HomeA la uneBISSIRI JOSEPH SIRIMA, DEPUTE « En politique, soit on travaille pour le peuple, soit on travaille contre le peuple »

BISSIRI JOSEPH SIRIMA, DEPUTE « En politique, soit on travaille pour le peuple, soit on travaille contre le peuple »


Bissiri Joseph Sirima se présente comme une des figures emblématiques du MPP dans les Cascades. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il invite les acteurs de son parti qui, de façon souterraine, mettent des structures en place, à se ressaisir car, selon lui, ce sont des pratiques qui ne feront pas gagner le parti. Il parle également de son implication dans la résolution de la crise au sein de la communauté musulmane de Banfora et dans l’apaisement de la situation à Nafona où deux officiers de police ont trouvé la mort. Lisez !

« Le Pays » :Comment se porte le député Bissiri Sirima ?

Bissiri Jospeh Sirima : Je me porte très, très bien. Que ce soit sur le plan physique, moral et politique dans la mesure où « se porter bien » est toujours relatif. Parce que si vous vous portez bien à 100%, c’est qu’il y a problème. Si vous fermez les yeux sur certaines réalités de la politique politicienne, là aussi il y a problème. Voilà pourquoi je réponds en disant que tout va bien.

Un mois après les douloureux événements de Nafona/Yendéré, non loin de Niangoloko votre fief, où deux policiers ont perdu la vie, peut-on affirmer qu’il y avait des signes avant-coureurs ?

Parler dans ce cas-là de signes avant-coureurs est difficile. Ce cas est lié à un événement donné, un problème foncier. Alors que les problèmes fonciers sont délicats. Quand on doit les gérer, il faut le faire avec beaucoup de tact, de sensibilité, de souplesse et surtout, il faut faire participer l’ensemble des acteurs capables d’agir à la résolution de ces questions. Si vous occultez certains aspects, cela posera problème. Je ne veux pas rentrer dans des décisions de justice mais il faut se dire que les populations sont toujours sensibles lorsque l’on rend un jugement. Il y a toujours une partie qui va se sentir lésée par rapport à l’autre. Dans notre région, on a toujours vu des problèmes entre éleveurs et agriculteurs. Les populations se plaignent que c’est toujours au détriment des agriculteurs. Vrai ou faux, je ne pense pas qu’il faille nourrir la rumeur. Dans le cas présent, je réaffirme que nous avons toujours dit que le Burkina Faso est la terre de tout le monde. C’est une réalité qu’il faut toujours prendre en compte comme préalable. A partir de ce moment, je fais toujours le parallèle entre les problèmes que nous connaissons chez nous et les problèmes de Tabou en Côte d’Ivoire. Les Burkinabè qui sont en Côte d’Ivoire, vous le savez, sont allés travailler et très souvent, il arrive que leurs employeurs n’arrivent pas à les payer. L’agriculture étant ce qu’elle est, on peut tomber sur une mauvaise saison et l’employeur, petit à petit, cède des portions de terre en compensation. De nos jours, nos parents se sont retrouvés avec des terres là-bas. Les enfants de ceux qui ont cédé la terre entrent aujourd’hui dans une sorte de réaction négative contre les Burkinabè. Dans le cas de chez nous, il faut dire que nous sommes une région très hospitalière. Les gens sont prêts à donner à l’étranger une portion de terre contre absolument rien en retour. Ces comportements, de plus en plus, sont décriés par leurs fils qui sont allés voir ailleurs et qui, malheureusement, n’ont pas réussi ou qui connaissent les réalités d’autres localités. C’est donc un problème sociologique sur lequel il faut avoir un regard posé. A Nafona, ce sont des gens qui sont venus depuis de longues années, qui exploitent des terres que les parents des plaignants ont attribuées. Ce que les enfants qui se plaignent reconnaissent tout en disant que ceux qui ont eu la terre, ont pris plus qu’il n’en faut. Cela devient donc un problème un peu délicat. A mon avis, lorsqu’on rend un jugement dans pareille situation, il faut tout faire pour impliquer l’ensemble des acteurs.

