit du mal de vous.

Valérie TIANHOUN

 

Père Benoît Kouassi est docteur en communication sociale institutionnelle et de grise. Vice-directeur et directeur des études de l’Institut supérieur de communication (UCAO), enseignant en management des organisations à l’institut supérieur de communication de Cocody et enfin directeur de publication du bimensuel national d’obédience catholique « Le dominical » en Côte d’ivoire.


Comments
  • Merci beaucoup Père Kouassi. Que Le Seigneur Notre Dieu Qui nous Aime vous Bénisse et Continue de vous Aider à enseigner pour démontrer Son Amour Quotidien et Éternel pour Tous. C’est l’ANNÉE DE LA MISÉRICORDE DIVINE !!! Amen. Nous sommes entrain de perdre l’Amour du Prochain. Prions. Amen.

    23 août 2016

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