HomeA la uneBRAS DE FER ENTRE LES AGENTS DU TRESOR PUBLIC ET LE GOUVERNEMENT : Le SATB hausse le ton

BRAS DE FER ENTRE LES AGENTS DU TRESOR PUBLIC ET LE GOUVERNEMENT : Le SATB hausse le ton


Le Syndicat autonome des agents du Trésor  du Burkina (SATB) était face à la presse dans la matinée du 17 mai 2017, pour faire le point de la grève qu’il a entamée depuis le 8 mai dernier. Ce fut également l’occasion, pour les agents du Trésor, de non seulement faire le point des négociations qu’ils ont entreprises avec le gouvernement par rapport à leur plateforme revendicative, mais aussi d’annoncer d’autres actions envisagées pour mieux se faire entendre.

 

En grève de deux semaines depuis le 8 mai dernier, les agents du Trésor menacent de durcir le ton pour la satisfaction de leur plateforme revendicative. Ils annoncent une fois de plus observer un sit-in allant du 22 au 29 mai prochain sur toute l’étendue du territoire national, dans les  consulats et ambassades du Burkina à l’étranger, pour exiger du gouvernement, la satisfaction de leur plateforme revendicative. Si à l’issue de cet arrêt de travail, l’Etat ne satisfait pas leur  plateforme revendicative minimale, les « gestionnaires du budget public » prévoient d’observer un arrêt de travail allant du 30 mai au 16 juin prochain. Toutefois, si à l’issue de ces arrêts de travail, leur plateforme revendicative n’est toujours pas satisfaite, ils  entendent observer  un arrêt  illimité de travail.  L’annonce en a été faite par les responsables du SATB, syndicat propre à ce corps,  au cours d’une conférence de presse qu’ils ont animée dans la matinée du 17 mai dernier.  A en croire le Secrétaire général du SATB, Seini Koanda, leur plateforme revendicative datant de 2016 comporte 19 points. Il s’agit, entre autres, de l’institution d’un statut autonome des agents du Trésor, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de carrière pour les agents du Trésor, la dotation en moyens humains, matériels en quantité et en qualité, l’opérationnalisation des trésoreries principales dans les 45 provinces du pays, le renforcement du personnel des postes comptables à l’étranger, l’opérationnalisation du statut de l’Agence judiciaire du Trésor (AJT), l’audit et l’expertise du siège du Trésor public sis à Ouaga 2000. Sur les 19 points, a expliqué M. Koanda, le syndicat et le gouvernement ont trouvé un terrain d’entente sur 8 points  au lieu de 16, comme l’avait annoncé le  ministre de la Communication et des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Remis Fulgance Dandjinou, à l’issue du Conseil des ministres du 10 mai dernier. Face à cette sortie du gouvernement qu’il qualifie d’hasardeuse, le SATB, par la voix de son premier responsable, Seini Koanda, a estimé que de « tels agissements n’honorent pas un gouvernement qui se veut responsable ». « Notre indignation se justifie par le fait que ladite information, en plus de jeter le discrédit sur le SATB, tend à exposer les travailleurs du Trésor  à la vindicte populaire ». M. Koanda a souhaité tout de même que les 16 points d’accords auxquels fait allusion le gouvernement, soient portés à leur connaissance.

 

Les salaires seront traités

 

Les membres du SATB ont également relevé qu’à l’heure actuelle, il y a 4 points sur lesquels le gouvernement refuse de lever le pied. Lesquels points se résument, entre autres, à  l’institution du statut autonome des agents du Trésor, l’application du régime indemnitaire des agents du Trésor, la relecture des textes portant conditions et modalités de répartition de la prime de rendement, le relèvement du taux minimal appliqué à la trésorerie nette. A cela, le Secrétaire général du SATB, Seini Koanda, a ajouté la dotation de leurs services en personnels et moyens conséquents. Toutefois, il a relevé que les négociations se poursuivent avec le gouvernement. Mais à la question de savoir pourquoi le syndicat n’entend pas lever le mot d’ordre pour mieux poursuivre ces négociations, M. Koanda  s’est voulu clair : « L’arrêt de travail est le moyen de pression que peut utiliser une organisation pour la satisfaction de ses préoccupations (…). Si nous avons durci le ton, c’est qu’en face de nous, on ne joue pas franc jeu. Et quand tu connais ton adversaire, multiplie toutes les stratégies qui puissent le mettre en difficulté ». Parlant de l’impact de la grève des agents du Trésor, d’aucuns estiment que ce mouvement d’humeur fait perdre à l’Etat quotidiennement près de 312 millions de F CFA.  « Nous sommes une organisation syndicale et nous n’ignorons pas l’impact de notre grève. L’évaluation de l’impact de cette grève est de l’ordre de l’administration.  Mais, nous ne savons pas d’où viennent ces informations de 312 millions de F CFA. Nous sommes en train de mener des revendications pour de meilleures conditions de vie et de travail. Nous pensons qu’à l’heure actuelle, il faut travailler à mieux protéger les ressources de l’Etat. Sur  les 19 points, il y a près d’une dizaine de points de revendications  qui, normalement, face  à une administration responsable, ne devraient pas figurer sur une plateforme revendicative d’une organisation  syndicale (…). Il y a même des informations qui compromettraient la crédibilité de l’Etat,    si nous  les mettons sur la place publique », a-t-il soutenu. C’est bientôt la fin du mois, d’où la problématique du paiement des salaires des travailleurs. Sur ce point, les agents du Trésor public disent avoir pris toutes les dispositions pour satisfaire les travailleurs. Cela dit, ils ont promis de mettre en place un  dispositif exceptionnel pour gérer les opérations ayant trait au paiement des salaires, des pensions et des pécules. « Cette option est envisagée en vue de montrer notre bonne foi à l’opinion publique », foi du SG du SATB, Seini Koanda.

