HomeA la uneAVENIR DE L’AFRIQUE : « Osons réinventer une nouvelle classe politique et intellectuelle »

AVENIR DE L’AFRIQUE : « Osons réinventer une nouvelle classe politique et intellectuelle »


 

Dans la réflexion ci-dessous, l’auteur estime que l’avenir de l’Afrique que les leaders africains de la seconde moitié du XXe siècle avaient tracé pour donner  un sens aux indépendances, s’est assombri. D’où pour lui, la nécessité de réinventer une nouvelle classe politique  et intellectuelle. Lisez plutôt.

Libérer l’avenir de l’Afrique?

 

« A quoi penses-tu cher Africain» ?

 

Nous inspirant de la réponse de Valérie Daigny à cette question, parue dans Jeune Afrique n°297 du 1er au 14 novembre 1999, nous disons: Tu as 90 ans que tu te demandes ce qu’ils ont fait de l’Afrique. Notre Afrique noire a été saignée à blanc. Tu as 70 ans que tu te demandes où est passée notre indépendance? Ce que tu vis actuellement n’est pas l’idée que tu avais de ce mot au départ. Tu as 50 ans que tu te demandes pourquoi l’Afrique n’a plus d’Hommes politiques de la taille de ceux qui ont lutté pour les indépendances? Elle avait très peu de diplômés de haut niveau, mais disposait de grands intellectuels, contrairement à la situation actuelle où elle regorge de diplômés de très haut niveau, avec malheureusement, très peu d’intellectuels. Tu as 30 ans et tu te demandes quel concept s’est fait l’Afrique de la démocratie et que deviendra-t-elle avec l’actuelle classe politique, rongée par des maux tels que: trahison, malhonnêteté, cupidité, arrogance, méchanceté, clientélisme, égoïsme, médiocrité, etc ? Alors, que diras-tu, toi, enfant de 15-20 ans? Toi, acculturé qui, dans ce continent, est instrumentalisé à l’incivisme, à la violence, à la haine, à l’intolérance, etc.

Toutes les générations sont désillusionnées. Car après les grands hommes politiques et intellectuels des indépendances, nul n’a su faire bon usage des immenses potentialités que Dieu a mises à la disposition du berceau de l’humanité. L’avenir de l’Afrique que les leaders africains de la seconde moitié du XXe siècle avaient libéré pour donner un sens aux indépendances, s’est assombri. Car les politico-intellectuels actuels, ayant troqué la probité, l’honnêteté, la justice, la tolérance, le pardon, le dialogue et le sens du devoir contre l’égoïsme, la cupidité, l’arrogance, la violence, la fourberie, le désir d’anéantir les adversaires, avec pour seul objectif de toujours se servir, l’ont assommé, le plongeant dans un coma profond. Ainsi naquit un environnement turgescent de rancœur, plaçant la morale dans une longue et douloureuse agonie. Un tel environnement où la grandeur de l’Homme se mesure à sa capacité de nuisance, freine le développement de l’Afrique, accroît sa dépendance à l’égard du reste du monde et hypothèque son avenir. L’Afrique a mal à ses Hommes politiques et intellectuels à faible valeur morale, l’intellectuel que nous définissons ainsi: « Un homme chez qui cohabitent en parfaite harmonie au quotidien, les valeurs d’éthique, de vérité, de justice, de probité, de dialogue, de pardon, d’humilité et d’aspiration à contribuer dans la mesure de ses capacités et de façon désintéressée au développement de sa nation, de son continent et de toute l’humanité ». Autrement, quels que soient les diplômes réunis, celui chez qui les valeurs sus indiquées ne sont pas réunies, nous ne le verrons pas comme un intellectuel.

