HomeA la uneCREATION ANNONCEE PAR LA CEDEAO, D’UN TRIBUNAL SPECIAL POUR JUGER YAHYA JAMMEH ET COMPAGNIE : C’est bien, mais il y a urgence à aller vite !  

CREATION ANNONCEE PAR LA CEDEAO, D’UN TRIBUNAL SPECIAL POUR JUGER YAHYA JAMMEH ET COMPAGNIE : C’est bien, mais il y a urgence à aller vite !  


Historique ! Telle est la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis en sommet ordinaire, le 15 juillet dernier à Abuja au Nigeria, de créer un tribunal spécial pour juger les crimes commis en Gambie, entre 1994 et 2017, sous le règne de l’ex-dictateur Yahya Jammeh. En rappel, l’ancien homme fort de la Gambie qui vit en exil en Guinée équatoriale depuis 2017, a perdu la présidentielle de 2016 face à l’actuel chef de l’Etat, Adama Barrow. Mais son refus de céder la place au vainqueur du scrutin, avait entraîné le pays dans une impasse politique qui avait obligé la CEDEAO à intervenir militairement pour le déloger du palais présidentiel à l’effet de faire prévaloir les résultats du scrutin. A l’approche des troupes de l’organisation communautaire de la capitale, l’ex-dictateur avait cessé de jouer les durs pour prendre la poudre d’escampette, direction Malabo où il vit en exil forcé depuis lors. Sept ans après, il est en passe d’être rattrapé par son passé, avec cette décision historique de l’organisation régionale qui a décidé de ne pas laisser impunis, les crimes commis sous son règne. Et selon certaines sources, plus de soixante-dix personnalités sont mises en cause, y compris l’excentrique exilé de Malabo qui pourrait être appelé à comparaître pour des atrocités, dont l’exécution d’au moins 240 personnes.

 

Des survivants ou autres témoins clés qui commencent à disparaître

 

 

 Toujours est-il qu’entre détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures, viols, administration d’un faux traitement contre le Sida, les témoignages recueillis ne manquent pas de motifs de poursuites contre l’ex-dictateur et ses sicaires qui rivalisaient de cruauté en lui obéissant au doigt et à l’œil. C’est le lieu de saluer cette décision de la CEDEAO qui permettra, si elle est menée à terme, de rendre justice aux victimes. Et en assurant, même sur le tard, le service après-vente par le jugement de l’ancien tortionnaire gambien, après avoir contraint ce dernier à tirer ses grègues dans les conditions que l’on sait, la CEDEAO fait œuvre utile. Autant dire que c’est bien ! Mais il y a urgence à aller vite parce que sept ans après la chute du dictateur, les faits commencent à dater. D’autant plus qu’en 22 ans de règne de l’autocrate, les preuves ont pu autant s’accumuler que certaines traces ont pu s’effacer aujourd’hui, si ce ne sont pas des survivants ou autres témoins clés qui ont disparu les uns après les autres. C’est dire la nécessité, pour la CEDEAO, de faire dans la célérité et de tout mettre en œuvre pour que cette décision historique ne soit pas un effet d’annonce ou une annonce sans effet.

 

Le défi que la CEDEAO vient de se lancer

 

 

 Il y va de la crédibilité de l’organisation régionale qui a l’occasion de redorer son blason aux yeux des populations, en rendant justice aux victimes de Yahya Jammeh. Elle qui a longtemps été accusée, à tort ou à raison, de faire la part belle aux princes régnants en étant plus une CEDEAO des chefs d’Etat que celle des peuples. C’est dire si cette décision de créer un tribunal spécial pour juger Yahya Jammeh et compagnie pour leurs crimes, marque un tournant dans l’histoire de l’organisation régionale. En même temps, on peut y voir un signal fort à l’endroit de tous ces dirigeants qui se croient tout permis, à éviter les abus au risque d’être rattrapés plus tard par leurs propres turpitudes. Toujours est-il que c’est un changement de cap dans la politique de la CEDEAO, qui ne passe pas inaperçu, et dont le timing amène à s’interroger sur les tenants et les aboutissants d’une telle décision. Est-ce une volonté de rendre simplement justice aux victimes de Yahya Jammeh ? Est-ce une volonté cachée de se racheter des nombreux griefs qui ont parfois fondé, ces dernières années, la colère de populations contre elle ? Est-ce un avertissement ciblé répondant à d’autres impératifs ?  L’histoire, sans doute, le dira. En attendant, maintenant que la Justice régionale semble en passe de se lancer aux trousses du dictateur, il faut espérer que le processus ira jusqu’à son terme. Car, entre la mobilisation des fonds pour la tenue du procès et la collaboration de la Guinée équatoriale en vue d’une éventuelle extradition de Yahya Jammeh, le chemin de la justice pour les victimes du natif de Kanilai, paraît encore parsemé d’embûches. Et c’est tout le défi qui attend la CEDEAO.

 

 « Le Pays »


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