HomeA la uneCOUP D’ETAT AU BURKINA : Le Faso était au bord d’une asphyxie économique

COUP D’ETAT AU BURKINA : Le Faso était au bord d’une asphyxie économique


 

Debout, face au marché central de Ouagadougou, Rood-woko, fermé, un vieillard fond en larmes. Cette scène qui s’est déroulée le 20 septembre dernier à Ouagadougou, en disait long sur les souffrances que les Ouagalais enduraient sous l’éphémère « règne » des putschistes. La capitale du Burkina vivait au ralenti et l’activité économique était au point mort. Les services publics et privés étaient paralysés. La grève illimitée déclarée par les différents syndicats en signe de rejet du coup d’Etat, étant très suivie. Les rares boutiques qui ouvraient, se dépêchaient de fermer dès le moindre bruit de manifestants ou de coups de fusil des putschistes. Restaurants et maquis vivotaient s’ils n’étaient pas hermétiquement fermés. Les stations-services avaient fermé dès les premières heures du putsch et bien des gens s’étaient retrouvés sans carburant, donc sans moyen de déplacement. Les hôpitaux et centres de santé de la capitale burkinabè qui étaient déjà des mouroirs, s’étaient transformés en des morgues à ciel ouvert. Les agents de santé qui étaient de garde avaient tout le mal du monde à rallier leurs lieux de travail en raison des barrages à contourner et de l’insécurité ambiante due aux crépitements des armes des putschistes. Le sang qui ne suffisait déjà pas en ces périodes où le paludisme fait rage dans le pays manquait davantage dans les hôpitaux avec l’augmentation des besoins, du fait des nombreux blessés. Certes, l’élan de solidarité de nombreux Ouagalais permettait d’en collecter, mais l’insuffisance du personnel pour cette collecte qui se voulait massive, couplée à l’urgence des besoins de ce liquide vital, offraient un tableau des plus catastrophiques.

Le secteur informel, maillon essentiel de l’économie burkinabè,  à genoux

Pour revenir au volet purement économique, même lorsque quelques commerces ou lieux de restauration ouvraient, le Ouagalais se trouvait confronté à un autre problème. Du moins, son désarroi et son dénuement s’exprimaient en ce moment dans toute leur cruauté. En effet, ils n’étaient pas nombreux, ceux qui avaient encore les moyens de s’acheter de quoi assurer leurs besoins journaliers. Pour des populations très pauvres qui vivaient au jour le jour, tous ces jours d’inactivité pesaient. Les maigres économies avaient été vite épuisées. Le secteur informel, maillon essentiel de l’économie burkinabè, était presqu’à genoux. En plus de la paralysie qui frappait les activités des populations de tous les âges qui animent la ville et les activités économiques de Ouagadougou en journée, le couvre-feu achevait d’avoir raison des petits boulots nocturnes comme ceux des serveurs et/ou serveuses de bars, des grilleurs de brochettes et autres commerçants. Pour les personnes qui étaient généralement considérées comme ayant des revenus plus stables, c’est-à-dire les salariés de l’Administration publique et de quelques structures assez solides du secteur privé, la situation n’était guère meilleure. En ce qui les concernait par exemple, beaucoup d’agents publics se demandaient à quelle sauce ils allaient être mangés à la fin de ce mois douloureux de septembre 2015. Auront-ils seulement leurs maigres salaires ? Rien n’était moins sûr. Ce d’autant plus qu’en plus du mot d’ordre de grève illimitée qui pouvait avoir une incidence négative sur le traitement des salaires, il y avait eu, avant le putsch, les sit-in des agents des finances qui avaient compliqué déjà la situation. Et même ceux qui avaient encore quelques ressources en banque n’étaient pas tirés d’affaire. Les guichets étaient restés désespérément fermés et il était impossible de faire un retrait d’argent dans les distributeurs automatiques des banques depuis l’avènement du coup d’Etat.

Dans ces conditions, ce sont les moutons qui allaient être heureux

Cette situation qui prévalait à Ouagadougou, avait à n’en pas douter, des répercussions sur le reste du pays. En effet, bien qu’elles ne fussent pas dans la même situation d’insécurité que la capitale, les autres localités du Burkina ressentaient les contrecoups du blocage économique qui prévalait à Ouagadougou. Rien que la difficulté, voire l’impossibilité de circuler entre les centres urbains à cause des barrages, compliquaient le ravitaillement, la circulation des ressources. Même certains pays voisins comme le Mali dont des camions transitent par le Burkina, subissaient les effets des difficultés de la circulation routière en ce moment. Si d’aventure la crise devait se poursuivre avec une entrée en vigueur des sanctions de l’Union africaine contre le pays et les putschistes, nul doute que ça aurait été la catastrophe. En tout cas, le Faso fonçait droit vers l’asphyxie économique. Tout cela était arrivé à quelques jours de la rentrée scolaire (si ce n’était pas déjà effectif pour certaines écoles) et estudiantine, mais aussi de la Tabaski, encore appelée Fête du mouton, qui pouvaient être perturbées ou compromises. En ce qui concernait la rentrée des classes, les parents risquaient de ne pas avoir les moyens de supporter les dépenses de la rentrée, les enseignants ne seraient pas allés en classe dans ces conditions, les élèves et étudiants non plus. Pour ce qui était de la Tabaski, si les choses ne s’étaient pas décantées vite et dans le bon sens, les Burkinabè n’auraient eu ni l’esprit à la fête, ni les moyens de faire la fête quand on connait le prix d’un mouton. Dans ces conditions, c’étaient les moutons qui allaient être heureux. Car, ils auraient échappé au sacrifice. Au total, il fallait croiser les doigts pour que le Burkina puisse sortir vite de cette crise et que pareille situation ne se reproduise jamais dans ce pays, ni ailleurs.

« Le Pays »  


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