HomeA la uneCOUP D’ETAT AU NIGER :  Quels lendemains pour le Sahel ?  

COUP D’ETAT AU NIGER :  Quels lendemains pour le Sahel ?  


Après le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) au Mali en 2020, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) au Burkina Faso en 2022, voici venu au Niger, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), auteur d’une déclaration de coup d’Etat contre le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, à Niamey où la situation restait toujours quelque peu confuse, au lendemain de cette prise de parole des militaires à la Télévision nationale. Dans leur déclaration, les putschistes ont annoncé une série de mesures allant de la suspension des institutions de la VIIème République, à la fermeture des frontières en passant par l’instauration d’un couvre-feu. Comme au Mali et au Burkina Faso, la question de la « dégradation continue de la situation sécuritaire, la mal gouvernance économique et sociale » ont été invoquées par les hommes en treillis pour justifier cette énième intrusion sur la scène politique.  Dans ce contexte de lutte acharnée contre l’hydre terroriste qui s’est profondément enracinée dans cette partie de l’Afrique, c’est un énième renversement de l’ordre constitutionnel qui interroge tout autant qu’il ne manque pas d’inquiéter.

 

La recrudescence des coups d’Etat militaires doit interpeller l’élite dirigeante africaine

 

 Car, au-delà du fait que Niamey était pratiquement le dernier bastion du pouvoir civil dans les trois pays du Sahel les plus durement frappés par le terrorisme, la question est de savoir si les militaires feront mieux, là où ils accusent les civils d’avoir échoué. Alors, quels lendemains pour le Sahel ? La question est d’autant plus fondée que la priorité des priorités aujourd’hui dans ces trois pays du Sahel devenus l’épicentre du terrorisme dans la sous-région, c’est principalement la question sécuritaire à la laquelle aucune solution n’a encore été trouvée. Ni à Bamako, ni à Ouagadougou, ni à Niamey de telle sorte qu’elle est devenue aujourd’hui source d’instabilité. Et les récents événements au Niger qui rejoint ainsi le cercle des « mauvais » élèves de la démocratie, sont d’autant plus interpellateurs que le pays du Ténéré apparaissait, avec la Mauritanie, comme l’un des derniers bastions sahéliens où l’ordre constitutionnel tenait encore sur les rails.  En tous les cas, sans être la panacée, cette recrudescence des coups d’Etat militaires en Afrique de l’Ouest dans la quasi- indifférence des populations quand ils ne sont pas simplement applaudis, doit interpeller l’élite dirigeante africaine sur sa responsabilité dans la gestion du pouvoir d’Etat qui répond aujourd’hui plus d’une démocratie en trompe l’œil que d’une volonté résolue d’arrimer nos Etats aux valeurs d’une gouvernance vertueuse. C’est dire la nécessité de changer de paradigme sur toute la ligne pour revenir aux vraies valeurs de la démocratie, si l’Afrique veut trouver sa propre voie du développement et du progrès en évitant de donner un prétexte à la soldatesque d’interférer dans le jeu politique.

 

C’est le cercle des pays en transition qui s’agrandit dans l’espace CEDEAO

 

 En tout cas, tout porte à croire que demain n’est pas la veille de la fin du pouvoir kaki en Afrique, tant que les hommes paraîtront toujours plus forts que les institutions. Et dans le cas d’espèce, il y a autant de raisons de croire que l’armée a toujours été au cœur du pouvoir sous nos tropiques, qu’au-delà de certaines considérations, on se demande si ces pronunciamientos ne sont pas parfois guidés par la volonté, pour cette hiérarchie militaire habituée des couloirs de palais, de ne pas perdre certains privilèges. En tout état de cause, maintenant que de Bamako à Ndjamena, en passant par Ouagadougou, Niamey voire Nouakchott, ils ont le pouvoir en main dans les cinq pays du Sahel, plus que de faire bouger les lignes, les hommes en treillis ont l’obligation de résultat sur le terrain, dans la lutte contre le terrorisme. En attendant, avec la chute de Mohamed Bazoum qui était le principal allié des Occidentaux au Sahel, on peut s’interroger sur la forme que prendra la lutte contre la pieuvre tentaculaire au Niger. Quant à la France, elle doit d’autant plus se faire du mouron qu’elle perd en Mohamed Bazoum, un allié de taille qui lui a permis de recentrer sur le Niger, la réarticulation des forces Barkhane et Sabre invitées à quitter respectivement le Mali et le Burkina Faso dans les conditions que l’on sait. Autant dire que Paris a du souci à se faire, dans ce contexte de montée en flèche du sentiment anti-français en Afrique en général et dans les pays du Sahel en particulier, où, au-delà des raisons invoquées, tout porte à croire que Mohamed Bazoum est aussi victime de sa proximité avec l’ex-puissance coloniale dont il est accusé, à tort ou à raison, d’être le valet local. Comme quoi, ce qui était un avantage quasi certain hier pour les dirigeants africains désireux de conserver le pouvoir, notamment le fait d’être dans les bonnes grâces de l’ex-puissance coloniale, paraît aujourd’hui pour le moins un pari risqué en raison de l’hostilité grandissante d’une opinion africaine de plus en plus critique vis-à-vis de la politique extérieure de la France. Cela dit, en attendant de voir l’orientation que donneront les nouveaux maîtres de Niamey à leur action à la tête de l’Etat et à quelle sauce de sanctions ils seront mangés par les institutions continentales, c’est le cercle des pays en transition qui s’agrandit dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest).

 

 « Le Pays » 

 

 

 


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