HomeA la uneCONTESTATION ELECTORALE EN MAURITANIE : Avis de tempête sur Nouakchott

CONTESTATION ELECTORALE EN MAURITANIE : Avis de tempête sur Nouakchott


Quarante-huit heures après le vote du 29 juin dernier en Mauritanie, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a officialisé les résultats provisoires. C’est le chef de l’Etat sortant, le Général Mohamed Ould Ghazouani, qui est donné vainqueur avec 56,12% des voix. Il est suivi de loin par l’opposant Biram Dah Abeid qui arrive en deuxième position avec 22,10% des voix. Vient ensuite Hamadi Ould Sidi El Mokhtar, le candidat du parti islamiste Tawassoul, qui se classe troisième avec un peu moins de 13% des voix. Les quatre autres candidats se partagent des miettes dont le total n’atteint pas les 9%. Ainsi donc, en attendant la validation des résultats par le Conseil constitutionnel, le président Ghazouani est en passe de rempiler pour un second quinquennat. Une élection pliée sans coup férir dès le premier tour, mais qui fait l’objet de contestation par l’opposant Biram Dah Abeid qui crie à la fraude électorale et à l’instrumentalisation de la CENI par le pouvoir en place. Et l’on peut d’autant plus craindre des débordements que dans ses déclarations avant même la proclamation officielle des résultats provisoires, l’opposant a été catégorique : « Nous ne reconnaîtrons que nos propres résultats et sur cette base, nous descendrons dans la rue pour refuser le hold-up électoral ».

 

L’Afrique est capable de montrer un visage autre que celui des crises postélectorales à répétition

 

 Avis de tempête donc sur Nouakchott ! D’autant plus que dans la foulée, on signale que certains partisans de l’opposant avaient commencé à manifester dans la capitale, en brûlant par-endroits des pneus et des poubelles. Et ce, dans un contexte où le pouvoir entend faire preuve de fermeté, en « réaffirmant qu’il ne tolérera aucun agissement de nature à perturber la quiétude et la tranquillité des citoyens ». Du reste, les forces de l’ordre n’ont pas mis du temps à encercler le siège de campagne de l’opposant dont le directeur de campagne, selon certaines sources, a été arrêté. Le décor est donc planté, avec ces gros nuages noirs annonciateurs d’orages, qui s’amoncellent dans le ciel de la Mauritanie. Mais en attendant de voir s’il pleuvra du feu sur Nouakchott, on peut déplorer qu’une fois de plus, les élections soient des moments de crispations et de fortes tensions en Afrique. Comment peut-il en être autrement quand les élites dirigeantes et autres acteurs politiques ne cessent de ruser avec la démocratie ? Une démocratie de façade et en trompe-l’œil où, pour reprendre l’adage, « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ; et où la seule morale qui vaille est celle de la conquête ou de la conservation du pouvoir par tous les moyens. Le drame est qu’à ce jeu, tout est bon pour les princes régnants, pour parvenir à leurs fins, quand il s’agit de la préservation de leur trône. Et à ce titre, quand ils ne travaillent pas en amont à écarter leurs adversaires les plus redoutables, ils s’adonnent à des achats de consciences, à des bourrages d’urnes et autres tripatouillages de résultats. Et avec des institutions électorales bien souvent aux ordres, ils sont presque sûrs de se faire réélire à souhait.

 

Avec cette crise postélectorale qui se profile à l’horizon, la Mauritanie retient son souffle

 

Et quand la situation tend à se compliquer d’une façon ou d’une autre, certains n’hésitent pas à recourir au tripatouillage constitutionnel pour se maintenir indument dans la course à leur propre succession, là où la solution tout trouvée pour d’autres, est la méthode de l’élimination physique de leurs adversaires politiques les plus farouches. C’est dire que c’est moins la démocratie qui est, pour nombre de pays africains, en cause, que le rapport de bien des dirigeants au pouvoir. Non, la démocratie n’est pas un luxe pour l’Afrique. C’est plutôt la conception biaisée et malsaine de bien des élites africaines qui perçoivent plus le pouvoir comme un accomplissement personnel qu’un sacerdoce, et qui refusent de jouer franc-jeu, qui est le nœud du problème. Et qui pis est, des hordes de zélateurs guidés le plus souvent par des intérêts bassement œsophagiques, contribuent à fausser le jeu en donnant au prince régnant, l’illusion du pouvoir absolu au point que ce dernier se sent dans la peau d’un messie. On oublie volontiers ces opposants sans conviction idéologique, mangeant à tous les râteliers et prêts à toutes sortes de compromissions pour se faire une place au soleil. Il faut que ça change ! Et si, sans prétendre à la perfection, certains pays comme le Sénégal, par exemple, sont capables du meilleur dans leur volonté de donner à la démocratie, ses lettres de noblesses, il n’y a pas de raison de continuer à trouver des excuses aux mauvais élèves. Oui, l’Afrique est capable de montrer un visage autre que celui des crises postélectorales à répétition. C’est une question de choix et de maturité politiques qui appellent aussi à un changement de mentalités. Pour cela, la démocratie doit cesser de ressembler à une grande escroquerie dont ont besoin certains parrains occidentaux pour mieux asseoir leur domination sur l’Afrique, mais aussi des dirigeants africains pour ruser avec les textes à l’effet de se maintenir ad vitam aeternam au pouvoir. En attendant, avec cette autre crise postélectorale qui se profile à l’horizon, la Mauritanie retient son souffle.

 

 « Le Pays »

 

 


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