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CENTRES D’ACCUEIL POUR ENFANTS EN DIFFICULTE : A la découverte d’un monde aux réalités éprouvantes


MAQUETTE JPZ 24/01/2012« Nous fonctionnons sur la base des dons, des moyens dont dispose l’orphelinat, des parrainages, des gestes de bonnes volontés. » Ainsi s’exprimait Constantin Ouédraogo, le 9 octobre  2015, lorsque nous nous sommes rendu à l’orphelinat « Le refuge » de Tintilou, dans la commune rurale de Tanghin-Dassouri. Comme cette structure, bien d’autres arrivent à gérer tant bien que mal le quotidien de leurs pensionnaires. Pourtant, tout le monde reconnaît le bien que font ces structures à ces enfants dits « orphelins ». Home Kisito, la Maison du cœur, SOS village d’enfants, Joscheba, etc., bref, les exemples sont légion. Des enfants en bas âge qui ont perdu, soit leurs deux parents, soit l’un d’entre eux. D’autres, que l’on pourrait appeler des orphelins d’une autre catégorie, ont purement et simplement été abandonnés par des mères qui n’étaient pas prêtes à assumer leurs responsabilités, qui n’en avaient pas les moyens ou qui, déçues par les dures réalités de la vie, ne pensaient pas avoir d’autre choix que de se débarrasser de leur progéniture ; un être sans défense ne pouvant ni parler ni marcher mais qui, pourtant, doit manger pour vivre. Fort heureusement, Dieu n’abandonne jamais ses enfants ; une porte de sortie est là, devant ces tout-petits êtres sans défense : l’orphelinat qui se présente à ces derniers comme un nouveau foyer, une nouvelle famille d’accueil, un nouveau départ pour la « vie ». A ce type d’enfants s’ajoutent aussi ceux qui sont nés d’un inceste. Ces orphelinats ont pourtant besoin de  bien  fonctionner pour le bien de leurs pensionnaires. Le fonctionnement des orphelinats, une problématique qui ne nous a pas laissée indifférente et qui a suscité cette interrogation : « Pensionnaires des orphelinats, comment mangent-ils ? »

 

Nous sommes à SOS Village d’enfants, une structure d’accueil pour enfants en difficulté. Aïcha Sya est une nouvelle pensionnaire. Cette fillette de deux ans et demi est originaire d’un village situé à une soixantaine de kilomètres de Pô. A notre passage à SOS village, le 8 octobre 2015, elle venait d’arriver, soit dans la nuit du 7 octobre 2015, accompagnée de sa mère qui restera à SOS village, le temps qu’elle s’habitue aux autres pensionnaires. Renfermée, Aïcha a l’air timide. Elle souffre d’un mal, l’albinisme, un mal malgré lequel les autres enfants l’ont acceptée. Cette petite de deux ans et demi est orpheline de père. Sa mère, Alima, est elle aussi, souvent malade. Pour subvenir aux besoins de sa fille, la soigner et se soigner elle-même, elle était obligée de parcourir la brousse à la recherche de néré (fruits d’un arbre sauvage) qu’elle revend à qui veut bien en acheter. Pour cette mère sans aide extérieure, la vie était dure, très dure, et elle a presque les larmes aux yeux quand elle en parle. « Quand trouver à manger devient une préoccupation quotidienne, vous comprendrez que ce n’est pas facile ! », nous confie-t-elle dans un mooré (NDLR : langue nationale burkinabè) que nous avons eu de la peine à comprendre. Cette situation a amené la mère de la petite Aïcha à chercher de l’aide auprès des autorités locales, notamment à la préfecture d’où on la mettra en contact avec les services de l’Action sociale qui, par la suite, proposeront l’enfant aux bons soins de SOS Village.

