HomeA la uneCALENDRIER INDICATIF DE LA TRANSITION AU GABON : On prend la junte au mot

CALENDRIER INDICATIF DE LA TRANSITION AU GABON : On prend la junte au mot


Trois mois après avoir déposé Ali Bongo, le général Brice Clotaire Oligui Nguéma, à la tête du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), a dévoilé son calendrier pour le retour à l’ordre constitutionnel normal qu’il a interrompu le 30 août dernier. De cette feuille de route qui fixe la durée de la transition à deux ans, l’on retiendra les principales étapes suivantes : l’organisation d’un dialogue national inclusif, en avril 2024, présidé par le prélat  de Libreville, Monseigneur Jean Patrick Iba-Ba,  la transformation de l’actuel Parlement en Assemblée constituante, en juin 2024, avec pour mission de rédiger la future loi fondamentale du pays qui devra être adoptée à l’issue d’un scrutin référendaire, en fin juin 2024, la refonte du système électoral en début 2025, le toilettage du Code électoral et de la liste électorale entre mars et avril 2025, la distribution des cartes électorales, en juillet 2025, et l’organisation des élections en août 2025. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce calendrier élaboré avec minutie et assorti de détails, a l’avantage d’être clair et l’on peut, de ce fait, féliciter les autorités de la transition gabonaise qui ont eu le mérite de le pondre.

 

La stratégie des balayeurs qui, après le nettoyage de la maison, s’y sont confortablement installés, est bien connue

 

Cela d’ailleurs vaut son pesant d’or en termes de capital de sympathie pour ces putschistes avec lesquels semble s’accommoder la communauté internationale. Il ne reste plus donc qu’à prendre ces hommes en treillis, au mot. Mais cela suffit-il, pour autant, à leur donner le bon Dieu sans confession ? L’on peut en douter. Car, comme le dit le proverbe, « les chemins de l’enfer sont pavés de bonnes intentions ». Encore faudrait-il, dans le cas présent,  faire d’ailleurs la preuve de la bonne intention des tenants du pouvoir.  L’on peut, en effet, légitimement s’interroger sur la bonne foi des autorités militaires de la transition. Car, cet agenda qui semble clair comme de l’eau de roche, peut en cacher un autre. Et le doute est véritablement permis. D’abord, en raison de la longueur, de toute évidence, excessive de la transition.  En effet, le Gabon, à la différence des autres pays, notamment sahéliens où ont eu lieu des coups de force militaires, ne connait pas de défis sécuritaires qui peuvent rendre problématique la tenue, dans des délais raisonnables, d’une consultation électorale. Il se dégage donc le constat  que l’allure de caméléon qui a été adoptée pour ramener le pays sur les rails de la normalité constitutionnelle, peut cacher d’autres intentions. Et c’est précisément en cela qu’il y a des motifs de crainte : les tenants du pouvoir peuvent y prendre goût  et s’y accrocher. La stratégie des balayeurs qui, après le nettoyage de la maison, s’y sont confortablement installés, est bien connue en Afrique. Si les Gabonais n’y prennent garde, ils pourraient bien se retrouver dans la posture du dindon de la farce. L’autre motif qui fait douter de la bonne foi des militaires, est que rien ne prouve que cette feuille de route n’est pas destinée à desserrer l’étau des pressions internationales.

 

Le général Brice Clotaire Oligui Nguéma peut se révéler un homme d’exception

 

 

Dans ce cas de figure, il ne serait pas surprenant que les putschistes qui n’ont pas eu droit à la salve de condamnations comme cela l’a été ailleurs, retournent leurs kakis quand ils auront grappillé quelques onces de légitimité. Cela dit, cet agenda de la transition rendu public par le Comité pour la transition et la restauration des institutions, a tout de même un aspect très positif. Il a, en effet, le mérite non seulement d’enfermer les militaires dans le piège de leurs propres promesses, mais aussi de fournir au peuple gabonais et à la communauté internationale, un instrument de suivi et de contrôle de la gestion de la transition. Il faudra donc ouvrir l’œil et le bon, surtout que ce calendrier n’est qu’indicatif, donc susceptible de modifications et qu’il ne vide pas certaines questions importantes comme la possibilité, pour les tenants actuels du pouvoir, de se présenter aux élections annoncées pour 2025. Cela peut paraître comme « devancer l’iguane dans l’eau »  en ce sens que le dialogue inclusif prévu pour avril 2024, pourrait connaitre de ces questions. Mais l’on sait que sous nos cieux, ces assises nationales sont bien souvent des foires pour valider la volonté de ceux qui tiennent le pouvoir d’Etat. Plus que les séquences temporelles fournies par le calendrier, c’est la question de fond qui devrait préoccuper la classe politique gabonaise. Mais tout cela n’est, pour l’instant, que de la fiction et le général Brice Clotaire Oligui Nguéma peut se révéler un homme d’exception. Ne dit-on pas, d’ailleurs bien à propos,  que « le pouvoir ne change pas l’homme mais il révèle sa vraie nature » ? Gageons donc que la vraie nature de cet officier qui a mis fin à la dynastie Bongo, est celle de l’homme providentiel qui transformera, par son charisme, la destinée du peuple gabonais.

 

« Le Pays »


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