HomeRencontreCOLONEL-MAJOR ZERBO DIBANA SECRETAIRE PERMANENT DE LA HACIAU : « Nous avons reçu la mission de recenser toutes les armes de guerre en dépôt au Burkina »

COLONEL-MAJOR ZERBO DIBANA SECRETAIRE PERMANENT DE LA HACIAU : « Nous avons reçu la mission de recenser toutes les armes de guerre en dépôt au Burkina »


Lui, c’est le Colonel-major Zerbo Dibana. Il est le  Secrétaire permanent (SP) de la Haute autorité de contrôle des importations d’armes et de leur utilisation (HACIAU). Militaire de carrière, ancien Commandant adjoint au groupement central des armées, il est un ancien Directeur central du matériel des Forces armées nationales.  Le Colonel-major Zerbo Dibana occupe le poste de SP de la HACIAU depuis le 28 mai 2013. Nous sommes allés le rencontrer et voilà ce qu’il nous a dit !

 

 

Le Pays : Pouvez-vous nous présenter les missions de votre structure ?

 

Colonel-major Zerbo Dibana : La Haute autorité de contrôle des importations d’armes et de leur utilisation (HACIAU) a compétence pour contrôler tout transfert au Burkina Faso. Par transfert, cela s’entend par  l’importation, l’exportation, le transit, le transbordement et le transport ou tout autre mouvement d’armes, quel qu’il soit, à partir du ou à travers le territoire national. Que ce soit des armes lourdes, des armes légères, nous avons compétence pour contrôler. A ce titre, nous participons à l’élaboration d’un Certificat de destination finale (CDF) et cela peut être comme une de nos principales missions. Car, nous devons autoriser  l’entrée des armes au Burkina Faso. Nous participons à la lutte contre le trafic illicite des armes. C’est-à-dire que quand on donne l’autorisation à quelqu’un d’importer des armes, nous devons chercher à savoir ce qu’il fait des armes et le contrôle de l’utilisation des armes. Nous devons pouvoir contrôler tout le monde, aussi bien les militaires que les civils. Une autre de nos missions est que nous exploitions toutes les informations dans le domaine des armes. A ce titre, nous avons un numéro vert (80 00 12 00) et toute information reçue permet de déclencher une enquête soit à travers une note de service de prévention des trafics illicites, soit à travers les Forces de défense ou de sécurité. Nous faisons également l’inventaire de toutes les armes qui sont en dépôt  au Burkina Faso. Ce n’est pas une mission assez facile, étant donné que nous agissons sur toute l’étendue du territoire et compte tenu d’un certain nombre de facteurs, notamment notre effectif (ce sont les mêmes qui font le contrôle, qui font les inventaires).

 

 Quel est le rôle de votre structure quand il s’agit de commander des armes pour les Forces armées nationales ?

 

Je disais qu’une de nos missions était d’établir le Certificat de destination finale qui est un document émanant de la délégation de signature donnée aux ministres en charge de la Défense, de la sécurité et du Secrétariat permanent de la HACIAU au nom du président de la HACIAU. Dans le domaine des armes, c’est extrêmement délicat et le Burkina Faso a mis en place une procédure dans ce cadre. Au Burkina Faso, le  président du Faso, le premier responsable de la sécurité  du pays, est le seul à  autoriser l’importation des armes. Compte tenu de ses charges, le président a confié cette mission à deux ministres : le ministre de la Défense pour tout ce qui est des armes de guerre, et le ministre de la Sécurité pour ce qui est des armes civiles, et au Premier ministre dans le cadre du contrôle. Pour commander aujourd’hui une arme au Burkina Faso, vous passez, soit par le ministre de la Défense, soit par le ministre de la Sécurité. Ces deux ministres doivent demander au Premier ministre de leur établir le Certificat de destination finale, dès qu’il donne l’autorisation d’importer  à un fournisseur ou à un importateur. A ce titre, le Secrétariat permanent de la Haute autorité étant le représentant du Président de la HACIAU, il signe le certificat en même temps que le ministre de la Défense et le ministre de la Sécurité selon la délégation de signature du Président du Faso. C’est pourquoi nous considérons que tout document qui n’émane pas de ces trois autorités, est faux.