Il nous revient que vous œuvrez discrètement, à votre manière, pour apaiser la situation. Quelle est votre contribution dans l’apaisement de la situation dans cette localité en tant que représentant du peuple?

Vous savez, les contributions souterraines sont de loin les meilleures et les plus efficaces. Je veux dire que les actions de tapage, les médiations médiatisées ne servent pas lorsque l’on veut résoudre des problèmes de ce genre. On peut faire la médiatisation plus tard. Avec le maire de Soubakaniédougou et les responsables politiques de la localité, nous sommes en train de mutualiser nos efforts pour calmer la situation. Du reste, je pense qu’il y a déjà eu des démarches du délégué de Soubakaniédougou, du maire et du SG de notre parti et je puis vous assurer qu’aujourd’hui, les habitants de Nafona regrettent très fortement ce qui s’est passé le 12 janvier 2019. Ils sont arrivés à se demander même ce qui est arrivé. Donc, je pense que les comportements vont dans le sens de l’apaisement. Je pense aussi qu’il faut amener ces populations à comprendre que face aux actes qui ont été posés, le droit doit être dit.

On assiste également, au sein de la communauté musulmane de Banfora, à une crise qui a failli virer au drame. Il semble que toujours dans la discrétion, vous œuvrez pour le retour au calme. Qu’avez fait concrètement ?

A ce niveau, j’ai eu à expliquer d’abord à madame le gouverneur mon intention. Et comme il y avait quelqu’un d’autre qui s’intéressait au dossier, en l’occurrence le président du Conseil régional des Cascades, nous avons fédéré nos efforts pour rencontrer les différents protagonistes. Au cours des discussions que nous avons eues, nous leur avons fait comprendre que c’est légitime et normal que les autochtones, qui ne connaissaient pas la religion avant, veuillent aujourd’hui jouer les premiers rôles. Car, ce sont des gens qui sont impliqués aujourd’hui dans la religion et qui sont bien instruits. Cependant, on a fait comprendre à ces autochtones que ce n’est pas en raison de cela que l’on doit leur céder telle ou telle place. Nous leur avons dit que c’étaient des postes qui se méritent au fur et à mesure. Avant, il y avait des pères blancs. Aujourd’hui, ce sont des prêtres africains qui officient. Mais ce n’est pas venu à la suite d’un mouvement d’humeur. Il faut dire à nos frères musulmans de Banfora que lorsqu’on prend la liste des imams de la grande mosquée, on voit que plus de la moitié étaient des autochtones. L’imam Sanogo qui est en place aujourd’hui, c’est un qui est né à Banfora. Peut-on dire que ce monsieur est étranger ? Je ne crois pas. A mon sens, il y a des gens à côté qui, parce qu’ils ont des ambitions cachées, ont poussé certains autochtones à agir de la sorte. Nous devons les canaliser et je pense que nous sommes sur la bonne voie.

Peut-on affirmer que ces deux communautés, à savoir celle de Nafona et celle musulmane vont retrouver la paix ?

Nous l’espérons. Si les uns et les autres sont honnêtes et sincères, je pense qu’on devrait pouvoir retrouver une certaine sérénité.

Vous êtes l’un des leaders incontesté du MPP dans la région. Comment se porte votre parti dans les Cascades ?

