HomeOmbre et lumièreCommissions électorales africaines : Œuvrer davantage pour la promotion de la démocratie

Commissions électorales africaines : Œuvrer davantage pour la promotion de la démocratie


C’est un truisme de dire que la qualité d’une démocratie se mesure essentiellement à l’aune de la manière dont les élections sont organisées. En Afrique, les organisations des scrutins ont connu deux grands moments dans leur pilotage. Il y a eu d’abord l’époque où celles-ci étaient organisées par les ministères chargés de l’Administration du territoire. Les services déconcentrés de ces ministères, pilotés par des préfets, des sous-préfets et autres gouverneurs, de ce fait, avaient reçu mandat de leur hiérarchie d’organiser les élections dans leurs circonscriptions administratives. Ces fonctionnaires de l’Etat dont la plupart doivent leurs postes aux princes qui nous gouvernent, ont alors mis les petits plats dans les grands pour jouer leur rôle à l’effet de plaire à leurs bienfaiteurs. Dès lors, on a assisté dans bien des pays à de vastes comédies qui, malheureusement, choquaient peu de personnes à l’époque. Invariablement, les urnes accouchaient de résultats dont le ridicule le disputait à la bouffonnerie. Pour les pouvoirs qui régentaient l’Afrique à l’époque et qui organisaient ces élections, le fait de ne pas franchir la barre des 90% des suffrages exprimés, était perçu comme une humiliation. Tous les moyens étaient donc mis en œuvre par les responsables administratifs, pour « arranger » les chiffres afin de ne pas effaroucher « Le grand chef ». Le sommet de la Baule et les fortes aspirations démocratiques des peuples ont favorisé l’avènement des Commissions électorales nationales indépendantes (CENI) et autres Commissions électorales nationales autonomes (CENA), censées organiser des élections propres. Si certaines de ces structures qui ont poussé partout sous nos tropiques comme des champignons, se sont illustrées positivement en organisant des élections transparentes, comme ce fut le cas au Bénin, au Ghana, au Sénégal, au Mali et au Niger, force est de reconnaître que d’autres se sont rendu coupables de parodies d’élections dans leur pays, organisées de manière calamiteuse. Dans bien des pays, en effet, ces structures ont failli. Il en est résulté des contestations légitimes des résultats par les partis politiques de l’opposition et les Organisations de la société civile. Ceux-ci reprochent, à juste titre, aux « CENI », de rouler pour le pouvoir en organisant des élections biaisées.

L’enjeu est la stabilité de nos Etats

Et ces biais s’observent aisément en amont, pendant et après le scrutin. En amont, ce sont des fichiers électoraux infestés de doublons, le choix partisan et suspect des membres des bureaux de vote et la mauvaise cartographie électorale. Pendant les élections, l’on assiste parfois à des situations où c’est le président du bureau de vote qui oriente les électeurs, surtout ceux des zones rurales, dans leur choix électoral. En aval, l’on se livre à des opérations de bricolage et de manipulation des résultats des urnes consignés dans les procès-verbaux. L’on a même été témoin dans un pays africain, le Togo pour ne pas le nommer, d’une scène cocasse où des hommes en tenue se sont emparés des urnes pour aller les bourrer à l’abri des regards. C’était à l’époque de Gnassingbé Père. Toutes ces pratiques nauséeuses avaient fini par faire des pays où elles avaient cours, la risée des Occidentaux. L’on peut même dire qu’ils s’en délectaientt. Car, pour certains d’entre eux, on ne pouvait pas mieux attendre de ces Noirs pour lesquels, ils estiment que la démocratie est un luxe. Et lorsque l’on fait le rapport entre ces mascarades et les énormes budgets qui leur sont consacrés, on ne peut que davantage se révolter et se poser la question suivante : « A quoi servent finalement les élections en Afrique, si elles doivent être organisées dans ces conditions ? » A rien, sinon qu’à donner du vernis démocratique à des régimes dictatoriaux. Et ce sont justement dans certains cas, les « CENI » et autres « CENA », qui, par abus de langage et par usurpation, affichent ostentatoirement l’adjectif « indépendant » dans leur dénomination, qui sont les maîtres-d’œuvre de cette tragi-comédie. Certaines ont eu cependant le mérite de reconnaître qu’elles ont failli. L’on peut citer à ce sujet, l’exemple de la Commission électorale de la Guinée-Conakry à l’occasion de la dernière présidentielle. A l’analyse, on peut se rendre compte que les insuffisances des CENI dans l’organisation des élections résident essentiellement dans leur composition et dans le profil de leurs membres. Dans le premier cas, l’on assiste à une composition très déséquilibrée en faveur du pouvoir en place. Dans le deuxième cas, ce sont essentiellement des acteurs politiques, donc partisans, qui sont aux manettes des commissions. Ces deux éléments peuvent prédisposer les commissions électorales à aller dans le sens d’une élection qui tire la démocratie vers le bas. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, les commissions électorales africaines doivent œuvrer davantage à la promotion de la démocratie. L’enjeu ici est la stabilité de nos Etats, la paix et par voie de fait, le développement. Pour ce faire, l’on pourrait suggérer la mise en place de commissions électorales exclusivement administrées par des acteurs de la société civile dignes de ce nom. Et l’Afrique n’en manque pas. En attendant que les uns et les autres expérimentent cette formule, l’on peut, en ces moments où le Burkina est en pleine organisation des élections du 29 novembre prochain, souhaiter que la structure de Me Barthélemy Kéré mette un point d’honneur à ce qu’aucun grain de sable ne vienne se glisser dans ses rouages. Déjà, l’on peut saluer les innovations technologiques que le patron de la CENI a apportées dans l’organisation de ces élections-ci et sa volonté de proposer aux Burkinabè un fichier irréprochable. Cela représente un pas de géant dans la bonne direction. Vivement alors que le cap soit maintenu.

Sidzabda

 


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