HomeA la uneBURKINA FASO :La nécessaire réécriture de la Constitution

BURKINA FASO :La nécessaire réécriture de la Constitution


En 1987, Blaise Compaoré avait justifié son avènement au pouvoir par son souci de mettre un terme aux dérives autocratiques du chef de la révolution d’août et de travailler à la restauration des libertés individuelles et collectives. Dans cet esprit et dans le sillage du discours de la Baule du 20 juin 1990, appelant à des régimes démocratiques en Afrique, le Burkina Faso avait mis en place en 1991, une Constitution dont la vocation première était d’arrimer le pays à la démocratie. Mais Blaise Compaoré, dans les faits, avait travaillé, avec méthode et ruse, au fil des années, à vider la Constitution de son esprit pour n’en garder que la lettre. En effet, après avoir d’abord fait sauter la clause limitative des mandats présidentiels, il a été obligé de la rétablir pour sauver son pouvoir sérieusement ébranlé, consécutivement à la grave crise sociopolitique que le pays a connue suite à l’assassinat horrible du journaliste Norbert Zongo. C’était donc à son corps défendant qu’il avait concédé la limitation des mandats présidentiels. Sa dernière tentative de faire sauter de nouveau l’article 37 lui a été fatale. Mais si Blaise Compaoré s’est rendu coupable de tripatouillages répétés de la loi fondamentale pour s’éterniser au pouvoir, la faute pourrait en incomber aux rédacteurs de la Constitution. En effet, ces derniers semblent avoir écrit certaines clauses de la Constitution sous la dictée du prince régnant. L’article 37 par exemple, porte le sceau de ce péché originel. Blaise Compaoré l’a exploité à fond, en se basant sur la légalité pour le réviser. Juridiquement, rien ne l’en empêchait. Les seuls arguments qu’on pouvait brandir pour l’en dissuader, étaient ceux de la légitimité et de l’éthique. Mais la politique telle qu’on la conçoit sous nos tropiques, n’en a cure. N’eût été la détermination du peuple burkinabè, Blaise Compaoré serait encore président en 2015, en 2020, en 2025… parce que, simplement, il n’aura eu aucun scrupule à utiliser la lettre de la Constitution pour en assassiner l’esprit. C’est pourquoi aujourd’hui, la nécessité de réécrire la Constitution dans le sens d’en faire un instrument sacré de promotion de la démocratie, la vraie, se pose. Quelles pourraient être les idées-forces d’une telle réécriture ?

 

La pratique démocratique dans notre pays comporte beaucoup d’insuffisances

 

D’abord, dans le souci de ne plus jamais permettre à l’institution présidentielle d’écraser les autres institutions de la République, il serait intéressant d’envisager un autre type de régime, le régime parlementaire par exemple. En effet, les Etats africains, notamment ceux anciennement colonisés par la France, ont tous expérimenté le régime présidentialiste. Le résultat en termes d’ancrage de la démocratie n’est pas reluisant. Bien au contraire, ce type de régime a enfanté des « hommes forts » pour ne pas dire des monstres. Les autres institutions dans ce type de régime en Afrique, sont en réalité des gadgets avec lesquels les princes régnants jouent. Il faut en finir avec cette conception bonapartiste du pouvoir au Burkina Faso. Cela est d’autant plus justifié que nous sommes dans un contexte culturel où le rapport au pouvoir et les représentations sociales en sont arrivées à percevoir le président comme un démiurge, un demi-dieu. Nos présidents, surtout ceux qui sont avides de pouvoir, ont habilement surfé sur cette réalité pour régenter le pays comme un royaume. La réécriture de la Constitution à laquelle nous appelons, doit s’inscrire dans un autre paradigme.

La deuxième idée force qui doit être prise en compte dans cette réécriture, est l’équilibre des trois pouvoirs, tel que théorisé par Montesquieu en 1748. En effet, ce dernier, dans son ouvrage intitulé « De l’esprit des lois », a voulu faire passer l’idée selon laquelle l’équilibre des pouvoirs est non seulement protecteur des libertés, mais aussi source de la modération politique. Il faut, dit-il, pour empêcher les dérives autocratiques, que : « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Si nous évaluons la pratique démocratique dans notre pays à l’aune des idées de Montesquieu, nous nous rendons vite compte qu’elle comporte beaucoup d’insuffisances. En effet, le pouvoir judiciaire est outrageusement à la botte du pouvoir exécutif. Dans la réécriture que nous préconisons, il faut mettre fin à la nomination des juges par le président de la République, si l’on veut aller vers une justice véritablement indépendante et par conséquent une démocratie digne de ce nom. Le pouvoir législatif est logé à la même enseigne que le pouvoir judiciaire. De ce fait, l’Assemblée nationale qui devrait être un des hauts lieux de la démocratie, est en réalité une véritable chambre d’enregistrement, prête à poignarder la démocratie dans le dos, pour plaire au prince régnant. La forfaiture du 30 octobre dernier que les députés de la majorité se préparaient à entériner l’illustre parfaitement.