 

Dans quelles conditions les civils peuvent-ils importer des armes ?

 

Nous avons un décret qui gère et fixe les conditions d’importation d’armes dans le cadre des armes civiles. Vous savez que nous avons des activités économiques concernant par exemple la chasse et dans le cadre de la protection individuelle du citoyen. Il faut donc des fusils de chasse et armes de poing autorisées par le ministre en charge de la Sécurité. Le ministre, dans ce cas, donne l’autorisation d’importer et dès que l’autorisation d’importer est accordée, il demande au Premier ministre le Certificat de destination finale (CDF). L’accord du CDF donne l’autorisation d’entrée de ces armes au Burkina Faso.

 

Comment vérifier que les armes entrent au Burkina Faso suite à la délivrance du CDF?

 

Nous avons fait, pour cela, du CDF, le premier document de dédouanement parce que nous disons que si vous obtenez un CDF, c’est comme si le président du Faso vous a autorisé à faire entrer les armes au Faso. Dans ce cadre, voilà comment circule le CDF : il est établi à notre niveau ; nous l’envoyons au demandeur du CDF et une fois qu’il est signé par le ministre en question, il nous renvoie une copie que nous enregistrons ; nous envoyons une copie à la Douane et une copie au demandeur qui remet au fournisseur avec qui il a passé le marché ou l’importateur qui a eu l’autorisation d’importer. C’est avec ce document que l’importation se fait ainsi que  le dédouanement avec d’autres documents demandés pour toute importation.  Donc, le CDF permet de vérifier si les armes qui entrent sont conformes à ce qui est demandé à la HACIAU. Dans le cadre du contrôle, la HACIAU peut faire des états de rapprochement entre les états d’entrée dans les registres de l’importateur ou du bénéficiaire du CDF dans le cadre des importations des  forces de défense et de sécurité.

 

Dans un dernier communiqué, vous parlez de détention d’armes illégales. Quelle est l’ampleur du phénomène ?

 

Dans ce  domaine, je ne peux pas vous donner de chiffres. Nous savons que le phénomène existe. Maintenant, notre problème, c’est comment faire pour évaluer la situation. Ça, c’est un problème parce que nous avons beaucoup de conflits dans la sous-région. Nous avons eu quelques problèmes au niveau du Burkina. Nous savons donc qu’il y a une prolifération due à certains facteurs, mais nous ne pouvons pas avancer de chiffres. Le conflit libyen a fait et permis, par exemple, de  proliférer les armes dans beaucoup de pays de la sous-région.

 

Voulez-vous dire que vous ne maîtrisez que la situation des importations légales ?

 

L’importation légale est notre domaine. Maintenant, nous devons lutter contre le trafic illicite. Quand vous donnez l’autorisation à quelqu’un d’importer une arme, vous devez arriver à savoir ce qu’il en fait. C’est le rôle du contrôle. Si je vous donne l’autorisation d’importer trois cailloux et je viens trouver un caillou, vous devez expliquer ce que vous avez fait du reste. Si nous contrôlons et décelons quelque chose d’illégal, nous rendons compte au Président de la HACIAU avec des propositions de mesures à prendre.

 

Que dit le Traité sur le commerce des armes (TCA) en termes de transfert des armes ?

 

Dans le commerce des armes, des gens se sont rendu compte qu’il y a des transferts illégaux d’armes. Les acteurs ont voulu réguler cela en imposant un minimum de règles d’entente entre les pays. Vous savez que nous ne sommes pas des pays de fabrication ou producteurs d’armes. Nous en importons pour nos besoins de sécurité et pour accomplir certaines activités économiques. Dans notre sous-région, il est interdit d’importer les armes légères et pour en importer dans notre espace communautaire,  des conditions ont été fixées. Pour importer des armes dans l’espace CEDEAO, il te faut avoir l’autorisation de la CEDEAO. En plus de cela, le Burkina Faso s’est  imposé deux documents, à savoir le certificat de destination finale et le Certificat d’utilisation finale (CUF) à la demande du fournisseur. Cela pour dire que le Premier magistrat a autorisé l’entrée  des armes importées. C’est pour réguler tout cela que les acteurs se sont réunis pour règlementer le commerce des armes parce qu’on se rend compte que les armes qui sont transférées, causent beaucoup de dégâts. Quand il y a des conflits, c’est à base d’armes. Donc, il faut contrôler leurs flux. Il est demandé à chaque pays, aujourd’hui, de « domestiquer » les règles de transfert d’armes. Nous pensons qu’au Burkina Faso, nous sommes en avance car nous avons déjà une structure avec des documents et des procédures qui sont mises en place pour la mise en œuvre  du TCA.