C’est vous qui dites que je suis incontesté. Beaucoup pensent le contraire (rires). J’ai toujours dit une chose qui est la suivante : en politique, soit on travaille pour le peuple, soit on travaille contre le peuple c’est-à-dire pour ses propres intérêts. Moi, j’ai choisi résolument, à partir du moment où je me suis engagé dans la politique, de travailler dans le sens de l’intérêt du peuple. C’est pour cette raison que dès le départ, quand on m’a désigné pour conduire la liste de la Comoé aux élections législatives de la première législature, j’ai refusé. J’ai estimé que je venais d’arriver car à l’époque, je n’avais que 6 ans de fonction. J’ai également estimé que nous venions de quitter l’époque de la révolution et qu’il y avait des responsables  politiques de l’époque qui connaissaient mieux les réalités et les problèmes de notre région. J’ai proposé que l’on mette ces gens-là sur la liste. Pendant ce temps, nous qui sommes les cadres à Ouagadougou, devrions soutenir leurs actions. J’ai été écouté et c’est dans ce sens que les trois députés, Traoré Kanibary et les regrettés Jean-Pierre Soulama et Karama Martial, ont été investis candidats à l’unanimité. A l’époque, on était soudés, on parlait d’une même voix. Et nous avons gagné les trois sièges de députés. C’est un sacrifice que j’ai consenti à l’époque. Si je voulais travailler pour mon intérêt personnel, j’allais bondir sur la proposition qui faisait de moi la tête de liste. Si aujourd’hui, nous voulons travailler dans l’intérêt de Banfora, je ne vois pas de raison qu’au niveau de notre parti, il y ait des bagarres et qu’on parle de camp de Bissiri ou de telle autre personne. Je n’aime pas ces affaires de camps. On peut avoir sa façon de voir la chose. J’ai la mienne et d’autres ont aussi leur façon de voir les choses. Et effectivement, si c’est ainsi, je comprends que mon camp dérange. Puisque cela signifie que l’intérêt de Banfora ne préoccupe pas certains. Sinon, tout le monde sait ce que je pose comme actes à Banfora dans le cadre de mes fonctions, que ce soit la centaine de personnes que j’ai fait recruter directement, ou que ce soient les réalisations que j’ai pu faire sur l’ensemble de la région quand j’étais au MCA. La mairie de Banfora est là, les infrastructures routières sont là et comme on le dit chez nous, ce ne sont pas des maux de ventre ni des maux d’yeux, et c’est clair. Les pistes rurales sont là et tout le monde sait comment il était difficile d’aller de Kiribina à Diarabakoko. Aujourd’hui, c’est tellement aisé et comme par hasard, l’université et les logements sociaux seront construits en bordure de cet axe routier. Si on aime notre région, on doit même œuvrer à ce que cette voie soit bitumée.

La mise en place de la coordination provinciale MPP des femmes connaît quelques difficultés dans la Comoé. Que se passe-t-il ?

Le problème ne concerne pas seulement la coordination des femmes. Le problème se trouve à tous les niveaux. Il y a des gens qui pensent comme si c’était une affaire personnelle. On se cache et on convoque seulement les gens que l’on veut pour mettre un bureau en place. Je dis que cela ne peut pas marcher. Si le MPP veut réussir à Banfora, il faut se dire que ce ne sera pas de cette façon. Si un camp se sent lésé, comme le mien et qu’il croise les bras, qu’est-ce qui peut arriver de bon dans ce parti ? Croyez-vous que l’on peut travailler sereinement dans ces conditions ? Je défie quiconque de me dire le contraire. Ils n’ont qu’à mettre en place les structures on va voir, même si les femmes se mettent d’accord. Nous devons travailler vraiment dans l’intérêt du parti et je crois que nous avons intérêt à nous asseoir et à nous dire les quatre vérités. On se connaît dans cette province. J’ai mené la campagne tout seul, avec l’appui de la section de Banfora et cela peut se vérifier. Qui sont ceux qui m’ont accompagné ? Des gens ont travaillé même à ce que le MPP ne gagne pas dans la Comoé. Nous pouvions facilement remporter les deux sièges mais des gens ont travaillé à faire élire le candidat de l’UPC pour des raisons personnelles. Mais on aura l’occasion de le leur dire de façon claire. En attendant, je dis que le MPP uni, est une force que personne ne peut battre dans les Cascades.

Des militants MPP vous attendaient au poste de Premier ministre ou tout au moins de membre des différents gouvernements avec le MPP au pouvoir. Cette question était-elle sur la table à l’époque ? Viendra ou viendra pas ?