La troisième idée-force de cette nécessaire réécriture de la Constitution consisterait à fixer en des termes univoques, les conditions dans lesquelles l’on peut procéder à la modification de la Constitution. Ces conditions doivent proscrire toutes les révisions taillées sur mesure. Et pour empêcher que l’article 37 soit malmené, il faut le sacraliser purement et simplement et donner au Conseil constitutionnel les prérogatives de sévir contre tout président en exercice qui aurait la fâcheuse idée de vouloir le désacraliser.

Enfin, la dernière idée force pourrait se rapporter à la problématique de la place de la Chefferie traditionnelle en politique. Il faut nécessairement légiférer sur la question,  de manière à mettre l’institution dont l’importance pour la paix sociale est reconnue, à l’abri de toute instrumentalisation politique. Pour ce faire, dans la nouvelle Constitution, il faut réserver à ses représentants, un statut qui préserve leur dignité. Cela dit, le Burkina revient de loin. Son peuple a dû verser son sang pour se débarrasser d’un système qui s’apparentait à une monarchie. Pour que ce sacrifice ne soit pas inutile, il faut maintenant s’attaquer à la sève dont s’est nourri le système Compaoré pendant 27 ans. Un des éléments majeurs constitutifs de cette sève est de toute évidence notre Constitution. Sa réécriture s’impose absolument. 

 

Pousdem PICKOU


Comments
  • Bel analyse Pousdem PICKOU. Il faut sérieusement creuser cette idée de régime parlementaire. Cela nous évitera de “fabriquer” des présidents qui se prennent pour des demi-dieu.

    Dieu bénisse le Burkina!

    5 novembre 2014
  • Pickou, je partage votre avis sur ce point. Cependant, si nous avons un système parlementaire, il faudra le faire comme en Israël, en Allemagne ou encore comme en Italie où il y a un Président qui règne mais qui ne gouverne pas. On pourra aussi réduire le nombre de députés et créer une seconde chambre ( 80 députés et 39 sénateurs) en faisant que le PM soit issu de la majorité au niveau des députés . l’élection des sénateurs, à raison de 3 par région (aucun nommé par qui que ce soit) interviendra 2 ans après celui des députés pour contre balancer. Aussi, je suggère que dans cette constitution on dise clairement que le président du Faso à droit à deux serments pas plus. Pas deux mandats mais deux serments c’est à dire qu’il ne prête serment que deux fois point.

    5 novembre 2014
  • ATTENTION A NE PAS PROVOQUER UNE NOUVELLE INSURRECTION !
    Le Peuple Souverain du Burkina s’est soulevé contre Blaise, sa Famille, son clan et le système qu’il a instauré. Donc tous ceux qui ont été au coeur de ce système ne sont pas qualifiés pour diriger cette Transition, au risque de provoquer une nouvelle insurrection qui va certainement être plus violente que la première. Nous ne voulons ni de monsieur Appolinaire Soungalo Ouattara, ni de Albert Milogo, encore moins de qui que se soit du système et de la galaxie Compaoré. Laissez-nous désigner une personnalité consensuelle de la société civile pour diriger notre Transition.
    Comment peut-on faire notre révolution et remettre encore le pouvoir à une personnalités du système ?

    5 novembre 2014
  • D’accord avec la proposition de nouvelle constitution !

    Tous, oeuvrons pour une nouvelle constitution BETON, qu’aucun président ne pourra modifier à sa guise !!! Rendre des articles NON MODIFIABLES, et permettre des alternances obligatoires, surtout pour une population à majorité analphabète, qui pense que la politique se limite à la distribution de gadgets, de riz, de consommables, et autres !!!