Tout comme Aïcha, de nombreux autres enfants, orphelins ou pas, en difficulté, abandonnés, nés d’un inceste, vulnérables, trouvent en ces structures d’accueil, une deuxième famille, une autre raison d’espérer un avenir meilleur. Ils sont donc nombreux ces enfants dits « orphelins », mais tous ne le sont pas véritablement. Ils le sont devenus d’une certaine manière par la force des choses et sont accueillis dans les Centres d’accueil pour enfants en difficultés (CAED). Des structures qui, certes, entendent bien tendre la main à ces êtres vulnérables mais qui, elles aussi, sont parfois confrontées à certaines réalités. Au nombre de ces réalités, les difficultés liées à leur fonctionnement, notamment en matière d’entretien de leurs pensionnaires car, s’occuper d’un enfant renferme bien des devoirs dont il faudra s’acquitter. Ces enfants ont besoin de manger comme tout être normal, de boire du biberon pour ceux qui sont en bas âge, et aussi de s’habiller, d’être soignés et entretenus. Et cela a un prix. Un prix qui, parfois, a du mal à être payé quand on sait que ces structures fonctionnent le plus souvent grâce à l’aide de partenaires. Et quand ces partenaires rencontrent des difficultés financières, il va sans dire que cela se ressentira dans le centre d’accueil. SOS Village, lui, a un partenaire français qui l’accompagne, en l’occurrence SOS France. Mais, depuis la crise de 2008, il connaît de véritables soucis pour prendre en charge les enfants parce que l’aide diminue de jour en jour. L’alternative trouvée : beaucoup communiquer afin de mobiliser des ressources financières, mais également solliciter des parrainage pour les enfants. Pour ce faire, des kits de parrainages sont mis à la disposition de ceux qui veulent bien parrainer, soit un enfant, soit une concession, soit le village. Pour parrainer un enfant, il vous faudra débourser 5 000 F CFA par mois ou plus, une somme fixée en tenant compte du revenu modeste des Burkinabè. Il y a également les parrains au niveau international qui viennent en aide aux pensionnaires du village, mais aussi les aides diverses de certaines bonnes volontés. Côté alimentation,  certains enfants refusent de manger parfois les plats que la mère SOS prépare. S’il arrive qu’un enfant n’aime pas tel plat préparé, la mère est obligée de lui en concocter un autre.

 

Les CAED, une autre raison d’espérer en un avenir meilleur

 

SOS Village a été créé en 1945 en Autriche, après la deuxième guerre mondiale où beaucoup d’enfants avaient perdue leurs parents et qu’il fallait prendre en charge. Son nom incarne une entité portée sur le social, environnement où les enfants vivent dans des conditions meilleures. Une structure qui prend en charge des enfants qui ont perdu la prise en charge parentale dont les orphelins (enfants qui ont perdu un des deux parents) ; parents alcooliques ou malades. Dans ce centre d’accueil, la prise en charge n’est pas seulement institutionnelle. Il existe également un système de mère SOS mis en place pour que l’enfant se sente en famille, qu’il ait des liens affectifs pour être équilibré. Pour ce faire, des femmes veuves ou divorcées sont sollicitées. Celles-ci vivent dans des constructions familiales avec, à leur charge, une dizaine d’enfants chacune. Il y a aussi des tantes SOS qui restent avec les enfants lorsque la maman SOS est de repos, et aussi des éducateurs pour une présence masculine. Chaque mère, à l’intérieur de sa concession, fait le marché et la cuisine pour ses enfants. Dans les villages SOS de Ouaga et Bobo, on dénombre environ 250 enfants. D’autres enfants sont également pris en charge dans les alentours, à travers un soutien scolaire et un soutien financier apportés à leurs mamans pour les aider à s’autonomiser. Près de 3 000 enfants reçoivent ainsi de l’aide. Le village comporte une garderie, une école primaire, un dispensaire qui sert aussi aux populations environnantes à un prix social. A partir de 14 à 15 ans, les enfants rejoignent la cellule d’encadrement des jeunes. « SOS peut recevoir un enfant de deux ans et, à sa sortie, il est déjà un jeune engagé dans la vie sociale », nous confie le chargé de communication du centre. Faire sortir l’enfant d’une difficulté, voilà le combat quotidien de SOS Village pour ces enfants qui devront un jour retourner dans la cellule familiale. Outre le soutien et le suivi scolaire, les pensionnaires sont initiés au  football, à la couture, à la pôterie, à la menuiserie, etc.  Tout ce qui concerne l’enfant dès son entrée au village est noté dans un cahier pour un meilleur suivi. Un comité est chargé de siéger pour l’admission des enfants à SOS.

