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CONFERENCE INTERNATIONALE DE PARIS SUR LA LIBYE


Macron réussira-t-il à réparer les torts de Sarkozy ?

Il s’est tenu, hier 29 mai 2018 à Paris, une conférence internationale sur la Libye, destinée principalement à trouver des voies et moyens pour aller à des élections prévues pour la fin de l’année. Autour de la table des négociations, outre l’hôte du jour, Emmanuel Macron, l’on notait la présence des deux têtes de pont du paysage politique libyen que sont le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, Fayez al-Sarraj, et l’homme fort de l’Est, le maréchal Khalifa Haftar. Ils étaient accompagnés de tout un aéropage de personnalités politiques et diplomatiques dont les chefs d’Etat du Tchad, du Congo-Brazzaville, du Niger et de la Tunisie et les ambassadeurs de la Chine, de la Russie, des Etats-Unis et de la Grande Bretagne. L’on notait aussi la présence du Premier ministre algérien, du ministre des Affaires étrangères du Maroc et du conseiller du président égyptien pour les dossiers stratégiques ainsi que son vice-ministre des Affaires étrangères, chargé des affaires africaines.

Le pari de Paris reste osé

L’on peut, d’ores et déjà, se féliciter de l’engagement manifeste du président Macron à trouver une solution au problème libyen qui, il faut le dire, n’a que trop duré. Par cette initiative de l’Elysée, l’Occident, même si c’est sur le tard, envoie des signaux qui témoignent de sa volonté d’assurer enfin le service après-vente en Libye, après l’avoir désorganisée par ses bombardements. La France, en particulier, était interpellée car, le premier des Français d’alors, Nicolas Sarkozy, était devenu le chef de guerre en Libye. L’on garde encore, en effet, les proches souvenirs de la récente mise en examen suivie de l’inculpation de l’ex-président français pour les financements occultes de sa campagne présidentielle, tirés de la générosité du dictateur libyen. Cela dit, la tenue de cette conférence internationale de Paris sur la Libye, est d’autant plus salutaire que l’urgence de la situation dans le pays le recommandait. En effet, en plus des scènes de violences et du capharnaüm qui font le quotidien des populations en proie aux milices armées, la Libye constitue le nid des essaims djihadistes qui écument toute la bande sahélo-saharienne, semant instabilité et insécurité dans les Etats de la région. A ce chaos sont venues s’ajouter les insoutenables scènes de trafics humains qui ont plongé le pays dans la géhenne . Il était donc temps que l’on se penche sur le cas libyen et c’est tant mieux que ce soit la France qui se targue d’être la terre par excellence de l’humanisme, qui vole au secours de ce pays en déliquescence.
Cela dit, la question que l’on peut se poser est la suivante : « quelles sont les chances de succès de cette conférence internationale de Paris sur la Libye ? ». A priori, l’on peut penser que la question est sans objet. La France semble, en effet, avoir mis toutes les chances de son côté en recevant au préalable tour à tour les principaux protagonistes de la crise, Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar, et en appelant toute la communauté internationale au chevet du grand malade libyen. Par ailleurs, le texte soumis aux négociations est décrit comme « court et simple » et engage les différentes parties, sous peine de sanctions internationales de nature à garantir la sécurité du processus électoral. Mais le pari de Paris reste tout de même osé. Et pour cause. Le tout n’est pas de signer un accord.

Les Occidentaux redoutent de faire du neuf avec du vieux

L’essentiel reste déterminé par la situation sur le terrain qui, manifestement, montre que toutes les conditions ne sont pas réunies pour organiser des élections apaisées, transparentes et crédibles. Certes, le péril djihadiste semble s’éloigner, mais le pays reste miné par de nombreuses dissensions internes. La situation pourrait d’ailleurs empirer du fait de la tentative de remettre en selle le gouvernement d’union nationale dont la parcelle d’autorité ne dépasse pas les limites de son Quartier Général pour lui confier l’organisation du scrutin électoral. Le maréchal Khalifa Haftar pourrait mal percevoir cela. Et à moins de faire dans la politique-fiction, l’on peut difficilement imaginer comment ce seigneur de guerre pourrait se laisser dépouiller de son sabre et se laisser conduire à l’abattoir comme un agneau de Tabaski. Il ne faut surtout pas compter sur les sanctions prévues dans le cadre de l’accord pour mettre la pression sur ce guerrier du désert, car la Libye est déjà sous embargo, mais cela n’a guère empêché le pays d’être la foire à armements que l’on connaît et le pays des trafics de tous genres.
De ce qui précède donc, l’on peut penser que les Occidentaux veulent d’une élection au forceps pour établir sur le trône en Libye, un dirigeant qui sera au service de leurs intérêts. En tout cas, la vérité est que la compassion internationale est alimentée par les convoitises sur les riches champs pétrolifères de la Libye. Et c’est en cela que l’on peut légitimement douter que les intérêts de Paris qui appelle de tous ses vœux l’organisation des élections, concordent réellement avec ceux du peuple libyen dont le besoin vital aujourd’hui est celui d’un homme fort qui puisse rétablir l’ordre dans le pays. Mais la solution Haftar semble ne pas emballer les Occidentaux qui redoutent de faire du neuf avec du vieux. Alors, s’achemine-t-on en Libye vers le scénario malien où après des élections, des enclaves comme Kidal échappent toujours à l’autorité du président démocratiquement élu ?

« Le Pays »


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