    Propositions pour la nouvelle constitution pour le BURKINA FASO :
    1) Le président est élu pour un mandat de 5 ans, rééligible 1 fois !
    2) Un ex-président (après 1 ou 2 mandats) ne peut se représenter qu’après une période de 15 ans de la fin de son mandat (ceci pour éviter une démocratie bête à la Russie, où Poutine et Medved se remplacent à tour de rôle)
    3) La durée, le nombre de mandats sont inscrits dans les articles NON MODIFIABLES et PAS A REMETTRE EN CAUSE (peu importe la manière, la voie)
    4) Pour un Président en exercice, il n’est pas autorisé la création d’association, de mouvement en SON NOM , ni au nom d’un membre de sa famille directe (sa femme et ses enfants – je veux parler des côneries de FEDAP/BC, ABC, Tantie de Blaise, les amies à Djamila, etc.)
    5) Le conseil constitutionnel doit être autonome, le président ne peut nommer aucun juge là bas, ni le président du conseil
    6) La CENI doit être autonome
    7) Les candidatures indépendantes pour les présidentielles, les législatives et les municipales sont autorisées
    8) A l’assemblée nationale, le nombre de mandat des députés est limité à 2 maxi, et plus jamais après (ceci pour éviter des députés à vie, qui viennent dormir à l’AN) !
    9) Pour les maires également, 2 mandats maxi
    10) Une modification de la constitution doit forcément passée par l’assemblée nationale, et requérir l’avis du peuple (référendum)
    11) Toutes les prérogatives qui avaient été taillées sur mesure dans l’ancienne constitution, élaborée pour blaise, doivent être supprimées. Il faut créer bien une séparation des pouvoirs, avec une justice indépendante, un conseil constitutionnel indépendant, etc.
    12) Mettre un article, qui oblige le président entrant à déclarer ses biens avant de prendre le pouvoir, et à déclarer lorsqu’il quitte le pouvoir. Et chaque président et ses gouvernements doivent répondre de leur gestion du pouvoir.

    Ceci permettra des alternances obligatoires, des rotations aux têtes de nos institutions, et évitera que les intellectuels se prostituent, sans dignité à des mortels, parce qu’ils sont au pouvoir, et à cause des intérêts ! Car si ces imbéciles savent que ce président est là pour maxi 10 ans, ils sauront se fixer à lui, et non faire comme s’il était là éternellement (temps de blaise compaoré) !

    5 novembre 2014
  • ATTENTION A NE PAS PROVOQUER UNE NOUVELLE INSURRECTION !
    Le Peuple Souverain du Burkina s’est soulevé contre Blaise, sa Famille, son clan et le système qu’il a instauré. Il est important que la communauté internationale le comprenne bien. Par conséquent, tous ceux qui ont été au cœur de ce système ne sont pas qualifiés pour diriger cette Transition, sinon, le Peuple redescendra dans la rue et la nouvelle insurrection va certainement être plus violente que la première.
    NOUS NE VOULONS NI DE MONSIEUR APPOLINAIRE SOUNGALO OUATTARA, NI DE ALBERT MILOGO, ENCORE MOINS DE QUI QUE SE SOIT DU SYSTEME ET DE LA GALAXIE COMPAORE.
    Laissez-nous désigner une personnalité consensuelle de la société civile pour diriger notre Transition.
    Comment peut-on faire notre révolution et remettre encore le pouvoir à une personnalité du système Compaoré ?

    5 novembre 2014
  • Je suis totalement d’accord avec votre analyse. Sans être homme de droit, il va falloir que notre constitution prenne en compte les dimensions régionales, ethniques et religieuses afin d’éviter la main mise d’une région, d’une ethnie ou d’un religion sur les affaires de l’État comme cela se passe aujourd’hui. Une solution doit être trouvé au népotisme, au travestissement de l’administration ou à égal emploi les enfants commandent leurs papa sous prétexte de nomination. La libéralisation des décorations distribuées à tout vent même aux agents les plus indélicats doit être revu. Brefs, toutes nos lois doivent être relues en vue de renforcer l’unité et la cohésion nationale .

    5 novembre 2014
  • Oui, une relecture de la constitution s’impose absolument. Nous disposons de matières grises à même de tailler une constitution à la mesure d’une démocratie véritable. Une constitution qui tient réellement compte de la justice et de l’équité, de la séparation des pouvoirs, du développement économique et social, de la souveraineté du peuple. Par exemple l’article 132 est inadmissible. L’exécutif confisque le pouvoir judiciaire. Une aberration parmi tant d’autres.
    Article 132 : Le Président du Faso est le Président du Conseil supérieur de la magistrature. Le Garde des sceaux, ministre de la justice en est le vice-président.