L’occasion a été fort belle pour celui-ci de révéler certaines choses sur la gestion du Trésor public. En effet, il a révélé que des gens ont quitté le territoire avec de l’argent, car les dispositions sécuritaires n’avaient pas été prises pour sécuriser l’argent du contribuable. Lors du billetage en 2015 à Bobo-Dioulasso, 50 millions de F CFA ont disparu, a-t-il affirmé.

 

Mamouda TANKOANO

 

Bassolma Bazié tire à boulets rouges sur le gouvernement

 

Présent à la conférence de presse du SATB comme invité, le Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B), Bassolma Bazié, n’a pas été du tout tendre avec le régime actuel. Connu pour son franc-parler, l’homme n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour  dénoncer le non-respect de ses engagements et les dispositions du nouveau projet de  loi  visant à réglementer le droit de grève au Burkina.

 « Quand on regarde l’enchaînement des mouvements sociaux et le comportement de nos autorités, on se pose la question de savoir si les autorités ont la volonté de cultiver un climat apaisé, afin de mettre en œuvre leur programme. On se demande  aussi s’il n’y a pas une ambition cachée quelque part, qui vise à susciter et à entretenir ces mouvements, afin qu’à un moment donné, on puisse  s’excuser ou justifier son incapacité. Je le  dis sur un certain nombre d’exemples. Le premier exemple, c’est le respect des textes. Dans notre pays, le droit de grève est régi par la loi 45-60 (…). Cette loi est respectée par tous ceux  qui vont en mouvement. Il y a ses décrets et ses arrêtés d’application. Dans un des arrêtés d’application, il est dit que quand un travailleur va en grève, il y a des possibilités qu’on puisse  retenir le 30e de son salaire de base (…). Cet arrêté qui a été remis en relecture a été  relu par le mouvement syndical et amendé trois fois et le gouvernement l’a perdu dans ses tiroirs trois fois. Il faut chaque fois l’interpeller pour retrouver  l’arrêté, réintroduire nos amendements avant de le lui renvoyer. Jusqu’à l’heure actuelle, l’arrêté n’est pas encore signé. Et sans cet arrêté qui doit permettre au pouvoir de voir comment gérer les retenues de salaires en cas de grève, cela permet au gouvernement de patauger dans la boue. L’exemple, c’est le cas de Bobo-Dioulasso où des camarades ont manifesté pour dire au gouvernement que ce n’est pas bon de vider les salles de classe en campagne et venir à Bobo-Dioulasso dans des bureaux où des gens sont entassés par dizaines alors qu’il n’y a même pas de place. Pendant ce temps, les enfants sont sans enseignants. Ils sont donc allés en sit-in. Le gouvernement a assimilé leurs heures de sit-in à  un mois de grève. Les syndicats sont intervenus et un comité a été mis en place (…). En ce moment, les retenues de salaires ont déjà commencé. Quand le comité paritaire (gouvernement/syndicat)  mis en place a fini le travail, il a estimé que le nombre total d’heures concernées fait 9 jours. Avec les travaux du comité, il a été demandé de retourner les salaires des fonctionnaires où il y a eu des excès de coupures. Ceux qui ont atteint les 9 jours, nous avons demandé au gouvernement de continuer d’opérer les retenues car nous ne pouvons pas aller à l’encontre de la loi.  A notre grand étonnement, le gouvernement a mis le travail du comité paritaire de côté et a poursuivi les retenues sur salaire pour fait de grève chez tous les fonctionnaires qui ont manifesté et ce, pour un mois. Cela se poursuit jusqu’à présent. Est-ce qu’en se comportant de la sorte en tant qu’autorité, on veut réellement  apaiser le climat social ? (…). Parlant de cette proposition de loi, ce n’est pas que le mouvement d’action syndicale est contre la règlementation de l’environnement syndical. J’ai cité la loi 45-60. Si je dis que tout le peuple burkinabè est interpellé, c’est parce que j’estime qu’après le mouvement syndical, ça peut être la presse ou l’opposition politique. Il n’y a pas plus de violation