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BILAN DES DIX ANS DE L’INTERVENTION MILITAIRE FRANCAISE AU MALI : Le grand gâchis !


Le 11 janvier 2023 marque les dix ans de l’intervention française au Mali, dans la lutte contre le terrorisme. Au départ, c’était pour répondre à la demande urgente du président de la transition malienne d’alors, Dioncounda Traoré, d’arrêter la progression des islamistes qui avaient Bamako en ligne de mire, pour installer leur califat. C’était le déclenchement de l’opération Serval, dans la nuit du 10 au 11 janvier 2013, qui aboutira à la mise en déroute de la déferlante djihadiste par l’aviation française. Le Mali manquera de mots pour traduire sa reconnaissance à la France dont le président de l’époque, François Hollande, bénéficiera des hommages les plus vibrants de la part des autorités maliennes et ne boudera pas le plaisir d’un bain de foule parmi des Maliens décidés à lui exprimer leur gratitude. Dix ans après, Bamako est toujours hors de contrôle des djihadistes. Mais au lieu de tirer les dividendes de son intervention énergique, Paris se retrouve aujourd’hui au creux de la vague dans ses relations avec Bamako.

 

On croyait que les deux capitales qui filaient le parfait amour, étaient parties pour une idylle de longue durée

 

Lesquelles relations se sont dégradées au point que l’on se demande si elles n’ont pas atteint le point du non-retour. Toujours est-il qu’au bilan, on peut avoir le sentiment d’un grand gâchis. Car, on croyait que les deux capitales qui filaient le parfait amour, étaient parties pour une idylle de longue durée. D’autant que l’opération militaire française qui a été un succès, semblait partie pour forcer la reconnaissance du peuple malien à jamais. Mais dix ans plus tard, c’est le phénomène contraire qui est plutôt observé. La France est au plus bas de l’estime des Maliens qui lui préfèrent aujourd’hui d’autres partenaires. Pire, la dégradation des relations entre les deux pays, a abouti à l’éviction, sans ménagement, de l’époux devenu indésirable par la force des événements. A Bamako comme à Paris, les acteurs politiques au sommet de l’Etat ont certes changé. Et on peut avoir l’impression que le Mali se montre amnésique. Ou même qu’il paye Paris en monnaie de singe. Mais tout porte à croire que c’est la France qui n’a pas su jouer convenablement le jeu. Et on se demande même si elle n’a pas prêté le flanc, en manquant d’adapter son discours et son action à l’évolution de la situation et des mentalités dans un pays où l’irruption, en 2020, de la soldatesque au-devant de la scène politique, a changé la donne dans ce contexte de lutte contre l’hydre terroriste qui a servi d’argument ou de prétexte aux militaires, c’est selon, pour bouleverser l’ordre constitutionnel. Toujours est-il que l’opération de sauvetage qui devrait contribuer à renforcer la cote de sympathie de la France au sein des populations maliennes, va plutôt tourner plus tard au clash avec une junte militaire dont la légitimité a été sans cesse remise en cause par l’Elysée. Une situation qui finira par agacer fortement Bamako dont la décision de rompre les amarres de sa coopération militaire avec Paris sommée de plier bagage, ne sera pas une véritable surprise.

 

Le désamour né dans le cœur des Africains sur les rives du fleuve Djoliba, semble faire tache d’huile dans la sous-région

 

Preuve, si besoin en est, que de l’amour au désamour, il n’y a parfois qu’un pas. Dans le cas d’espèce, la relation franco-malienne en est une illustration dans la lutte contre le terrorisme où, de l’ange salvateur, la France est devenue le démon destructeur aux yeux d’une opinion malienne qui l’accuse, à tort ou à raison, de duplicité si ce n’est de collusion avec l’ennemi. Et pour ne pas arranger les choses, la France, elle-même, n’a pas toujours su donner une bonne lisibilité à son action au Mali. En la matière, la question de Kidal qui est encore pratiquement une république dans la république et qui a été la première pomme de discorde entre Paris et Bamako, restera toujours une énigme que l’histoire se chargera sans doute d’éclaircir. En attendant, même si les relations ne sont plus au beau fixe, on ne peut pas dire que la France n’a rien fait de positif au Mali. Car, Serval a rempli sa mission en brisant l’avancée des islamistes qui fondaient sur Bamako, tels des rapaces sur leur proie. Mais tout porte à croire que le service après-vente de Barkhane qui a pris la relève de Serval pour quitter finalement le Mali, neuf ans plus tard, sur la pointe… des godasses, n’a pas suivi. Et entre les deux, les actes manqués se sont aussi multipliés avec des conséquences qui ont contribué à creuser le fossé de la méfiance entre les deux partenaires. Aujourd’hui, tout est à refaire pour la France, pour reconquérir le coeur  des Maliens. Et Paris a d’autant plus à perdre que ce désamour né dans le cœur des Africains sur les rives du fleuve Djoliba, semble faire tache d’huile dans une sous-région ouest-africaine fortement tourmentée par l’hydre terroriste et en quête de partenaires fiables pour se sortir du pétrin.  C’est dans un tel contexte que l’on apprend la nomination en France, le 10 janvier dernier, de deux juges d’instruction chargés d’enquêter sur l’enlèvement du journaliste français, Olivier Dubois, retenu en otage depuis le 8 avril 2021 par des groupes armés terroristes au Mali. Tout le mal qu’on souhaite, c’est que la nomination de ces deux juges fasse bouger les lignes dans le sens de sa libération.

 

« Le Pays »


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