RDC
Grande mobilisation pour Shadari, l’opposition est prévenue !
La fin de la semaine qui vient de s’écouler a été marquée en RDC par deux évènements politiques majeurs. En effet, le premier, organisé par l’opposition le vendredi 26 octobre dernier, a consisté à faire descendre dans la rue ses partisans pour dénoncer la machine à voter déjà disponibilisée pour les scrutins du 23 décembre prochain. La marche visait aussi à obtenir de la commission électorale la radiation de plus de dix millions d’électeurs inscrits sans empreintes digitales dans le fichier électoral. A l’exception de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qui avait officiellement refusé de participer à cette marche, plusieurs militants des partis de l’opposition et de la société civile étaient mobilisés pour que le pouvoir prenne en compte leurs exigences.
Chose assez rare pour être signalée et saluée à sa juste valeur, c’est la première fois qu’une manifestation politique d’envergure organisée par l’opposition s’est déroulée sans qu’on ait eu à déplorer ni blessé ni mort d’hommes.
Le pouvoir est déjà en ordre de bataille pour le 23 décembre
En RDC, c’est pratiquement un miracle. Il reste à souhaiter que cela devienne désormais la règle et non l’exception. Car, la démocratie est un jeu de civilisés et non de barbares. Sans cette juste compréhension des choses, surtout de la part des forces de l’ordre, la RDC demeurera toujours un nain en matière de démocratie.
L’autre grand événement politique qui a marqué l’actualité en RDC, est le meeting organisé par le pouvoir ce samedi 27 octobre. Le but était de présenter officiellement Emmanuel Ramazani Shadari aux Congolais. Le FCC (Front commun pour le Congo) peut déjà se frotter les mains. En effet, la présentation de son candidat aux Congolais a drainé du monde au stade du 20 mai, plus connu sous le nom de Stade Tata Raphaël. En réalité, la présentation de Shadari était un alibi. Le véritable objectif de ce grand meeting était de répliquer à l’opposition. C’est pourquoi tout le stade Tata Raphaël, pendant toute la cérémonie, scandait à tout rompre ceci : « Oui à la machine à voter ». En plus donc de la forte mobilisation constatée au stade Tata Raphaël, le martèlement de ce slogan démontre à souhait que le pouvoir est déjà en ordre de bataille pour le 23 décembre et que rien ne le fera reculer par rapport à l’utilisation de la fameuse machine à voter. C’est pourquoi l’opposition serait bien inspirée de mener son combat de manière simultanée sur deux fronts. Le premier consistera à poursuivre la lutte pour le retrait de la machine qui fâche et pour l’assainissement du fichier électoral. Le second front consiste à occuper véritablement le terrain politique par la conscientisation et la mobilisation des Congolais et des Congolaises par rapport à l’échéance du 23 décembre. Elle doit adopter cette stratégie pour trois raisons essentielles. La première est que, pendant qu’elle est en train de faire du retrait de la machine à voter une fixation voire une obsession, le camp d’en face ne chôme pas. Loin de là. Il est pratiquement en campagne pour rallier les électeurs à la cause défendue par son champion. Et tous les moyens de l’Etat, notamment les médias publics, sont mis à contribution à cet effet. Pour s’en convaincre il suffit de capter la télévision nationale congolaise.
L’opposition a l’obligation de s’unir ou de périr
L’image de Shadari et l’emblème du Front commun pour le Congo (FCC) sont omniprésents. La deuxième raison est qu’au sein de l’opposition, l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) a déjà choisi d’aller aux scrutins du 23 décembre avec ou sans machine à voter. Dans ces conditions, l’opposition, ou du moins sa frange anti-machine à voter, gagnerait à revoir sa copie. La troisième et dernière raison est liée au fait qu’elle ne peut compter sur la communauté internationale encore moins sur les voisins du Congo pour faire pression sur le pouvoir afin qu’il retire la machine à voter. La communauté internationale se ferait éconduire comme un malpropre pour ingérence dans les affaires intérieures du Congo et aucun des voisins de ce pays n’est suffisamment qualifié en démocratie pour donner des leçons à Kabila. Pour toutes ces raisons, ce serait un suicide collectif pour l’opposition que de conditionner exclusivement sa participation à l’élection du 23 décembre au retrait de la machine à voter. Ce danger, l’UDPS l’a compris. Mais ce parti n’a aucune chance de vaincre le candidat du pouvoir s’il se présente seul le 23 décembre devant les Congolais. A supposer même que la transparence soit au rendez-vous, la nature même du scrutin, qui, rappelons-le, est à un tour, fait que l’opposition a l’obligation de s’unir ou de périr. Or tout laisse croire que cela est plus facile à dire qu’à réaliser. En effet, au sein de l’opposition, les ego sont tellement surdimensionnés, qu’aucun de ses leaders n’acceptera facilement de se retirer de la course à la présidentielle au nom d’une candidature unique. Ce défi, il faut pourtant le relever pour donner une chance à l’alternance. Et le plus vite serait le mieux. Si par extraordinaire, l’opposition arrivait à dégager en son sein l’oiseau rare, le pouvoir tremblerait et dès lors, la fortune changerait de camp. Autrement, les Congolais se berceraient d’illusions. Le dauphin de Kabila remportera sans coup férir la mise du 23 décembre. L’on peut d’autant plus croire à ce scénario catastrophe pour la démocratie en RDC, que Joseph Kabila a réussi le tour de force de désigner un candidat unique dans son camp sans que cela ne fasse voler en éclats l’unité de la majorité présidentielle. L’on peut même se demander si l’incapacité de l’opposition à s’entendre sur l’essentiel n’est pas due en partie aux manipulations du pouvoir. Car, Joseph Kabila n’épargnera aucun moyen pour que son dauphin lui succède. Et comme la politique sous nos tropiques ne s’encombre d’aucun scrupule pour parvenir à ses fins, tous les moyens sont les bienvenus. Le FCC est dans cette logique aujourd’hui. De ce point de vue, l’on peut déjà redouter l’après-élection au cas où Joseph Kabila tordrait le cou à la démocratie en imposant, contre le gré des urnes, son dauphin aux Congolais. Plus les jours passent, plus ce scénario prend forme malheureusement. Franchement, l’on a des raisons de verser des larmes pour le malheureux peuple congolais, lui qui, depuis Mobutu à nos jours, ne fait que gémir sous la dictature, l’arbitraire et l’imposture.
« Le Pays »