 

Qu’est-ce que vous entendez par « domestiquer » ?

 

« Domestiquer », c’est transférer le TCA dans  nos lois au plan législatif.

 

Le TCA a– t- il des failles qu’il faille corriger ?

 

Le TCA vient tout juste de naître. Il faut attendre son application pour pouvoir tirer des leçons.

 

Pourquoi préconiser de nouvelles sanctions dans le domaine du transfert des armes ?

 

Dans le transfert des armes, il y a beaucoup de nouvelles infractions qui sont apparues dans le TCA. Quand vous faites un trafic illicite d’armes, dans notre législation d’avant, cela n’existait pas. Quand vous prenez le transit, par exemple pour les armes qui quittent le Togo en passant par  le Burkina pour aller au Niger, il doit y avoir une autorisation. Cela n’existait pas dans notre législation. Il faut qu’on donne l’autorisation de transit ; sinon, c’est illégal. Nous sommes amenés à prendre en compte toutes ces infractions contenues dans le TCA dans nos textes, à l’interne. Quand on prend notre Code pénal, on n’a que quatre articles qui traitent du sujet. Dans la nouvelle législation, il faut faire la  distinction entre les armes de guerre qui causent beaucoup  plus de problèmes et les armes civiles. Dans le Code pénal actuel, tout est confondu. Nous sommes en train de travailler pour que tous ces éléments soient pris en compte.

 

De quels moyens se sont dotés les Etats pour le respect du TCA, étant  donné  que dans les situations de conflits, un pays  peut servir de canal de trafic d’armes pour son voisin ?

 

Le TCA est le premier document international qui a été signé et qui est entré en vigueur  rapidement, en l’espace d’une année. On demandait la signature de 50 Etats pour que le traité entre en vigueur. Et en  l’espace d’une année, on était à 62 pays. Beaucoup d’ONG de défense des droits humains et des droits de l’Homme, soutiennent également ce traité et se donnent en quelque sorte un rôle de veille. En termes de sanctions pour les mauvais élèves, on peut parler des embargos sur les produits armements  que l’on exporte et interdire qu’on puisse les importer. Dans ces conditions, personne n’osera violer les règles car la violation comporte des conséquences fâcheuses pour les fautifs.

 

Est-ce que dans les cas où un pays comme les USA ou la France déciderait de donner des armes au Burkina Faso,  la HACIAU est consultée ?

 

Dans le décret de création de la HACIAU, il est mentionné, toutes les catégories d’armes, y compris les munitions et autres matériels connexes susceptibles d’être acquis par le Burkina Faso ou offerts par un Etat tiers ou un groupe d’Etats tiers. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on ne peut pas offrir des armes au Burkina sans que la HACIAU ne soit informée. De même, les signataires du CDF sont le ministre de la Défense ou en charge de la Sécurité, également membres de la  Haute autorité.

 

Dans un récent communiqué, la HACIAU a recommandé l’établissement d’une liste nationale  de contrôle des produits spécifiques, notamment les armes et autres  produits à usage civil et militaire. Qu’est-ce que cela veut dire ?

 

 

La liste nationale de contrôle est une exigence du TCA sur le commerce des armes. Nous sommes obligés de faire  cette liste de contrôle. Ce document servira au SP/ HACIAU comme document de référence, lors des contrôles, comme le ferait la Cour des comptes. En effet,  je compare souvent la HACIAU à la Cour des comptes, mais  dans le domaine des armes, nous devons pouvoir tout contrôler en la matière. Nous sommes sur la question et une commission y travaille.

