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CRISE ALIMENTAIRE AU BURKINA : Au-delà de la réponse conjoncturelle


Le Burkina Faso traverse  des moments très difficiles au plan alimentaire. En effet, selon un rapport récemment publié par le ministère de l’Agriculture, plus de deux millions de personnes sont en proie à une situation de crise alimentaire au Pays des Hommes intègres.  Sur cet effectif menacé par cette crise alimentaire, 325 000 personnes se trouvent en urgence pour la période de mars à mai 2022. Ce chiffre pourrait approcher les 3,5 millions pendant la période de soudure. A cela, il faut ajouter que plus de la moitié des ménages agricoles (52%) n’arriveront pas à couvrir les besoins céréaliers avec leur propre production. De ce fait, ils seront obligés de recourir à des importations, dans un contexte de hausse des prix. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le pays fait face à l’un de ses plus grands déficits céréaliers de son histoire. Certains osent même la comparaison avec la crise alimentaire qui a sévi dans le pays à l’époque de Naaba Koabga, du nom de ce Mogho Naaba qui a régné sur le Mogho avant la pénétration coloniale. Plus près de nous, cette crise alimentaire nous rappelle la grande famine qui a secoué le pays en 1974. Tous ceux qui ont connu ce drame se souviennent sans doute des tonnes et des tonnes de céréales rouges (“probayance») dont on disait, à tort ou raison, qu’ils étaient destinés à l’alimentation des chevaux, qui ont été acheminés en Haute-Volta, grâce à la générosité des Américains. Cette année encore, le Burkina survivra grâce à la générosité de l’occident. D’ailleurs, le gouvernement a déjà lancé un appel de détresse à la communauté internationale pour qu’elle l’aide à gérer au mieux cette crise alimentaire. Mais il faut avoir la lucidité de reconnaitre que ce genre de réponses conjoncturelles ne peuvent pas régler, dans la durée, la problématique des crises alimentaires au Burkina.

 

 

Le temps est venu pour le Burkina d’aller vers des politiques agricoles hardies

 

 

Tout au plus, peuvent-ils soulager pendant un temps donné ces millions d’affamés qui peuplent nos villes et nos campagnes. Le ministère de l’Agriculture a expliqué cette crise alimentaire par non seulement les chocs climatiques (inondations, longues séquences sèches), mais aussi par l’abandon de terres en raison de l’insécurité. Il a raison en partie. Mais à l’analyse, on pourrait se rendre compte que ce qui est à l’origine des crises alimentaires récurrentes au Burkina,  c’est notre politique agricole. C’est elle qui fait que depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, les Burkinabè ne sont pas en mesure de manger à leur faim sur deux ou trois saisons consécutives en comptant exclusivement sur leurs propres productions. Ici, nous comptons sur la régularité et la bonne répartition des pluies, pour bien produire et se nourrir. Ailleurs, on compte sur une mobilisation des ressources hydrauliques et leur utilisation intelligente et rationnelle pour produire. Un pays comme Israël ne reçoit pas autant d’eau de pluie par an que le Burkina. Pourtant, ce pays a vaincu depuis belle lurette, les affres de la faim grâce à une politique volontariste de retenues d’eau et à une technique efficace et efficiente d’irrigation. C’est ainsi qu’il a pu produire des oranges dans le désert du Néguev. Le Maroc également dans ce domaine, peut être cité en exemple. Et Dieu seul sait combien de tonnes de pommes de terre du Royaume chérifien, le Burkina consomme chaque année.  Notre drame, c’est que nous ne nous posons pas toujours les bonnes questions sur les vraies causes des crises qui nous frappent. Tant que nous serons dans ce paradigme, nous tendrons toujours la main aux autres, pour ne pas mourir de faim. Pour vaincre ce fléau, il faut aller au-delà des  réponses conjoncturelles pour envisager des réponses structurelles. En 1973-1974, le régime de Lamizana, pour faire face à la famine et à la sécheresse, a initié les AVV (Aménagements des vallées des Voltas). Cette politique a produit des fruits. En tout cas, les populations du Nord et du Centre-Nord, durement éprouvées par la crise alimentaire de 1973-1974 et qui ont été installées dans ces aménagements agricoles, louent  jusqu’à ce jour, l’idée lumineuse du Général Lamizana. Le capitaine Thomas Sankara avait également des idées novatrices sur comment vaincre les crises alimentaires au Burkina. Les aménagements agricoles sur le Sourou, c’est son œuvre. Savez-vous qu’à l’époque, on a tenté de produire du blé sur cette vallée ? Jetez un coup d’œil aujourd’hui sur cette vallée, c’est pratiquement la désolation. C’est presque la même chose en ce qui concerne la Vallée de Bagré. En tout cas, le temps est venu pour le Burkina d’aller vers des politiques agricoles hardies pour autant que l’on veuille extirper le pays de la liste des Nations dont la politique agricole, peut-on dire, consiste exclusivement à crier famine et à tendre la main systématiquement aux autres.

 

Sidzabda


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