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ATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : Ferme condamnation au camp des réfugiés de Goudébo


Vendredi 15 janvier 2016, deux attaques terroristes font plus de 30 morts et plus de 70 blessés à Ouagadougou, dans la province du Kadiogo et à Tin Abao, dans la province de l’Oudalan. Dans la même nuit, à Djibo dans la province du Soum, Dr Kennett Arthur Elliot et sa femme Jocelyne Elliot sont kidnappés. Quelque temps après, Dame Elliot a été libérée mais de son mari, point de nouvelles. Et depuis lors aussi, la sécurité a été renforcée au Burkina et dans la région du Sahel de façon spécifique. Cette situation nous a amené à nous intéresser au camp de Goudébo, abritant des refugiés maliens. Comment vivent-ils à Goudébo après ces attaques ? Font-ils l’objet de stigmatisation, surtout avec cette période de psychose généralisée? C’est ce que nous avons voulu savoir en nous y rendant le lundi 22 février 2016.

Situé à 15 kilomètres de Dori sur la route de Gorom-Gorom, le camp de Goudébo ne laisse indifférent aucun passant. En effet, tapi dans une petite futaie d’arbres épineux et rabougris, le camp de Goudébo se distingue de la nature environnante par la couleur blanche ou bleue délavée de ses tentes. S’étalant à perte de vue, ces tentes abritent des familles apparemment dispersées mais en réalité bien structurées. Le passant qui ne verrait pas les bâches estampillées UNHCR, verrait au moins et ce, inévitablement, la forêt des plaques de signalisation verticale. HCR, PAM, UNICEF par-ci; IEDA Relief, DRC, NRC par-là et DANIDA plus loin. Bref, il est difficile, voire impossible d’énumérer les plaques de signalisation verticale à l’entrée du camp de Goudébo. Notre premier interlocuteur fut un gendarme en tenue couleur sable, sans béret ni ceinturon. «Si c’est pour un reportage au camp, cela devient sérieux. Appelle-moi Chef Barro», lance-t-il à son collègue, en civil. Quinze minutes d’attente et voilà le «Chef Barro». Il aura fallu trente minutes de conciliabules avec le responsable du bureau de la Commission nationale pour les réfugiés (CONAREF) dans le camp et des coups de fils à ses supérieurs pour que la décision de nous laisser faire le reportage soit acceptée. «Vous pourrez accéder au camp», nous lancent simultanément le Maréchal Des Logis-Chef (MDL-Chef), Oumar Barro et Séraphin Yannatiérou Somda, l’administrateur du camp au nom de la CONAREF. Dès lors, nous pouvions faire notre travail. Et nos premières informations viendront de Séraphin Yannatiérou Somda, à 15h35mn.

Des départs volontaires et de nouvelles arrivées

Accompagné de Yacouba Ouattara de IEDA Relief, M. Somda nous fera savoir que ce camp existe depuis 2012. Les habitations sont actuellement reparties en 19 blocs qui sont également repartis en îlots, précise M. Somda. «Je ne suis pas à mesure de vous donner actuellement le nombre de ses habitants car il y a toujours des départs volontaires et de nouvelles arrivées». A notre étonnement d’entendre que le camp continue d’accueillir toujours des réfugiés malgré la relative accalmie qui règne au Mali, Somda et Ouattara nous feront savoir que les nouveaux réfugiés évoquent toujours des situations conflictuelles qui les empêchent de rester sereinement au Mali. Poursuivant leurs explications, ils révèleront que le camp est dirigé par une sorte de «triumvirat». Les questions administratives relèvent de la Commission nationale pour les réfugiés (CONAREF) et celles de la gestion reviennent à IEDA Relief. Quant aux questions sécuritaires, elles incombent à la Gendarmerie. «Nous menons des concertations mensuelles ou ponctuelles pour régler les différentes situations qui se posent», relate M. Somda qui précise que beaucoup d’autres partenaires tels NRC, DRC et autres HELP interviennent au camp. A l’en croire, depuis le 15 janvier 2016, des consignes fermes ont été données aux réfugiés et des autorisations de sortie du camp avaient été régentées. «Quand des problèmes se posent, ils sont traités à l’amiable mais depuis le 15 janvier 2016, nous n’avons pas connu des cas de comportements particuliers», affirme Yacouba Ouattara de IEDA Relief, une organisation humanitaire internationale basée à Huston aux Etats-Unis. Cette ONG a pour but d’aider les populations vulnérables à devenir autonomes. « Au camp de Goudébo, nous sommes chargés de gérer le camp, de distribuer les vivres et de nous occuper de l’hygiène et de l’assainissement. Pour la collaboration avec les autres structures, rien à dire, tout se passe bien », soutient Jean-François Hamadé Lompo, le gestionnaire de camp, au nom de IEDA Relief. Au moment où nous nous apprêtions à aborder les habitants du camp, le MDL-Chef Oumar Barro nous revient, accompagné d’un gendarme en civil, Issa Sawadogo. «Nous allons mettre un élément à votre disposition». Et M. Lompo, d’ajouter à notre surprise: «Nous allons mettre un chauffeur et M. Ouattara à votre disposition». Nous voilà bien accueilli et bien encadré pour faire notre travail. Première étape, l’école primaire publique de Goudébo. «Nous avons 22 classes, 23 enseignants nationaux et 4 enseignants communautaires maliens pour encadrer plus de 900 élèves burkinabè et des réfugiés maliens. Nous n’avons rien vu de particulier dans ce camp. Pas de murmures, pas de causeries tendancieuses à notre connaissance. Tout se passe bien», raconte Léopold Ouoba, Instituteur principal, Directeur de cette école à large effectif. Dans la cour et hors de la cour de l’école, des enfants, en majorité des réfugiés, jouent au ballon et à la course.

