CONTESTATION DES RESULTATS DES LEGISLATIVES AU SENEGAL : Attention à ne pas réveiller les vieux démons !
Sept millions environ d’électeurs étaient appelés aux urnes, le 31 juillet dernier, pour renouveler 165 sièges de députés répartis en huit listes. Bien que les résultats provisoires ne soient pas encore connus, le pouvoir en place revendique déjà « une victoire sans appel » dans 30 départements sur 46. Comme il fallait s’y attendre, l’Opposition conteste cela et qualifie la revendication du pouvoir de « mensonge ». Ces élections sont importantes pour l’un et l’autre camp, car l’élection présidentielle qui est le principal enjeu, n’est plus loin. Elle est prévue pour 2024, et les législatives actuelles serviront de test. C’est le dernier scrutin avant la prochaine présidentielle. Certains estiment donc qu’il s’agit d’un échauffement. Si le parti du président Macky Sall venait à remporter une victoire écrasante, cela pourrait le conforter dans l’idée de tenter un troisième mandat, puisque, selon ses partisans, la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans a remis les pendules à zéro. Or, pour l’Opposition, le troisième mandat est la ligne rouge à ne pas franchir. Vu l’importance du scrutin, il est donc tout à fait normal que des voix s’élèvent, ici et là, pour déjà revendiquer la victoire ou pour contester une telle revendication. Au demeurant, contrairement à l’élection présidentielle qui paraît plus simple, les législatives sont, par nature, plus complexes, car il s’agit de comptabiliser les résultats, circonscription par circonscription, et aussi par liste, sans oublier le mode de scrutin qui peut être plus ou moins complexe. Au contraire du scrutin majoritaire à un tour qui est assez simple, s’oppose le scrutin proportionnel qui peut être au plus fort reste ou à la plus forte moyenne. Autant d’éléments qui ne facilitent pas toujours la publication des résultats, et qui peuvent susciter des suspicions. La contestation tend ainsi à être la norme lors des élections législatives.
Il est à espérer que la raison prévaudra dans chaque camp
Le Sénégal n’a pas encore connu de coup d’Etat, mais il est coutumier des violences électorales, ce, depuis le départ du pouvoir du président Léopold Sédar Senghor. Sous la présidence d’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, dans l’Opposition, était passé maître dans la contestation des résultats électoraux. Cette tradition semble malheureusement se poursuivre et les présentes élections n’ont pas vraiment fait exception. Il est vrai que le vote s’est déroulé « dans la paix et la discipline » comme le souligne la Commission électorale nationale autonome (CENA), mais il y a eu des violences préélectorales à la suite des manifestations organisées par l’Opposition pour protester contre l’invalidation de certaines listes, et principalement contre l’invalidation de la candidature d’Ousmane Sonko, principal leader de l’Opposition. Qu’en sera-t-il après la proclamation des résultats provisoires par la CENA ? C’est le « wait and see ». Il est à espérer que la raison prévaudra dans chaque camp et que les troubles et les violences seront évités. Dans la situation actuelle, le Sénégal a d’autres préoccupations que de panser des plaies résultant de violences postélectorales. Le conflit Russie-Ukraine a entraîné des difficultés d’approvisionnement non seulement en blé, mais aussi en engrais. Ce qui peut affecter la rentabilité des prochaines récoltes agricoles. En outre, la situation politique au Mali, qui avait entraîné la fermeture des frontières de ce pays avec les pays de la CEDEAO, a eu un effet négatif sur les résultats du port de Dakar, principal débouché maritime du Mali, et de façon générale, sur l’économie sénégalaise. L’intérêt général exige donc de se concentrer sur le redressement et la consolidation de l’économie du Sénégal plutôt que de se livrer à des contestations violentes des élections, qui ne feront qu’aggraver la situation économique du pays. Les Sénégalais ont donc intérêt à veiller à ne pas réveiller les vieux démons.
Apolem