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CIRCULATION ROUTIERE AU BURKINA : Les accidents hors agglomération plus violents


L’auteur du point de vue ci-dessous fait une analyse sur la circulation routière au Burkina Faso. Il en conclut que les accidents hors agglomération sont de loin plus violents. Lisez pour en savoir davantage !

 

Toutes les heures, 26 personnes meurent en Afrique, des suites d’un accident de la circulation. Aussi le coût économique des traumatismes engendrés est-il estimé entre 1 à 2 % du Produit national brut (PNB) dans les pays à faible revenu. Le Burkina Faso n’est pas en marge de ce phénomène. L’insécurité  routière  constitue  l’un  des   aléas majeurs  des  transports dans ce pays. Qu’il  s’agisse  des  transports  urbains  ou  interurbains,  les accidents sont fréquents. Cela occasionne beaucoup de morts et de blessés. Selon les données collectées par l’Office national de la sécurité routière, le nombre des cas d’accidents enregistrés sur l’ensemble du territoire burkinabè est passé de 1 984  à 19 473 entre 2007 et 2015. Ces accidents  ont  entraîné   16 394  blessés et 950 décès en 2015. Les accidents urbains représentent 90,70 % contre seulement 9,3% pour les accidents interurbains (hors agglomération). Cependant, les taux de décès et de blessés pendant les accidents étaient respectivement de 24,69% et 129,49% en zone hors agglomération contre 2,84% et 79, 53% pour les villes. Ainsi, cette analyse a pour but d’appréhender cette spécificité des accidents  sur les axes interurbains au Burkina Faso.

 

Des taux élevés de morts et de blessés

 

Comme nous l’avons évoqué précédemment, au Burkina Faso, on enregistre plus d’accidents dans les agglomérations qu’ailleurs. Par contre, les taux de décès et de blessés sont nettement plus importants dans les zones hors agglomération. Le graphique ci-dessous présente  l’évolution des taux de blessés durant les cinq dernières années.

 

Quoique les chiffres du graphique ci-dessus montrent que le taux  de  blessés est légèrement en baisse durant les cinq dernières années, on constate  une certaine  récurrence des problèmes liés à l’insécurité routière. Ce taux de  blessés en milieu interurbain avoisine le double de celui du milieu urbain. Ce qui signifie que les accidents sont plus violents hors agglomération qu’en agglomération.

 

Par ailleurs, l’écart du taux de décès dans les accidents de circulation entre les deux milieux est plus important que le taux de blessés.  Il a été au moins cinq fois plus important dans le milieu interurbain, comme l’indique le graphique suivant.

 

Cette importance des taux de décès en milieu interurbain s’explique, d’une part, par les comportements humains (excès de vitesse, imprudence, conduite en état de fatigue, etc.) et, d’autre part, par le fait que les autocars font beaucoup de victimes par accident en milieu interurbain : les accidents d’autobus engendrent plus de 25 % des décès de la route. Contrairement au milieu urbain où les engins à deux roues sont les plus impliqués dans les accidents, en milieu interurbain, il s’agit d’engins à quatre roues.

 

Une prédominance des automobiles  dans les accidents de circulation interurbains

 

Les 4 roues sont les plus impliquées  dans les accidents interurbains sur toute l’étendue du territoire burkinabè, contrairement aux accidents urbains où les 2 roues sont  impliquées  à plus de 80 %. Les accidents  de types 4 roues-2 roues,  4 roues (seules) et  4 roues-4 roues ont respectivement des parts de 25%, 21,7% et 17,4%, soit au total 64, 10 %. Aussi ces accidents sont-ils plus violents en termes de morts et de blessées comme nous l’avons précédemment évoqué. Cela s’explique par le fait que sur les axes bitumés, les véhicules sont très souvent en vitesse excessive. Nombreux sont les conducteurs qui ne ralentissent pas à l’entrée des agglomérations. Il faut également remarquer le stationnement gênant de véhicules en panne au bord des routes sans aucune pré-signalisation, provoquant ainsi de nombreux accidents mortels qui surviennent de nuit. A tout ce que l’on a évoqué précédemment, s’ajoutent les traversées inattendues d’animaux, etc.