Quant à l’orphelinat « Le refuge » de Tintilou, il arrive même que le lait finisse quand les visiteurs se font  rares. Et là, c’est la croix et la bannière. « Nous n’avons pas de partenaires », nous confie son premier responsable, Constantin Ouédraogo. Selon M. Ouédraogo, les gens voient en l’orphelinat une manière pour son géniteur de se faire des sous sur le dos des pauvres orphelins. Et pourtant ! « Parfois, du temps où j’étais fonctionnaire, c’est à peine si tout mon salaire ne rentrait pas dans l’achat du lait et autres consommables », explique-t-il. Constantin Ouédraogo était professeur d’anglais mais, pour avoir du temps pour mieux gérer « Le refuge », il a dû démissionner de son poste d’enseignant malgré les tentatives de son directeur de l’en dissuader. Il fallait bien qu’il s’investisse nuit et jour pour trouver des sous pour s’occuper de « ses enfants ». Constantin Ouédraogo a été lui-même orphelin dès le bas-âge et c’est Tintilou, le village de sa mère, qui l’a accueilli et adopté pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. Pour avoir donc été orphelin, il sait, mieux que quiconque, ce que signifie ce mot, d’où son choix d’aider ses semblables quand il a eu les moyens de le faire. Tout a commencé sous un arbre avec deux enfants incestueux et aujourd’hui, « Le refuge » est bien en place avec, à l’intérieur, des dortoirs, des espaces de jeux, une école sous hangar et sous des manguiers ; les salles de classe étant en construction. Là aussi, des difficultés subsistent car le sort a voulu que le principal bailleur de la structure tire sa révérence, laissant un bâtiment inachevé. Au « Refuge », l’on a donc décidé de planter utile pour amoindrir certaines dépenses. Dans la cour, il y a des arbres fruitiers un peu partout. « Quand on n’a pas suffisamment de moyens, il faut savoir trouver des astuces pour avoir à manger », nous dit le responsable des lieux. Pour également subvenir aux besoins de ses pensionnaires, un  petit espace est aménagé à l’arrière de la pouponnière où des mères volontaires cultivent, soit des arachides, soit du haricot. Tout cela entre dans la consommation du centre et réduit un tant soit peu les dépenses.

 

Quelle contribution de l’Etat ?

 

S’agissant de la Maison du cœur, elle, accueille des enfants et des jeunes de 8 à 22 ans. Pas de soucis financiers depuis une vingtaine d’années, nous a confié la gestionnaire. Les fonds proviennent des ventes de produits africains en Suisse par la fondatrice, de dons de sa famille et de ses amis. Dans la cour, on pratique l’élevage (moutons, lapins, poulets) et le jardinage, non seulement pour initier les enfants à ce type de pratiques, mais aussi pour en utiliser les produits à l’alimentation des pensionnaires. La Maison du cœur offre également des fournitures scolaires, chaque année, à de nombreux autres enfants nécessiteux du quartier, et des vivres à des veuves d’un certain âge. A la Maison du cœur, les pensionnaires sont scolarisés et ont droit à trois repas par jour. Pour ces garçons et filles d’un certain âge, les crises d’adolescence ne manquent pas, mais sont vite contenues par les encadreurs.

