CONTESTATION A COUPS DE FUSILS DES CONCLUSIONS DU FORUM DE BANGUI : Ainsi donc, Seleka et anti-balaka pouvaient s’entendre !

 

Après une semaine de travaux, le forum de Bangui s’est terminé le 11 mai dernier en queue de poisson, avec une cérémonie de clôture entachée de tirs devant le siège du Conseil national de transition (CNT).  Puis, c’est la réapparition de barrières dans différents points de la capitale. En cause : les ex-Seleka et les anti-balaka qui se sentent lésés par les conclusions dudit forum. Si cette « rencontre de la dernière chance », pour emprunter les mots de la présidente centrafricaine elle-même, qui était censée lever les barrières entre les Centrafricains, débouche sur des mécontentements, il faut craindre pour la suite du processus. D’autant plus que les groupes armés, dont la rivalité est au cœur même du problème centrafricain, ont réussi la prouesse, en l’espace de quelques instants, d’agir ensemble à coups de fusil. Ainsi donc, Seleka et anti-balaka pouvaient s’entendre, est-on tenté de dire.

Mais pourquoi toutes ces récriminations et in fine, ce mouvement d’humeur ? Eh bien, parce que les combattants de ces groupes armés ne demandaient ni plus ni moins que l’amnistie ou plus exactement l’impunité et la libération de certains de leurs camarades emprisonnés. Devant le refus catégorique des autres participants, la société civile notamment, ils ont décidé de faire parler la poudre devant la représentation parlementaire, pour manifester leur frustration. Car, au bout du compte, ils ont le sentiment d’avoir été  les dindons de la farce, tout le monde ayant obtenu satisfaction, sauf eux.

La réaction des mécontents a de quoi inquiéter

Même les autorités de la transition s’en sortent avec une nouvelle prolongation de leur bail à la tête des institutions. C’est pourquoi l’on peut comprendre leur coup de sang et leur solidarité dans le mal : « Nous, les Seleka et les anti-balaka, nous sommes ensemble parce que le gouvernement nous a abandonnés». Mais on ne saurait les défendre. Car, comme l’a relevé un des participants, par rapport à ce qui s’est passé dans ce pays, il est inimaginable de parler d’amnistie pour des gens qui se sont illustrés de la pire des manières par les exactions les plus atroces sur des populations innocentes.  Leurs crimes ne sauraient passer par pertes et profits. Toutefois, l’on ne devrait pas mettre tout le monde dans le même sac. Certains ont sans doute plus de responsabilités que d’autres, les degrés de responsabilités dans le drame centrafricain n’ayant pas été les mêmes. Et il faudrait réussir à faire la part des choses. En tout état de cause, il ne saurait y avoir de réconciliation sans justice. Et ceux qui ont fauté doivent payer, à la hauteur de leurs crimes.

Mais cette bombe sociale a besoin d’être désamorcée, car la réaction de ces mécontents a de quoi inquiéter et ne pas pousser à l’optimisme quant à la tenue effective des élections avant la fin de cette année, comme le souhaite la présidente Catherine Samba-Panza. En effet, tant qu’ils n’auront pas déposé les armes, les groupes armés resteront une menace potentielle pour la paix et le retour à la normalité dans ce pays. Surtout s’il doit y avoir collusion entre anti-balaka et ex-Seleka. Au meilleur des cas, il faut craindre une prise en otage ou un blocage du processus de la transition ; au pire des cas, une tentative de déstabilisation du pouvoir en place.

 D’où la nécessité de prendre toute la mesure du problème et de chercher des solutions pour ramener la sérénité dans les rangs. Cela passe par un dialogue franc et direct et la clarification de leur situation. Au demeurant,  la question de la reconversion et de la réinsertion sociale de ces combattants ne saurait être éludée ni traitée séparément de la question de leur désarmement et de leur démobilisation. Car, il y a lieu de croire que tant que ces questions essentielles n’auront pas trouvé les réponses appropriées, la RCA mettra encore du temps pour renouer avec la paix.

Finalement, a-t-on véritablement avancé ?

Outélé KEITA