« J’ai eu très peur »

Notre véhicule constitue pour un moment leur centre d’intérêt avec le chauffeur qui ne s’ennuie pas du tout. De l’école, nous mettons le cap au centre du camp. A 16h30mn, nous voilà chez Rabi Welet. La trentaine bien sonnée avec trois enfants qui l’entourent, Dame Welet dont le mari est au pâturage, met du temps avant d’accepter de s’exprimer. «Je suis de Intilit, zone frontalière avec le Burkina Faso. Je suis au camp de Goudébo depuis 3 ans», narre-t-elle d’un trait. A la question de savoir si elle a entendu parler des attaques du 15 janvier 2016, et quelle a été sa réaction, Rabi Welet dira ceci: «J’ai entendu parler des attaques et j’ai eu très peur». En déclarant n’avoir pas de message particulier, Rabi Welet nous rassure tout de même n’avoir pas fait l’objet de stigmatisation ou de regards malveillants avant et après ces attaques dont le Burkina Faso a été victime. Drapée dans un pagne typique aux Targuies, l’âge avoisinant la soixante, Milla Sadaïna Welet, une autre refugiée malienne, nous raconte sa peur lorsqu’elle a appris les attaques terroristes du 15 janvier. «J’ai eu très peur et je me suis demandé ce qui se passait». A-t-elle une idée de ceux ou celles qui auraient commis ces attaques? «Je ne sais rien. Je ne sors pas de ce camp et je ne sais pas qui a fait cela. Mais je sais seulement que, aucune guerre n’est bonne. Toutes les guerres sont mauvaises, très mauvaises d’ailleurs», renchérit-elle. Si Milla Sadaïna Welet dit n’avoir subi aucun mauvais traitement, ni physique ni moral de la part des Burkinabè, elle préfère tout de même rentrer au Mali. «S’il y a la paix au Mali, je préfère rentrer au pays. C’est pourquoi je demande aux uns et aux autres de s’entendre pour nous permettre de rentrer enfin», conclut Milla Sadaïna Welet. La peur des attaques, Ag Attayoub Kana l’a également vécue. «J’ai appris ces attaques par la radio et la télévision», introduit-il. Selon Ag Attayoub Kana, la peur a étreint tout le camp car «ces gens-là sont sans frontière».
Rien d’anormal dans le camp avant et après les attaques

A la question de savoir s’il a suivi l’enlèvement survenu à Djibo et l’attaque de Tin Abao, Ag Attayoub Kana répondra en ces termes: «L’actualité s’est focalisée sur Ouagadougou et a noyé les cas de Djibo et de Tin Abao». La trentaine allant avec 3 ans de vie au camp, Ag Attayoub Kana dit n’avoir rien constaté d’anormal dans le camp, ni avant, ni après les attaques du 15 janvier 2016. «A un moment donné, les choses étaient un peu corsées. Les autorisations de sorties étaient restreintes et les mouvements contrôlés. Mais aujourd’hui, tout cela est passé. Nous avons presque tout oublié. L’oubli est très important. C’est l’oubli qui nous permet de rester en vie. Sans oubli, la vie deviendrait un enfer. L’oubli nous permet de vivre en paix», asserte Ag Attayoub Kana, un brin philosophe. Comme message, Ag Attayoub Kana a remercié le Burkina Faso pour son hospitalité et souhaité le retour de la paix au Mali pour, conclut-il, « nous permettre de rentrer à Intilit». La paix au Mali, Moussa Sabaïna l’a souhaitée également. En 3 ans de vie au Burkina, ce dernier, âgé d’environ 40 ans dit avoir appris les attaques comme les autres. Et comme les autres, il a eu peur pour lui, pour sa famille et pour tout le camp. Son plus grand souhait, c’est de rentrer au Mali. «Le Burkina Faso nous a très bien accueillis, mais nous souhaitons un retour de la paix au Mali. Nous condamnons ce qui s’est passé au Burkina Faso». Les attaques subies par le Burkina ont également attristé Mohamed Ag Batadi. Ce sexagénaire qui vit au camp de Goudébo depuis 3 ans, dit n’avoir pas été victime de stigmatisation. Tout en condamnant ces attaques, il souhaite ardemment le retour de la paix au Mali. C’est un coup de fil qui est venu nous rappeler les clauses du camp. «A 17h30mn, les employés des différentes structures doivent se retirer du camp». Un coup d’œil à notre montre nous prouve effectivement qu’il était 17h30mn. Il fallait arrêter notre travail. Nous l’avions fait, à contrecœur. Nous avions souhaité marquer une escale au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Goudébo mais le temps ne nous le permettait plus. Le soleil avait déjà fini sa course et le roi de la nuit, ne devrait plus tarder à s’installer. A 17h40mn, nous voilà au poste de sécurité. «Nous souhaitons avoir votre mot sur le volet sécuritaire», avons-nous demandé au Maréchal des Logis-Chef, Oumar Barro. «Mon Chef est sur le site. Laissez-moi le temps de l’appeler car, je suis son adjoint», nous répond-t-il. Au bout d’un moment d’échanges téléphoniques, «Chef Barro» nous fera savoir qu’ils ne sont pas habilités à s’exprimer. Après avoir pris congé de lui, nous revoilà sur la route de Dori. Notre séjour à Goudébo venait ainsi de prendre fin. A l’allée comme au retour, deux postes de contrôle sécuritaire sur la route. L’un, tenu par la gendarmerie à la sortie de Dori et l’autre tenu par la police à environ 3 kilomètres de Dori.
Constat: Nous n’avons pas fait l’objet de contrôle.

Hama Hamidou DICKO

 


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