HomeA la uneCANDIDATURE A LA PRESIDENTIELLE LIBYENNE DE SEIF AL-ISLAM KADHAFI   

CANDIDATURE A LA PRESIDENTIELLE LIBYENNE DE SEIF AL-ISLAM KADHAFI   


A un peu plus d’un mois de la présidentielle et au lendemain de la conférence internationale pour la Libye, la Haute commission électorale de la ville de Sebha dans le Sud du pays a enregistré, le 14 novembre 2021, une candidature qui fera sans doute jaser dans les jours et semaines à venir : celle de Seîf-al Islam Kadhafi. En déposant son dossier pour ce scrutin dont la tenue reste pour le moins incertaine, le fils de Mouammar Kadhafi déclare avoir fait une analyse tragique de la situation de son pays, avant de décider de briguer la magistrature suprême pour réunifier cette Libye balafrée sur tous les plans depuis que son père a été tué après sa capture par des milices hostiles en octobre 2011, alors qu’il  tentait de fuir son bastion de Syrte.  C’est donc une candidature à but apotropaïque qui vient s’ajouter à celles de Khalifa Haftar qui contrôle l’Est du pays, du Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah et du président du Parlement, Aguila Salah, pour ne citer que les plus connus.  Les sympathisants de l’ancien régime qui dissimulent mal leur volonté de revenir au pouvoir à travers la candidature de Seîf-al Islam Kadhafi, sont d’autant plus sûrs d’atteindre leur objectif que le fils de Mouammar Kadhafi bénéficie du soutien de nombreuses tribus locales nostalgiques des années de prospérité et de stabilité, sans oublier celui de la Russie qui était le principal allié de la Libye jusqu’à la désintégration du pays en 2011, à la faveur de l’intervention de l’OTAN sous la houlette de la France. Sur le plan politique, Seîf-al Islam pourra compter sur Omar Abou Cherida, Chérif Al Wafi et Mohamed Al Moutassar, tous très populaires dans les régions de Syrte, Beni Walid et Sebha, traditionnellement acquises à Kadhafi père.

 

 

La validation de sa candidature risque d’être contrariée par ses ennuis judiciaires

 

 

Outre ces soutiens de taille, le nouveau candidat aura parmi ses fervents partisans, le richissime Ahmad Kadhaf Al-Dam, mais aussi les milices combattantes restées fidèles à son père, qui sont particulièrement actives à l’Est du pays, aux côtés du Maréchal Khalifa Haftar. Tout compte fait, Kadhafi-fils pourrait gagner les cœurs de nombreux Libyens, surtout s’il surfe sur l’échec de la révolution de 2011 qui, loin de réussir  à effacer les traces de quarante ans  de règne sans partage de son père, a plutôt été le catalyseur de cette décennie d’anarchie et de violences aveugles. Même les Occidentaux qui, extraordinaire ironie de l’histoire, ont provoqué la chute et la mort de son père, pourraient tomber sous le charme de ce candidat qu’ils considéraient comme le plus réformiste et le plus progressiste de l’ancien système, jusqu’à ce que ce dernier devienne l’une de leur cible pendant le soulèvement populaire de 2011. Pour autant, ce n’est pas gagné d’avance pour Seîf-al Islam, et les chances de l’emporter en décembre prochain restent, quoi qu’on dise, très faibles, pour plusieurs raisons. D’abord, n’oublions pas que la situation sociopolitique est particulièrement instable en Libye depuis une dizaine d’années, et pouvoir organiser des élections libres, transparentes, sans violence et incontestables dans  ce pays, est une gageure, malgré le soutien de la communauté internationale. Si beaucoup de Libyens regrettent le chaos actuel, ils ne seront pas tous prêts pour autant à élire le fils de l’ancien homme fort de Tripoli, de peur de créer une situation encore plus ingérable, sur fond de règlements de comptes. Ensuite, la validation même de sa candidature risque d’être contrariée par ses ennuis judiciaires, car n’oublions pas qu’après son arrestation en novembre 2011, il a été condamné en 2015 à la peine de mort et à une exécution par balles, même si la milice qui le détenait à Zenten l’a libéré après six ans de détention, en application d’une loi d’amnistie promulguée par le Parlement établi dans l’Est du pays. Par ailleurs, il est poursuivi depuis juin 2011 par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes contre l’humanité », et cette épée de Damoclès est rédhibitoire, notamment pour sa candidature à la magistrature suprême. Comment compte-t-il se débarrasser de toutes ces casseroles et surmonter toutes ces entraves judiciaires, pour aller sereinement à la conquête du Saint Graal ? Question à mille milliards de dinars libyens, à laquelle seuls ses soutiens internes et externes pourraient apporter une réponse optimiste, à quelques semaines seulement de l’échéance fatidique sur laquelle comptent ceux qui ont imprudemment ouvert la boite de pandore en 2011 pour la refermer et du coup, éteindre les braises ardentes qui consument non seulement les Libyens, mais aussi leurs frères du Sahel qui en ont été les victimes collatérales.

 

Hamadou GADIAGA


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