Quelle est la part de contribution de l’Etat dans le fonctionnement de ces structures ? Elle est quasiment inexistante. « L’Etat lui-même se cherche ! », nous diront certains. Il y a trop à faire ! Eh oui, il y a effectivement trop à faire ; trop de secteurs prioritaires que l’on doit pourtant bien satisfaire ! Et ce n’est pas la directrice des placements, des adoptions et des parrainages, Bernadette Bonkoungou/Kandolo, qui dira le contraire ! Madame Bonkoungou nous a confié que la part de l’Etat dans le fonctionnement de ces centres d’accueil n’était pas du tout suffisante. Aussi sont-ils en train de mener un plaidoyer pour que l’enveloppe soit revue à la hausse. « L’Etat nous apporte un appui technique à travers le ministère de l’Action sociale. Nous recevons aussi quelques dotations gouvernementales, mais cela n’est pas suffisant ; c’est une goutte d’eau dans la mer », nous confie le responsable de la communication de SOS Village. Il serait donc bon que l’Etat fasse plus d’efforts, de l’avis des responsables de ces centres. Bien d’autres structures, comme « Compassion International », viennent également en aide aux enfants orphelins ou en difficulté.

 

Que serait la société sans les CAED ?

 

Une catastrophe, serait-on tenté de répondre. Imaginez tous ces enfants dans la rue, à errer sans toit ni nourriture. Tous ces bébés mourraient parce qu’abandonnés ! Ce serait triste, très triste, pense Constantin Ouédraogo. Pour la directrice des placements, des adoptions et des parrainages, on n’ose même pas imaginer cette situation ! Les CAED (Centre d’accueil pour enfants en détresse), à son avis, sont nécessaires. « C’est vrai que le placement est provisoire, mais lorsque vous vous retrouvez devant un enfant qu’on a enlevé d’une fosse septique, il faut bien qu’il y ait une bonne volonté pour prendre cet enfant en charge. » Le premier centre d’accueil d’enfants en détresse date de 1931, selon la directrice des placements, qui souhaite cependant que le nombre d’enfants en détresse baisse.

 

Christine SAWADOGO

 

Bon à savoir

 

Dire « Centre d’accueil pour enfants en détresse » (CAED) au lieu de « orphelinat »

 

Le terme « orphelinat », selon la directrice des placements, des adoptions et des parrainages, Bernadette Bonkoungou/Kandolo, n’est plus utilisé à leur niveau, dans la mesure où ces structures n’accueillent pas seulement des orphelins mais plusieurs types d’enfants en détresse. Aussi faut-il éviter de stigmatiser les enfants ! L’appellation qui sied est donc Centre d’accueil pour enfant en détresse (CAED). On dit pouponnière pour les plus jeunes, mais le terme qui regroupe tout cela, c’est CAED. Dans ces centres, on trouve des enfants orphelins, des enfants incestueux, des enfants nés de mères malades mentales, des enfants abandonnés pour diverses raisons.

 

 

 

Que faut-il entendre par « enfant en détresse » ?

 

Selon la directrice des placements, des adoptions et des parrainages, Bernadette Bonkoungou/Kandolo, « un enfant en détresse est un enfant confronté à des problèmes existentiels, à des problèmes qui surviennent quelquefois dès sa naissance parce qu’il est né de parents, soit très pauvres, soit victimes de maladies chroniques, ou de parents qui connaissent des problèmes particuliers qui les amènent à jeter leur enfant. La panoplie d’enfants en difficulté dépasse le cadre de ce dont nous parlons, dira-t-elle, parce que ce ne sont pas tous les enfants en difficulté qu’on amène dans les CAED. Il y a d’autres types d’enfants en difficulté, mais si l’on s’arrête à ceux qui sont admis dans les CAED, ce sont ces types d’enfants que nous y recevons. Nous les avons regroupés en quatre catégories : il y a  les orphelins, les enfants malades mentaux, les enfants qui ont été remis pour des problèmes, parce que vous n’ignorez pas que les pesanteurs socio-culturelles sont d’une importance dans nos sociétés, si fait que des enfants issus de relations incestueuses ou adultérines sont refusés dans certaines communautés. Pour ces enfants, on signe un consentement d’adoption et vous avez trois mois devant vous au cours desquels, si vous vous rétractez, vous pouvez le récupérer mais, au-delà des trois mois, nous trouvons une famille pour cet enfant, par l’intermédiaire de l’adoption nationale ou de l’adoption internationale ».

 

 Propos recueillis par S.C.

 


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