    5 novembre 2014
  • Il y a des arbres (racine, feuille, tronc, branches…)
    Blaise (feuille et fleurs)=superbe (il est vu et admiré de tous
    La famille (branches)=qui le soutenait
    le clan (tronc)=qui soutenait la famille et Blaise
    le système (racine)= armée, économie finances…
    Si l’on coupe les feuilles (Yamoussoukro),
    les branches dispersée (Abidjan France, …
    et que le troncs et les racines restent en place (clan=Diendéré, Soungalo…)
    Il y a de forte malchance sur l’arbre renaisse de plus mal.
    A
    Alors, attention, vigilance et surtout prières persévérantes…

    5 novembre 2014
    • C”est véritablement une idée provocatrice que de proposer un SOUNGALO ou un ALBERT MILLOGO pour diriger cette transition. BURKINABE, restons dignes. Tous ceux qui se sont montrés indignes de gérer ce PAYS ne devraient plus avoir voix au chapitre. Aucun de ces Messieurs n’ a daigné dire la VERITE à Blaise Compaoré. On ne peut pas faire profiter les BIENFAITS de la DEMOCRATIE à ceux qui en sont le FOSSOYEURS.

      5 novembre 2014
  • Merci pour l’inspiration avec laquelle l’analyse a été faite. J’ai quelques propositions à faire aux hommes de droit et aux constitutionnalistes de notre pays.
    Je pense qu’il va falloir noter dans notre constitution que le gouvernement doit être formé en tenant compte des équilibres sociaux, ethniques et religieux de notre pays. La nomination à la tête des institutions et des société d’État doit obéir à la même règle( actuellement, toutes nos société d’État sont dirigés par des gens d’une même ethnie, ce n’est pas joli). Il ne serait pas superflu d’y mettre que le président du Faso, le premier ministre, le président de l’Assemblée Nationale et le chef d’état major de l’armée doivent être d’ethnie et de confession religieuse différentes.
    Ces questions ne peuvent pas être laissé au seul bon sens des gouvernants, il faut les formaliser dans la loi car la notion de “mossisation” a fait son apparition dans certains de nos journaux.
    En faire des sujets tabous reviendrais à exposer notre pays à des difficultés ultérieures car les gens en parlent.
    Vive le Burkina Faso unis !

    5 novembre 2014
  • belle analyse, seulement il vous revient de bien vous renseigner car je sais que des gens avaient eu la même vision que vous et ils l’ont exprimée à l’écriture de la constitution de juin 1991.c’ est le front populaire à travers son ODP/MT ,CDP aujourd’hui qui s’est farouchement opposé et a imposé sa vision aux autres participants.et comme en ce temps qui n’était comme aujourd’hui, oser s’opposer à l’ODP/MT, était son arrêt de mort, mais des gens ont osé dire non.il faut bien vous renseigner.

    5 novembre 2014
  • SOUNGALO OU ALBERT DE MILLOGO ne peut et ne doivent pas assurer notre transition si nous voulons que la transition se déroule bien. Tout ce qui est CDP ou ressemble à CDP doit être mis de coté pour la sérénité et le bon déroulement du processus transitoire. Car nous les avons subi pendant 27 ans et il nous faut du temps pour digérer cette rancœur très profonde. Ne remuez pas dans la plaie d’ailleurs, qui continue de saignée.

    Nous sommes tous d’accord, la constitution doit être toilettée en tenant compte des subterfuges que les pseudo, gros et petit dictateur usent pour tripatouiller la loi fondamentale. la constitution doit être de sorte que même le diable en personne ne puisse toucher une virgule pour ses intérêts (direct ou indirect).

    5 novembre 2014
  • Si vous laisser ces gens là rentrer dans la transition, nous ressortirons dans la rue les chasser. Qu’ils ne se foutent pas du peuple. Ceux qui ont compris le peuple ont quitté le navire avant qu’il ne sombre, et ceux qui y sont resté s’en ont moqué. Qu’auront t’ils dire au peuple durant la transition, si ce n’est se repentir. Nous n’avons pas le temps pour ça. On les demande seulement de se tenir tranquille et à l’écart du pouvoir. On leur fera appel quand la justice sera prête à les recevoir pour Association de malfaiteurs et Comportements portant atteinte à la stabilité nationale.

    5 novembre 2014

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