HomeA la uneCLASSEMENT DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL : La corruption, l’autre Ebola de l’Afrique

CLASSEMENT DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL : La corruption, l’autre Ebola de l’Afrique


Transparency international vient de livrer son classement 2014 des pays, en fonction du niveau de corruption qui y règne. En rappel, cette organisation non-gouvernementale allemande établit un classement annuel des pays sur une échelle qui va de 0 pour les plus corrompus à 100 pour les plus intègres. Plus de deux tiers des 175 pays pris en compte dans le classement 2014, ont une note inférieure à 50, c’est-à-dire que le niveau de corruption est plus ou moins élevé dans ces pays. Le Danemark est le pays le plus vertueux avec une note de 92 sur 100. A l’opposé, la Corée du Nord et la Somalie partagent la dernière note des pays où règnent les pots-de-vin avec un éloquent 8/100. Mis à part quelques pays comme le Lesotho, le Rwanda et la Namibie qui tirent quelque peu leur épingle du jeu, l’Afrique, de façon globale, fait pâle figure dans ce classement.

La corruption, faut-il le souligner, est un mal aussi vieux que le monde. C’est pourquoi il faut beaucoup de volonté si on veut en venir à bout. C’est un vilain défaut dont la traque ne doit souffrir d’aucune réserve de la part des gouvernants. Malheureusement, bien des exécutifs africains se livrent à cœur joie à ce qui peut être considéré comme un encouragement, une promotion de ce fléau. En effet, dans de nombreux pays africains, la corruption est érigée en système de gouvernance. Les marchés publics sont régentés par les dirigeants à travers des manœuvres des plus ignominieuses. A titre illustratif, des marchés publics de gré à gré sont conclus au bénéfice de proches des autorités au grand mépris des textes juridiques en la matière, des contrats miniers sont signés au gré des intérêts des princes du moment et généralement en défaveur des populations, les systèmes judiciaires eux-mêmes sont gangrénés par la pratique des dessous-de-table, les consultations électorales sont l’occasion de sordides achats de consciences.

La corruption est pour beaucoup dans les malheurs de l’Afrique

Tout cela mine sérieusement le développement de bien des pays. Sinon, comment comprendre que des Etats comme la République démocratique du Congo (RDC) et dans une certaine mesure, le Nigeria, végètent dans le sous-développement alors qu’ils regorgent de ressources et de potentialités énormes ? Comment peut-on comprendre que la RDC,  considérée comme un scandale géologique, soit incapable d’organiser par elle-même l’acte le plus élémentaire de sa souveraineté qu’est le scrutin électoral et en soit réduit à mendier les ressources financières à cet effet auprès de petits pays en termes de ressources naturelles ? Dans de nombreux pays, la gouvernance a tissé un nid des plus douillets pour la corruption qui ne s’est pas fait prier pour y pondre des œufs avec tout ce que cela représente comme catastrophe pour les populations. Au contraire de ces pays, d’autres ont su se construire dans un climat vertueux. Leur intégrité leur a permis de transcender les difficultés liées à leur pauvreté en ressources naturelles. C’est par exemple le cas de l’Ile Maurice, moins nantie par la nature, mais avec un niveau de développement à faire pâlir de jalousie sa voisine Madagascar, pourtant naturellement plus riche.

En tout cas, la corruption est pour beaucoup dans les malheurs de l’Afrique. Elle est l’autre Ebola auquel l’Afrique est confrontée depuis belle lurette. En effet, du fait de la grande corruption surtout, les Etats perdent des ressources insoupçonnées. Pourtant, ces ressources auraient pu permettre aux mêmes Etats, de faire face à des défis de taille comme la lutte contre le paludisme qui continue de faire des ravages sur le continent noir, de bien prendre en charge l’éducation qui est un élément indispensable au décollage d’un pays. Et cette corruption prend de l’ampleur quand l’environnement lui est favorable.

Sous Blaise Compaoré, les accusations et autres soupçons de corruption n’ont jamais ou presque connu d’élucidation

C’est le cas dans tous les pays où le règne à vie a pignon sur rue. En effet, quand les gouvernants s’éternisent au pouvoir, ils en viennent à confondre les ressources publiques à leurs ressources personnelles. Ils acquièrent la conviction que toutes les ressources du pays peuvent être gérées selon leur bon vouloir, qu’il faut corrompre, encourager la corruption ou, au mieux, ne rien faire qui puisse gêner les corrompus et les corrupteurs. Pour ces dirigeants, la corruption est une règle à observer pour régner en paix, pour garantir la défense de leur régime par des partisans, véritables rapaces de la république. Pour se donner bonne conscience et jeter de la poudre aux yeux de l’opinion, ces princes saisissent de temps à autre quelques alevins à qui ils font rendre gorge.

Le pays des Hommes intègres fait, hélas, jusque-là, partie de ces exemples dont l’Afrique ne peut pas s’enorgueillir. Sous Blaise Compaoré, les accusations et autres soupçons de corruption dans les marchés publics et bien d’autres domaines, n’ont jamais ou presque connu d’élucidation. Pire, des individus perçus comme auteurs de telles pratiques répréhensibles bénéficiaient de promotion, se pavanaient et narguaient les populations. Les structures ou corps de l’Etat naguère perçus comme trônant au hit parade de la corruption, n’étaient nullement inquiétées. Ce fléau ne gênait visiblement pas le régime Compaoré, sous lequel il a prospéré allègrement. La récente saisie-record de 77 kg d’or par les douanes burkinabè, marque peut-être une certaine rupture quand on connait le rang que les douanes burkinabè occupent depuis des lustres dans les classements annuels du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Si des individus ont osé se présenter avec une telle quantité d’or non-déclarée à l’aéroport international de Ouagadougou, c’est qu’ils avaient certaines assurances et non des moindres. Ils n’en sont peut-être pas à leur premier coup et ils avaient la certitude de pouvoir passer entre les mailles du filet. Peut-être bénéficiaient-ils de complicités de par le passé ? La suite des enquêtes nous éclairera davantage probablement. Mais, bien des Burkinabè  estiment à juste titre que cette saisie d’or n’aurait jamais eu lieu si le régime Compaoré était encore en place. C’est dire à quel point le rang de 85e sur 175 pays et la note de 38/100, la même depuis 2012, du pays des Hommes intègres dans ce classement 2014, n’étonnent pas du tout les Burkinabè, conscients que leur pays a du chemin à faire. Certes, le Burkina est plus vertueux que certains de ses voisins, mais on ne s’améliore qu’en prenant exemple sur les meilleurs et c’est, entre autres, à cela que les dirigeants actuels et futurs du Faso devront s’atteler.

« Le Pays »

 


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