ATTAQUES TERRORISTES AU MALI, BURKINA, RCI… : Quelle réponse communautaire ?
Lentement, le ténébreux voile du terrorisme s’abat sur toute l’Afrique de l’Ouest, endeuillant l’une après l’autre les différentes capitales Bamako, Ouagadougou et Abidjan. Et il faut désormais craindre que le cercle maléfique dessiné par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui ne s’était jamais aventuré aussi loin de ses bases arrières algériennes, n’intègre de nouvelles métropoles régionales. En tout cas, il y a peu de doutes à se faire sur les velléités hégémoniques de Moktar Belmoktar, de ses adeptes et autres concurrents. Et les conséquences de cette idéologie obscure descendue des ergs et regs sahariens, si ce n’est déjà le cas, ne tarderont pas à être perceptibles à l’échelle régionale : entraves à la liberté de circulation des biens et des personnes dans une région déjà bien intégrée économiquement, asphyxie économique et probable stigmatisation de certains groupes, etc. C’est donc la survie de l’espace communautaire qui est menacée, d’où la nécessité d’une réponse communautaire.
On se demande si les dispositions prises étaient à la hauteur du péril
S’il faut saluer la promptitude et la multiplicité des gestes de solidarité manifestés par les plus hautes autorités des différents Etats de l’espace communautaire lors de chacune des attaques djihadistes survenues dans la sous-région, il est certain qu’elles ne constituent nullement une réponse à cette barbarie meurtrière. Il urge donc de trouver les stratégies communes de prévention et de riposte adéquates face à cette montée du péril djihadiste afin d’éviter des scènes macabres. Déjà, il faut déplorer dans la stratégie vue tant à Bamako à Ouagadougou qu’à Grand- Bassam, le fait d’attendre toujours d’abord les attaques pour prendre une batterie de mesures sécuritaires. Si ce n’est « le médecin après la mort », cela y ressemble. Tout aussi déplorable est la réaction des Occidentaux qui accourent après coup pour proposer leur coopération en matière de renseignements. En l’espèce, dans le présent cas ivoirien où tous les indices concourraient à désigner le pays comme la prochaine cible djihadiste après les attaques de Ouagadougou, on se demande si les dispositions prises étaient à la hauteur du péril. De quoi s’interroger sur l’efficacité de nos dispositifs sécuritaires. Sans être expert, l’on a envie de dire qu’Abidjan pouvait davantage anticiper en s’inspirant de la sagesse populaire selon laquelle « il faut se mouiller la barbe quand celle du voisin brûle ». En tout état de cause, il faut tirer dans l’immédiat toutes les leçons du mode opératoire de ces terroristes pour dégager les perspectives idoines car, dit-on, « l’assassin revient toujours sur les lieux du crime ». Et rien ne dit, en effet, que les pays déjà touchés sont à l’abri d’autres attaques. Dans un proche futur, il devient urgent que nos armées nationales opèrent la mue nécessaire pour faire face à cette nouvelle forme d’insécurité qui menace la survie des Etats. Car, héritières des armées coloniales, elles sont longtemps restées dans le schéma des guerres frontalières classiques. Dans la nouvelle guerre asymétrique sans front ni visage à laquelle elles se trouvent aujourd’hui confrontées, elles œuvrent plus dans la réactivité que dans l’action.
L’Union africaine a l’occasion de se racheter
Pour plus d’efficacité, l’accent doit être mis sur les renseignements qui doivent être dépolarisés des personnes des chefs d’Etat pour être mis au service de la sécurité collective. Tout aussi urgent est le renforcement de la coopération militaire avec la mutualisation du renseignement, l’opérationnalisation de forces conjointes et un contrôle plus accru de la circulation des armes. Tout ceci ne peut être envisagé sans équipements adéquats. En plus de la nécessaire mue des armées et de la coopération sous-régionale, il convient d’actionner le levier de la proximité avec les populations. Elles sont au centre du renseignement. La grande majorité des populations africaines abhorre la violence religieuse et sublime le vivre-ensemble. Elles n’attendent que la proximité des dirigeants pour mettre la main à la pâte. Mais cette proximité ne doit pas être circonstancielle et unidimensionnelle mais elle doit l’être au quotidien et toucher toutes leurs préoccupations, notamment socioéconomiques. Car, dit-on, « il ne faut pas attendre le jour de la battue pour acheter son chien. » Mais tous ces efforts communautaires seront vains si une solution n’est pas trouvée au chaos libyen qui a ouvert les immenses portes du Sahel aux djihadistes. L’Occident doit assumer ses responsabilités de service après-vente. L’Union africaine (UA) qui s’est brillamment illustrée par son manque de pro-activité sur cette question libyenne, a là l’occasion de se racheter. C’est une urgence vitale pour la stabilité des Etats africains.
« Le Pays »