quand on arrive à  violer  le droit collectif pour viser après le droit individuel. Ce qui veut dire qu’après le droit collectif, ce sera le droit individuel et chaque Burkinabè sera visé. Norbert Zongo a dit: « Quand on dit aux Burkinabè de sortir pour se mobiliser, chacun dit qu’il se cherche ». Tu vas te retrouver dans ta cour,  te chercher là-bas, tu ne vas pas te retrouver, mais la misère va te mettre dehors et on va se retrouver  (…). La Haute-Volta (NDLR : Burkina Faso) a ratifié la Convention 98 de l’Organisation internationale du travail (OIT), le 21 novembre 1962. Mais quand ces conventions internationales ont été prises, cela a fait de l’expérience pour beaucoup de pays qui ont traversé des crises. Cette convention 98 dit que quand on procède  à des lois qui permettent de licencier des travailleurs pour des faits de grève, cela peut aboutir à des cas de déstabilisation sociale. Voilà pourquoi nous avons dit que la proposition de loi qui dit qu’on peut désormais recruter des travailleurs pour remplacer ceux qui sont en grève, porte en elle-même des germes de la guerre civile (…). Historiquement et politiquement, les gens ne maîtrisent pas l’histoire car, on ne peut pas être bénéficiaire d’une grève générale qui a été lancée  le 16 septembre 2015 pour pouvoir chasser les putschistes et créer  un environnement pour qu’on puisse organiser des élections, et dès qu’ils (NDLR : ceux qui sont élus) arrivent à s’asseoir sur leurs fauteuils présidentiel, ministériels et législatifs, ils oublient tout  ce qui s’est passé hier. Nous le disons parce que le préavis de grève qui est proposé dans ce projet de loi,  dit que désormais, le syndicat doit envoyer sa plateforme et le préavis au président du Faso. Et pour aller en grève, le syndicat doit attendre le retour de  l’accusé signé par le président du Faso et dès que vous le recevez, vous commencez à compter pendant 20 jours. Ce qui veut dire que si le président du Faso reçoit votre préavis, même s’il va faire tout son mandat sans le signer, vous n’aurez pas tôt le préavis. Mais avec ce qui s’est passé en septembre (NDLR : le putsch de Diendéré), si on doit compter de façon mécanique, cela veut dire que lorsque nous  envoyions notre préavis de grève à Michel Kafando (NDLR : président de la Transition) qui était  dans les mains du RSP, il fallait attendre qu’il le signe pour que le RSP  puisse  nous le ramener. Et je ne sais pas qui allait rester pour le recevoir (NDLR : tonnerre de rires dans la salle). Conformément à la nouvelle loi qu’ils proposent, cela veut dire qu’après réception, on devrait commencer notre grève générale 20 jours après, soit le 10 octobre (…). Quand on dit que les syndicats sont violents, qu’ils empêchent le gouvernement de travailler, même à ce niveau, le gouvernement est incriminé. Car la Convention 98 de l’OIT permet de mettre dans chaque pays, des Organisations représentatives. Cela signifie qu’on organise des élections professionnelles pour permettre aux travailleurs, sur la base des syndicats qui seront représentés, de dire à tel syndicat de gérer son avenir professionnel  pendant 5 ans. On fait des élections et des dépouillements pour dire désormais  quelles sont les organisations syndicales crédibles, valables et  capables de discuter avec le gouvernement et de représenter valablement les travailleurs. Mais le gouvernement ne veut pas appliquer le contenu de la Convention 98. Pourquoi ? Parce qu’il sait lui-même ce qu’il fait. Il préfère marcher dans un environnement flou, où on peut recruter des gens, deux ou trois personnes, et on leur donne des récépissés. Ils disent qu’ils sont une organisation syndicale et ils se pavanent sur toutes les antennes des radios de la place et condamnent même les luttes syndicales. C’est leurs pratiques et quand je parle, j’associe des noms. Les Salif Diallo, c’est leur travail ».  

 

Propos recueillis par M.T.

 

 


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