BREVE INTERPELLATION DE NAIM TOURE AU BURKINA
« Dans le cadre des investigations relatives à une enquête en cours, Monsieur Touré Naïm a fait l’objet d’une interpellation par les services de la Police nationale dans la nuit du 12 au 13 novembre 2019. Cette interpellation, qui fait suite à des publications faites par l’intéressé sur les réseaux sociaux, vise à concourir à la manifestation de la vérité, relativement à l’enquête ouverte qui se déroule sous le contrôle de la Justice… ». Ceci est la teneur d’un communiqué de la Police nationale, éclairant les populations sur les motifs de l’interpellation du mis en cause. Présenté au parquet, Naim Touré a été remis en liberté. Mais si d’aucuns ont vite fait de considérer cette interpellation comme une remise en cause des libertés individuelles, la prudence recommande de se garder de tirer des conclusions trop hâtives. Car, c’est une situation qui peut se révéler, à bien des égards, un couteau à double tranchant.
Quand la survie de la Nation est engagée, il faut savoir faire preuve de discernement
D’un côté, en bandant les muscles contre l’activiste, le pouvoir s’expose à la critique et peut donner l’impression que Naïm Touré est devenu son poil à gratter pour ses prises de position acerbes. Et s’il s’avère, comme il se dit par ailleurs, que la procédure n’a pas été entièrement respectée lors de son interpellation, cela pourrait donner du grain à moudre aux contempteurs du pouvoir qui n’ont de cesse de crier à la remise en cause de certains acquis démocratiques, notamment par des tentatives répétées de restriction des libertés collectives et individuelles. L’un dans l’autre, cela fait une autre mauvaise publicité pour le Burkina, après les récurrentes attaques terroristes dont l’effet dévastateur sur l’image du pays des Hommes intègres, n’est plus à démontrer. Mais d’un autre côté, le contexte sécuritaire actuel où le pays est sauvagement agressé et durement éprouvé, doit imposer à tous une certaine mesure. Même si l’on est dans un Burkina post-insurrectionnel où les gens pensent qu’ils peuvent tout se permettre, après avoir chassé le dictateur. Car, quand la survie de la Nation est engagée, il faut savoir faire preuve de discernement. Pour cela, il faut éviter de relayer toutes sortes d’informations, notamment celles sensibles qui peuvent fragiliser la Nation ou même qui sont parfois sujettes à caution. De ce point de vue, on ne peut pas reprocher au pouvoir de jouer son rôle de veille, pour autant que cela n’ait pas des relents de règlements de comptes politiques. Car, nous sommes en guerre contre des individus sans foi ni loi, qui ne nous veulent pas du bien. Et dans le cas d’espèce, ce serait se tromper lourdement que de croire que c’est le sort du président Roch Marc Christian Kaboré et de son gouvernement qui est en jeu. C’est plutôt la survie même de la Nation qui est menacée. C’est dire qu’on peut ne pas aimer le président Kaboré et sa suite, mais on n’a pas le droit d’exposer la Nation burkinabè. C’est pourquoi il est nécessaire d’imposer une certaine discipline pour éviter de faire le jeu de l’ennemi, ou de poser des actes qui tendraient à faire l’apologie du terrorisme. D’ailleurs, il est temps que les Burkinabè comprennent que les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non-droit.
Il faut savoir raison garder de part et d’autre
Dans un domaine où il n’existe pratiquement pas de critères de définition encore moins de code d’éthique érigé en règle, il est facile de se proclamer activiste en croyant que cela est la porte ouverte à tous les droits, pour ensuite crier à l’atteinte à la liberté d’expression à la moindre occasion. Encore faudrait-il pouvoir donner tort à ceux qui disent que bien des activistes sont manipulés par des officines politiques. Pour en revenir au cas Naïm Touré, sa brève interpellation n’est pas un cas isolé. D’autres Burkinabè ont aussi eu maille à partir avec la Justice pour leurs publications sur les réseaux sociaux. Pas plus tard que le 16 octobre dernier, un étudiant du nom de Aimé Nikiéma a été arrêté et déféré au parquet pour des propos jugés « haineux », publiés sur Facebook. Avant lui, certains leaders d’opinion ou autres acteurs de la société civile ont eu à aller méditer préventivement en prison, pour certaines de leurs publications. Si certains semblent avoir appris de leur séjour carcéral et ont depuis lors donné l’impression d’avoir mis de l’eau dans leurs…propos, Naïm Touré, lui, ne semble pas avoir tiré leçon de sa condamnation, en 2018, pour des propos tenus justement sur les réseaux sociaux. A l’époque, il avait été condamné à deux mois de prison ferme pour participation à une entreprise de démoralisation des forces armées. Un an après, voilà qu’on l’y reprend. ,En tout état de cause, la République est régie par des lois, et il faut faire confiance à la Justice. En attendant, il faut savoir raison garder de part et d’autre.
« Le Pays »