Je ne comprends pas les gens. Du moins, je peux aussi les comprendre. Premièrement, il faut se dire que la nomination d’un Premier ministre est du ressort du chef de l’Etat qui a, en sa possession, les arguments et autres éléments nécessaires et de toute nature que personne d’entre nous ne connaît et qui peuvent l’amener à décider. Comme vous le savez, il ne peut y avoir plusieurs Premiers ministres. Donc, même si on a cité plusieurs noms, il faudra, à un moment donné, abandonner d’autres et choisir une seule personne. Deuxièmement, je voudrais savoir si le gouvernement est le seul endroit où on peut travailler pour aider le peuple. Je pense que non. Je suis à l’Assemblée nationale, je siège au Parlement panafricain où j’occupe une fonction importante. Je pense que si, à un moment donné, le président estime qu’il faut recentrer les choses et ramener certaines personnes plus sûres à un niveau donné, c’est lui qui avise. En attendant, chacun doit travailler là où il se trouve. Moi, j’ai été élu et à ce titre, je dois exercer pleinement et défendre les intérêts du peuple burkinabè.

Croyez-vous que le Burkina viendra un jour à bout du terrorisme ? Quelle stratégie pensez-vous qu’on puisse mettre en place ?

Il n’y a aucun doute que le Burkina Faso viendra à bout de ce fléau qui endeuille la nation. Cela est clair parce que je suis persuadé qu’il s’agit d’une machination qui veut empêcher notre mouvement d’ensemble de travailler véritablement et faire du Burkina un pays émergent. Aujourd’hui, tous les éléments sont clairs et ce n’est pas du subjectivisme de dire qu’on sait d’où viennent ces attaques et comment elles sont perpétrées. C’était la véritable difficulté. Ces attaques ont été liées, dès le départ, au problème malien. Tout le monde se disait qu’il s’agissait du terrorisme, de l’intégrisme et autres. C’est vrai, c’est une branche qui a été utilisée mais, en réalité, l’objectif visé par ces attaques est clair. Comme je l’ai toujours dit, un pays où le chef de l’Etat vient d’être élu, il met en place un gouvernement et le lendemain, il y a une attaque qui fait plusieurs morts, c’est quand même un hasard bizarre, vous conviendrez avec moi. Donc, cela veut dire qu’on veut empêcher les gens de travailler. Je pense que le Burkina viendra à bout de ce fléau parce que tout le monde commence à comprendre. Il faut qu’on se serre les coudes parce que même les partis politiques qui pensent qu’ils peuvent tirer des dividendes de cette situation, se trompent. C’est une erreur grossière car ils ont plutôt intérêt à proposer très rapidement des stratégies pour accompagner le gouvernement. Sinon, si nous luttons seuls pour nous en sortir, je crois que cela sera un « drap » définitif pour eux.

Comment peut-on conclure cet entretien ?

Je crois qu’il faut appeler les gens à la sérénité. Tous ceux qui veulent accaparer tous les bureaux politiques doivent se raviser car tout est toujours cousu de mensonges. Les gens n’ont qu’à apprendre à connaître leur place. On se connaît dans la région des Cascades. On sait qui peut faire quoi. On sait aussi ce que valent ceux qui s’excitent çà et là. On a qu’à descendre sur le terrain et on le saura. Je crois qu’ils ont vu leurs limites et je crois qu’aujourd’hui, on doit s’asseoir et se dire les vérités.

On doit aussi accepter que le pouce et l’auriculaire ne sont pas pareils

Il y a un majeur. Ici, il est question du développement de notre région et nous avons tous intérêt à nous y mettre. Mais nos gens sont ainsi faits, ils croient que c’est tout comme une affaire de chefferie. Il ne faut pas que des gens fassent de l’amalgame et amènent des problèmes ethniques qu’ils aiment raconter en haut lieu pour faire n’importe quoi. Il n’y a aucun problème ethnique dans la région. Ce sont les médiocres qui équivoquent les problèmes ethniques pour vouloir s’en sortir. Mais ce sont des manœuvres qui ne peuvent pas aller loin. J’appelle, par conséquent, les gens à se serrer les coudes. Les échéances sont proches et le MPP doit gagner. Maintenant, la condition sine quoi non est de savoir respecter chacun dans sa force. Ce ne sont pas des manœuvres politiciennes qui feront changer les choses. Cela peut, peut-être changer les choses en haut dans le parti, mais ça n’ira nulle part et c’est le parti qui va se mordre les doigts.

Interview réalisée par Mamoudou TRAORE


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