HomeA la uneCOUP DE FORCE MILITAIRE AU SOUDAN  

COUP DE FORCE MILITAIRE AU SOUDAN  


Depuis hier, 25 octobre 2021, la transition civilo-militaire qui avait cours au Soudan depuis 2019, a été prise en otage par les militaires qui ont procédé à l’arrestation, très tôt le matin, à leurs domiciles respectifs, de plusieurs dirigeants civils dont le Premier ministre, Abdalla Hamdock et plusieurs membres du gouvernement et du Conseil de souveraineté qui chapeaute la transition au Soudan. Une situation qui est l’épilogue de plusieurs semaines de tensions entre les autorités militaires et civiles chargées de conduire alternativement la transition devant mener le pays à des élections pluralistes après la chute du dictateur Omar El Béchir, dans les conditions que l’on sait.   Dans la foulée, le général al-Burhan a annoncé la dissolution des instances de la transition et décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire. Il a aussi promis la formation imminente d’«un gouvernement de personnes compétentes ». Exit donc l’aile civile d’une transition hybride dont les militaires n’ont jamais voulu véritablement perdre le contrôle.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce coup de force des militaires contre la transition, n’est rien d’autre qu’un braquage de la révolution qui n’honore pas les militaires soudanais. 

 

Les militaires n’ont jamais voulu d’une dévolution du pouvoir aux civils aux fins de conduire la transition

 

En effet, l’on a encore en mémoire la façon opportuniste dont ils se sont invités dans la contestation, en faisant semblant de prendre le parti du peuple pour déposer le président Béchir dont le régime vacillant avait été ébranlé par plusieurs mois de mobilisation du peuple soudanais et fini par tomber. Aujourd’hui, en reprenant la situation totalement à leur compte en se délestant du cabinet civil de la transition qui a été mis aux arrêts, la junte militaire au pouvoir à Khartoum a tombé le masque. En réalité, on les voyait venir et ils sont arrivés. Car, à la lumière des derniers événements, il est clair que les militaires soudanais n’ont jamais joué franc jeu dans l’organisation de l’après-Béchir censée ramener le pays à l’ordre constitutionnel normal d’une démocratie. Mieux, ils n’ont jamais voulu d’une dévolution du pouvoir aux civils aux fins de conduire la transition. Et tout porte à croire que le timing des tensions qui ont abouti au coup de force d’hier, est loin d’être un hasard de calendrier. Puisque cela intervient à un mois de la fin de la direction tournante de la transition qui devait revenir aux civils.  C’est pourquoi l’on est porté à croire que sentant que le pouvoir pourrait définitivement leur échapper entre les mains, les militaires ont savamment entretenu ces tensions qui n’étaient en réalité qu’un alibi pour troubler le cours normal de la transition. Ce faisant, ils font d’une pierre deux coups, en évitant de se délester d’un pouvoir dont ils n’ont jamais voulu perdre le contrôle tout  en entretenant la division au sein des insurgés.  Dans un tel contexte, quel crédit accorder à la parole du général al-Burhan qui a réitéré son attachement à la « transition vers un Etat civil » ? Toujours est-il que les syndicats ont appelé à la désobéissance civile  pendant que la contestation s’organisait dans la rue.

 

Il est temps de trouver une solution au mal des coups d’Etat qui sont autant de coups de frein à la démocratie

 

La communauté internationale qui se dit inquiète de la situation, doit, au-delà des condamnations,  faire preuve de fermeté vis-à-vis de la junte. Car, c’est le sort de la démocratie qui est clairement ici en jeu au Soudan. Et il y a des raisons de croire que les militaires ont récupéré le pouvoir vacillant de Béchir pour ne pas le laisser tomber entre des mains « indélicates », alors qu’ils sont largement comptables du bilan des trente ans de dictature du boucher de Khartoum. Au-delà, à présent que la transition semble complètement remise en cause au Soudan, si la communauté internationale se montre incapable à rétablir l’ordre au pays de Omar el Béchir, il faut craindre que le précédent des militaires soudanais ne fasse pousser des ailes à leurs homologues du Mali, du Tchad ou encore de la Guinée confortablement installés à la tête de transitions où ils se livrent à un jeu de clair-obscur, avec des intentions à peine voilées de confiscation du pouvoir.  Quand on pense que tout cela se passe principalement sur le continent noir en pleine mutation démocratique et toujours à la recherche de ses marques, on a parfois honte d’être africain. Honte de cette image de grands enfants que certains de nos actes tendent à montrer au reste du monde. C’est pourquoi il est temps de trouver une solution au mal des coups d’Etat qui sont autant de coups de frein à la démocratie sous nos tropiques. Avec une race de militaires au goût immodéré du pouvoir, qui préfèrent visiblement le douillet confort des palais présidentiels à la rudesse des casernes,  qui se croient encore sortis de la cuisse de Jupiter pour diriger nos Etats mais qui, à l’épreuve du pouvoir, ne se montrent pas meilleurs princes. Il faut que ça change pendant qu’il est encore temps, avant que la contagion n’atteigne le seuil du non retour.

 

« Le Pays »

 

 

 


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