En Afrique, ceux qui incarnent ces valeurs sont rares, souvent d’un âge avancé, parfois analphabètes. Là réside tout le paradoxe de sa population. La graine de l’avenir semée par des leaders que sont N’krumah, Lumumba, Cabral, etc. ont donné de belles pousses que sont les indépendances, et celles-ci de belles fleurs que sont les espoirs suscités. Mais, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, par la faute des présents intellectuels et Hommes politiques. Ces pseudo intellectuels, politiquement pathogènes, sont malheureusement ceux qui encadrent la jeunesse, l’avenir de nos nations. Cette jeunesse, manipulée par des hommes et des femmes d’une nullité politique et d’un déclin social évident, est de plus en plus instrumentalisée à la violence, à la vengeance, à l’intolérance, à la haine, bref, à la médiocrité. Le Burkina Faso, puisqu’il est en Afrique, n’échappe donc pas à cette situation. Cet attelage « nullité politique-déclin social» impacte toutes les facettes de la vie des Burkinabè, vu le quotidien fait de violences verbales, physiques, morales, psychologiques, économiques et juridiques, et entame la capacité de raisonner de toute une nation. Jugez-en: Aux heures chaudes des empoignades entre partisans et opposants à la révision de l’article 37 au Burkina, certains ont menacé de brûler si l’article venait a être révisé et d’autres de promettre une réponse du berger à la bergère. La suite est que les uns n’ont pas attendu que la révision soit faite avant de mettre leur menace à exécution. Heureusement que le berger n’a pas répondu ou n’a pas pu répondre, c’est selon, à la bergère. Sinon, il y aurait eu un bain de sang, dont l’issue profiterait aux seuls rapaces politiques qui avaient pris le soin de mettre leurs progénitures en sécurité. La boulimie du pouvoir a fait perdre à la plupart des animateurs de la scène politique et des Organisations de la société civile, la capacité de réfléchir et de raisonner. Les slogans et le langage violents sont devenus des plats de résistance servis à notre peuple à longueur de journée. A propos, Michel Grosier disait: « Quand viennent les passions, les slogans remplacent les réflexions. Mais il vaut mieux perdre sa passion que de se perdre dans sa passion ». Malheureusement, bon nombre de Burkinabè se sont perdus dans leur passion, car la volonté de punir et de se venger sous couvert d’un besoin de justice, est plus tenace que le désir de vivre et de réussir ensemble. François Mauriac disait d’ailleurs: « La vengeance déguisée en justice, c’est notre plus affreuse grimace ». Et comme on le dit toujours, le désir de punir commence par n’être que la satisfaction d’un besoin de vengeance. Nous concevons que la vengeance puisse être une bonne motivation par moment, mais elle reste une dangereuse raison. D’où une invite aux acteurs politiques burkinabè à se déterminer à travers la citation de Confucius (551-479 av Je), : « L’honnête homme envisage les choses du point de vue de la justice; l’homme vulgaire du point de vue de ses intérêts. l’homme supérieur est vertueux, l’homme inférieur n’a conscience que de l’avantage».

Chaque Burkinabè doit réaliser que nul n’a le monopole de la vérité. C’est pourquoi, il faut méditer cette pensée de Sacha Guitry: « Ce qui probablement fausse tout dans la vie, c’est qu’on est convaincu qu’on dit la vérité, parce qu’on dit ce qu’on pense ». En observateur et acteur, nous réalisons que l’homme politique burkinabè en lui-même est une énigme. Il est l’incarnation à la fois du meilleur et du pire. Etait-il une feuille, qu’il serait à la fois le recto et le verso, confondus, imprécis et indifférenciables. Aussi voudrions-nous savoir: faut-il être énigmatique et fourbe avant de faire la politique au pays des Hommes intègres ou le devient-on par la suite?Une refondation politique, voire sociale, s’impose donc au pays des Hommes intègres. Les aînés n’avaient pas la barbarie actuelle, nous qui sommes pourtant censés être plus civilisés. Comment en sommes-nous arrivés là ? Est-ce la faute d’une éducation morale en faillite? Un enfant mal éduqué ne donne-t-il pas un adulte sans repère moral et un piètre homme politique ou intellectuel au comportement antisocial? Il y a nécessité de réinventer de nouveaux types d’hommes politiques africains, donc burkinabè. Car l’actuelle classe politique semble être dans le décor, sans possibilité d’une mue salvatrice. De cette classe, nous nous demandons s’il faut en avoir peur, honte ou pitié? Aidez-nous, S.V.P.

Dieu sauve le Burkina et l’Afrique !

Issaka Kaboré dit Docteur

Ancien conseiller du secteur 08 (ex-secteur 10)

Ouagadougou

Tél.: 70 67 14 13

 

 

 


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