 

Les  accidents qui impliquent 2 roues-4 roues, 2 roues-2 roues et 2 roues (seules) viennent en deuxième ordre d’importance dans les accidents de circulation hors agglomération, avec respectivement des proportions de 25 %,  21,7 % et 6,3 %. On peut déduire que les engins à 2 roues sont impliqués dans les accidents interurbains à hauteur de 53%. Cela s’explique par l’importance des engins à 2 roues circulant en excès de vitesse[1]  au milieu des autres véhicules à 4 roues dans la circulation. 

 

Les routes nationales sont les plus accidentogènes

 

D’après les statistiques de la gendarmerie nationale,  85, 40% des accidents interurbains interviennent sur les routes nationales, contre seulement 8,24% et 6,36 % pour les pistes rurales et les routes départementales. Les routes nationales les plus accidentogènes sont présentées dans la carte suivante.

 

L’ampleur des accidents sur les routes interurbaines en 2015

 

De l’observation du graphique ci-dessus, il ressort que l’axe Ouagadougou-Bobo-Dioulasso est le plus accidentogène avec 19 % des accidents interurbains enregistrés. Viennent ensuite les axes Ouagadougou-Fada N’Gourma et Ouagadougou-Kaya-Dori qui enregistrent chacun entre 8 % et 10 % des accidents interurbains. 

Ainsi, les accidents sur le réseau routier  interurbain sont très concentrés dans les alentours de Ouagadougou, soit dans un rayon de 100 km de la capitale. Les sites dangereux sont surtout localisés aux approches des villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Cette forte prédominance des accidents interurbains dans les environs de la capitale s’explique par l’attraction qu’elle exerce sur les autres localités. En d’autres termes, les flux vers la capitale sont plus importants que vers les autres villes.

Une autre faiblesse des infrastructures routières est l’insuffisance de la signalisation.

 

Des routes et signalisations défectueuses

 

Les routes sont souvent remplies de trous ou « nids de poule » qui augmentent ainsi le risque de perte de contrôle. La combinaison de ce facteur avec la surcharge et l’excès de vitesse  entraînent un risque d’accident très élevé. Les routes sont souvent trop étroites (de 5,5 mètres à 7 mètres), ce qui occasionne plusieurs conflits entre les véhicules qui roulent à grande vitesse (voitures particulières, camions et autocars) et les autres usagers  (piétons, 2 roues, charrettes, etc.). Aussi,  à plusieurs endroits, les autocars et les véhicules poids lourds doivent-ils rouler sur l’accotement fait en terre battue lorsqu’ils se croisent. Pourtant, le rebord des chaussées bitumées est souvent en dents de scie et les accotements sont à une hauteur de 10 cm plus bas que la chaussée.

 

Entre autres, on retrouve une signalisation routière qui est très insuffisante. Elle n’est pas conforme ou bien elle est complètement absente. Sauf sur quelques routes comme la RN[2] 3, il n’y a pas de  ligne centrale qui divise le sens de la circulation sur les routes bitumées. Alors, ce manque de signalisation fait en sorte que les automobilistes roulent au milieu de la route et se déplacent sur la droite seulement quand deux véhicules se croisent. Plusieurs courbes et intersections ne sont  pas annoncées adéquatement (ou pas du tout) par des panneaux de signalisation avancés. Plusieurs courbes horizontales n’ont pas de zone d’interdiction de dépassement (marquage et panneaux) où il est  évident que les dépassements sont très dangereux. Par ailleurs,  tout au long des routes du Burkina Faso, il existe des points d’engorgement que l’on retrouve à l’entrée des  villes et  de nombreux villages.  Ces points d’engorgement sont constitués de comptoirs disposés de part et d’autre de la route, généralement trop près de la chaussée, de véhicules stationnés sur la chaussée, partiellement sur la chaussée ou sur un accotement. On y rencontre également une concentration de piétons dont plusieurs sont des marchands ambulants qui circulent entre les véhicules et au travers de la chaussée. Toujours  à ces points, il y a  une concentration de cyclomoteurs,  de charrettes tirées par des ânes,  ou de brouettes poussées par des individus. L’effet conjugué de tous ces éléments augmente le risque d’accidents de la circulation sur les routes du Burkina Faso.

 

L’incivisme : principale cause des accidents

 

Il existe essentiellement trois facteurs provocateurs des accidents de la circulation routière au Burkina Faso.