 

C’est quoi exactement cette liste ?

 

C’est le champ d’application du TCA. Tout ce que nous avons comme armes, doit être consigné dans la liste nationale allant des blindés, des avions, aux armes légères.

 

N’y a-t-il pas de risques que des secrets militaires ou des informations stratégiques, soient violés ?

 

Il ne s’agit pas de faire la liste des armes avec les quantités que nous avons au Burkina. Il s’agit de lister les armes qui sont susceptibles d’être contrôlées. Par exemple, dans la liste contrôle, nous n’allons pas mettre des bateaux de guerre car nous n’en avons pas. Le registre des armes que nous avons sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire, ne peut être communiqué que sur instruction du Président de la Haute autorité qui est aussi le chef du Gouvernement.

 

Est-ce que le président de la HACIAU a les mains libres pour travailler ?

 

Vous devriez poser cette question au président de la HACIAU.

 

Est-ce que le SP jouit d’une indépendance d’action ?

 

Je fais ce que le président de la HACIAU m’ordonne de faire. Je suis militaire et j’obéis aux instructions de mon président, selon les missions qui me sont dévolues dans les textes de la HACIAU et les intérêts de mon pays.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans vos missions ?

 

Dans toute structure étatique, il y a toujours des difficultés. Mais comme on le dit, notre spécificité est telle que nous aurions aimé avoir beaucoup plus de moyens humains et matériels pour remplir nos missions de contrôle. Pour le moment, nous sommes en train de réunir progressivement ces moyens. Dans tous les cas, nous faisons avec  ce que l’Etat nous donne et nous pensons qu’avec le temps,  nous allons grandir et que les choses vont aller de l’avant. Mais je peux souligner que nous avons soumis un certain nombre de problèmes à qui de droit et nous pensons qu’ils vont être réglés.

 

Comment arrivez-vous à faire un maillage du territoire national dans vos missions de contrôle ?

 

Justement, nous avons un certain nombre de propositions soumises à l’autorité et nous attendons des décisions. Nous avons notre stratégie de travail et c’est aux autorités de la HACIAU de les entériner.

 

Quels sont les liens entre votre structure et la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères ?

 

Nous collaborons bien. Nous avons un cadre de concertation qui regroupe tous ceux qui sont concernés, sur la problématique des armes et on fait le point de la situation tous les trois mois.

 

Quel peut être le rôle des citoyens dans vos activités ?

 

Nous avons notre numéro vert et les citoyens peuvent nous contacter pour tout cas suspect d’armes. Nous demandons à la population de nous aider à lutter contre le trafic d’armes car l’insécurité est le problème de tout le monde.

 

Y a-t-il un lien entre le terrorisme et le trafic d’armes en Afrique de l’Ouest ?

 

Nous pensons que oui, car le terrorisme a besoin d’armes et d’autres matériels, comme les explosifs, pour mener ses actions. Avec le boom minier dans notre pays, nous devons avoir un autre regard sur les explosifs civils utilisés dans cette activité.

 

Avez-vous un regard sur les fabricants locaux d’armes ?

 

Nous avons un regard sur les fabricants locaux d’armes à travers le ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure. C’est le ministre de ce département qui a reçu l’autorisation de s’occuper des armes civiles fabriquées par les artisans qui doivent être recensés dans le cadre de leurs activités.

 

Le Burkina Faso peut-il dire aujourd’hui qu’il maîtrise la situation de son « parc » d’armes légalement importées ?

 

Nous avons reçu la mission de recenser toutes les armes de guerre en dépôt au Burkina Faso. Le travail a commencé et se poursuit. Le registre des armes civiles sont du domaine du ministère en charge de la Sécurité. Avec le TCA, nous allons prendre en compte ce registre au niveau de la HACIAU avec l’élaboration d’un logiciel adapté à la gestion de l’environnement du TCA.

 

 

Propos recueillis par Michel NANA en partenariat avec Afronline (Italie)


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