LE BENIN DANS L’ENTRE-DEUX-TOURS : Que peut bien cacher ce remaniement ministériel ?
Les résultats provisoires et officiels du premier tour de l’élection présidentielle au Bénin sont finalement tombés ce dimanche 13 mars, mettant fin à l’incertitude qui planait sur l’ordre d’arrivée du trio de tête constitué de Lionel Zinsou, Sébastien Ajavon et Patrice Talon. La Cour constitutionnelle a donc confirmé ce qui était connu déjà, à savoir un duel qui s’annonce épique, le 20 mars prochain, entre le candidat du parti au pouvoir, Lionel Zinsou et le richissime homme d’affaires, Patrice Talon. Le 3e, Sébastien Ajavon qui y croyait jusqu’à la dernière minute et qui a été devancé d’une courte tête par Patrice Talon, se contentera de la médaille de bronze qui est, dans le contexte actuel, d’une très grande valeur marchande d’autant que son détenteur sera forcément courtisé par les deux finalistes. Sébastien Ajavon jouera donc le rôle d’arbitre, mais pas tout à fait impartial comme le veut la règle, puisqu’il a déjà choisi son camp, celui de Patrice Talon qui devient du coup le favori du second tour, du moins si l’on s’en tient au total arithmétique des voix de tous ceux qui sont vent debout contre la victoire éventuelle de Lionel Zinsou. Mais attention à ne pas trop vite sous-estimer les chances de l’actuel Premier ministre (Zinsou), car, il est non seulement cornaqué par le parti au pouvoir de Thomas Yayi Boni, mais il est aussi soutenu en sous mains pour ne pas dire porté à bout de bras par la France, ce qui est un atout non négligeable dans nos ex-colonies françaises d’Afrique noire. Quoi qu’il en soit, les scores étriqués des 2 candidats du second et dernier tour de la présidentielle, incitent à la révision des stratégies mises en place pour obtenir le ticket donnant accès au Palais de la Marina, et c’est manifestement ce à quoi s’attèlent les différentes équipes de campagne dans cette période d’entre-deux-tours. Il semble que c’est le candidat Lionel Zinsou, pourtant arrivé en tête, qui est paradoxalement le plus gagné par le doute, puisqu’il espérait mieux que les 28,44% de suffrages que les Béninois lui ont accordés dimanche dernier, à défaut de passer haut la main dès le premier tour, comme c’est actuellement la mode dans les pays de la sous-région. Ses partisans, à commencer par l’actuel président de la République, seraient en train de faire feu de tout bois pour lui éviter la déculottée que lui ont promise ses adversaires à l’issue du 2e tour à venir, et c’est dans ce cadre que s’inscrirait le bien curieux remaniement ministériel intervenu le jeudi dernier et rendu public le lendemain vendredi 11 mars. Le président Yayi Boni a, en effet, surpris plus d’un en procédant à ce remaniement que beaucoup trouvent inopportun à la veille du second tour et à seulement un mois de la fin de son contrat décennal à la tête de l’Etat, conclu avec le peuple béninois. Que peuvent bien cacher ce jeu de chaises musicales et ces promotions auxquels s’est livré l’imprévisible Yayi Boni ?
Ils sont nombreux qui y voient une tentative désespérée de sauvetage du candidat Lionel Zinsou
Il faut peut-être être dans les secrets du Vaudou pour y répondre, mais ce que l’on sait déjà, c’est que les six ministres que le Président de la République a abandonnés en rase campagne sont, au regard des résultats publiés par région, ceux qui ont le moins mouillé le maillot dans la bataille pour la conquête du fauteuil présidentiel que son poulain Lionel Zinsou a laborieusement livrée face à des candidats a priori sans grande envergure politique. Par contre, ceux qui ont permis au candidat du parti au pouvoir de se qualifier pour le second tour en le faisant gagner dans leurs fiefs respectifs ou en menant la résistance dans des zones jugées hostiles comme à Parakou, ont été promus, histoire de créer une sorte d’émulation pour les autres qui ont eu la chance de conserver leurs strapontins. Les ministres Théophile Yarou, Yaya Aboubacar et Gustave Sonon qui se sont beaucoup investis lors du premier tour, ont été « bombardés » ministres d’Etat, alors que Placide Azandé qui était en charge du ministère de l’Intérieur, a été débarqué, probablement pour insuffisance de résultat…électoral. En tout état de cause, ce remaniement fera jaser pendant un certain temps encore l’opposition béninoise, et ils sont déjà nombreux qui y voient une tentative désespérée de sauvetage du candidat Lionel Zinsou, actuellement à la peine dans les sondages et sur le terrain, ou encore d’ultimes manœuvres du Président Boni Yayi, juste pour récompenser des amis, si ce n’est pour assurer ses propres arrières quand il ne sera plus aux commandes du pays. Car, dans les milieux proches de l’actuel président, le slogan le plus en vogue serait « tout sauf Talon », et ils seraient prêts à tout mettre en œuvre pour éviter que cet homme d’affaires et ennemi juré de Yayi Boni, ne lui succède au Palais de la Marina. Ils craignent en effet des règlements de comptes entre les deux, au regard des relations orageuses qu’ils entretiennent depuis que Patrice Talon a refusé de cautionner une éventuelle révision constitutionnelle qui aurait permis au président actuel de demeurer pour longtemps encore au pouvoir. Reste à savoir si la récente valse des étiquettes et les promotions que d’aucuns jugent fantaisistes, suffiront à assurer la victoire du candidat du parti au pouvoir. Nous en saurons davantage dimanche prochain, du moins si le second tour n’est pas reporté comme certains le susurrent déjà.
Hamadou GADIAGA