D’après le graphique ci-dessus, les facteurs humains sont à la base des accidents de circulation interurbaine à hauteur de 83, 40%. Les usagers de la route au Burkina Faso manifestent beaucoup d’incivisme, en l’occurrence l’excès de vitesse, l’imprudence et le non-respect des règles de la circulation. Cette situation interpelle les autorités en charge de la sécurité routière, car aussi longtemps que les hommes se comporteront mal sur les routes, aucune autre solution ne pourra réduire le nombre d’accidents. Ensuite, l’état technique des véhicules contribue à 10, 70 % à causer les accidents. Il s’agit surtout des défaillances au niveau du freinage et des crevaisons. Cela traduit la vétusté du parc comme nous l’avons mentionné précédemment. En plus des facteurs humain et technique, il y a aussi l’état défectueux des routes, les insuffisances de signalisation et de visibilité qui concourent à 4,60 % à provoquer les accidents. Enfin, il faut signaler d’autres facteurs tels que la divagation des animaux, les incendies, etc. (1, 30 %) qui provoquent les accidents. Concernant les véhicules en cause, on note la forte implication des engins à deux roues.

 

Conclusion

 

Au Burkina Faso, les statistiques ont montré que trois facteurs essentiels sont à la base des accidents de la circulation. Il s’agit des comportements inciviques des humains, du mauvais état technique des véhicules et des insuffisances de l’infrastructure routière. S’il est certes important de poursuivre les recherches sur la sécurité routière en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier pour développer des mesures de prévention qui lui soient propres, il est incontestable que le cœur du problème est davantage lié à leur mise en œuvre plutôt qu’à la recherche pour une meilleure adaptation.  L’application effective des lois relatives à la sécurité routière peut améliorer le comportement des usagers de la route et réduire le nombre d’accidents de la circulation, de traumatismes et de décès. C’est particulièrement le cas des lois visant les cinq facteurs de risques principaux en matière de sécurité routière : la réduction de la vitesse, la lutte contre la conduite en état d’ivresse, ainsi que l’utilisation de casques pour les motocyclistes (et en améliorer la qualité), de ceintures de sécurité et de dispositifs de retenue pour les enfants. Par conséquent, il est nécessaire de prendre des mesures assez  dissuasives contre les usagers indisciplinés afin de faire respecter les dispositifs de sécurité. Ensuite, nous pensons qu’il faut mettre l’accent sur la sensibilisation en introduisant le code de la route dans les enseignements scolaires et lutter contre la divagation des animaux. 

 

Enfin, les responsables politiques doivent  rendre les véhicules et les routes plus sûrs afin de parvenir à un réseau de transport durable. L’infrastructure routière a tendance à mettre  l’accent sur la mobilité et l’efficience économique aux dépens de la sécurité, en particulier de la sécurité des usagers de la route à deux roues et des piétons. Au Burkina Faso, la composition du trafic fait que les engins à deux partagent la route avec les véhicules qui roulent à grande vitesse, ce qui les exposent à des situations dangereuses. Des changements sont nécessaires afin d’optimiser la circulation des personnes et des marchandises, tout en gardant à l’esprit la sécurité routière, en tenant compte de la composition des usagers de la route et de leur sécurité.

 

Bibliographie

 

BONNET E. et al., 2015 : Comment réduire les accidents de la route et les traumatismes à Ouagadougou ?, http://www.equitesante.org, 4p.

 

Ministère des Transports, 2008 : Document politique national de sécurité routière, Burkina Faso

 

MORIN D., THOMAS I., VANDERSMISSEN M.-H., 1996 Mortalité et morbidité dues aux accidents de la route. Essai de comparaison Belgique-Québec. In: Population, 51ᵉ année, n°1,  pp. 196-206, http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1996_num_51_1_6122

 

OMS, 2004 : Rapport mondial sur la prévention des traumatismes dûs aux accidents de la circulation, résumé, 76 p.

 

OMS, 2015: Rapport de situation  sur la sécurité routière dans le monde, résumé, 16 p.

 

SIGUE O., 2015 : Le transport international de marchandises au Burkina Faso : enjeux et perspectives, thèse de doctorat unique en Géographie, Ecole Doctorale Lettres et Sciences Humaines, Université de Ouagadougou, 338 p.

[1] Les engins à 2 roues sont des cyclomoteurs importés roulant entre 80 et 140 km/heure, occasionnant ainsi la circulation à vive allure.

[2] RN signifie Route nationale


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