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CRISE MALIENNE


Après l’expédition infructueuse, la semaine dernière, de cinq des leurs sur les rives du fleuve Djoliba, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) étaient réunis, hier,  27 juillet, en sommet extraordinaire par visioconférence, pour jouer les pompiers dans la crise malienne qui est devenue une préoccupation majeure, depuis que la démocratie s’y est trouvé menacée par la volonté affichée des contempteurs du président Ibrahim Boubakar Keïta, de le pousser à la sortie du pouvoir par la pression de la rue. Un exercice diplomatique rendu d’autant plus difficile que l’on se demande si la magie de la technologie saura valablement pallier les négociations souterraines qui ne manquent pas en pareilles circonstances, dans une crise où les positions des protagonistes sont aussi tranchées. En tout cas, la récente sortie, au cours du week-end écoulé, des contestataires qui ont réitéré leur exigence de la démission du chef de l’Etat, menaçant de reprendre les manifestations le 3 août prochain, à l’issue de la trêve de la Tabaski qui sera célébrée le 31 juillet prochain au Mali, ne semble pas arranger les choses.

 

On se demande si on n’assiste pas finalement à un dialogue de sourds

 

Tout comme le ton utilisé par les chefs d’Etat lors du sommet extraordinaire du 27 juillet dernier, laisse croire que l’on s’achemine vers la prise de sanctions contre certains acteurs de la crise malienne. Toute chose qui pourrait  contribuer à envenimer la situation au Mali. En tout cas, la marche annoncée pour le 3 août  vient rappeler l’explosivité d’une situation toujours délétère, à moins que ce coup de semonce sous forme d’ultimatum, ne soit une façon, pour les contestataires, de rajouter une couche de pression sur la médiation.  Quoi qu’il en soit, face à cette revendication maximaliste qui a pourtant été clairement fixée, par la CEDEAO, comme une ligne rouge à ne pas franchir, l’on se demande si dans ce bras de fer entre Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) et ses contempteurs, on n’assiste pas finalement à un dialogue de sourds. La question est d’autant plus préoccupante que jusque-là, ni IBK, ni ses contestataires ne semblent  résolus à faire les concessions nécessaires à une sortie de crise pacifique. C’est dire combien difficile et délicate est la médiation de l’institution sous-régionale qui marche visiblement sur des œufs, dans les sables mouvants du Mali. Car, en plus de la nécessité d’éviter de braquer les protagonistes par un éventuel durcissement de ton, Mahamadou Issoufou, président en exercice de la CEDEAO et ses pairs ont la lourde mission de concilier des positions diamétralement opposées. Sauront-ils trouver le juste milieu pour faire fumer le calumet de la paix aux frères ennemis maliens, en vue d’un retour au calme et à la sérénité à Bamako ? C’est tout le mal qu’on leur souhaite. Car, il y va de l’intérêt du Mali et de la sous-région tout entière. En attendant, le défi reste entier. Avec, d’un côté, le président IBK en manque de légitimité politique aux yeux de ses opposants et de l’autre, le M5-RFP qui semble maintenir la barre des revendications  très haut, dans le secret espoir d’arracher des concessions conséquentes de la part du chef de l’Etat. Mais à ce jeu, c’est le président IBK qui se retrouve de plus en plus fragilisé.

 

Le risque est grand que le pourrissement de la situation ne profite pas au régime d’IBK

 

Car, non seulement le temps ne semble pas jouer en sa faveur, mais rien ne dit non plus que le bouclier de la médiation de la CEDEAO tiendra suffisamment longtemps pour le tirer d’affaire. Déjà, les partisans d’IBK sont devenus de moins en moins audibles et semblent même avoir laissé libre le champ des manifestations aux contestataires.  C’est dire si en cas de nouvel échec de l’institution sous-régionale, on ne voit pas qui, pour prendre le relais et éviter à IBK de se retrouver à nouveau face à face avec ses adversaires, dans un scénario que l’on n’ose pas imaginer. C’est pourquoi il est peut-être temps de faire comprendre au locataire du palais de Koulouba, la nécessité, en plus du règlement du contentieux électoral, de lâcher suffisamment du lest en nommant un Premier ministre aux pouvoirs élargis. A l’étape actuelle de la crise, c’est peut-être le moindre mal qui pourrait lui permettre de sauver son fauteuil tout en ramenant le calme dans le pays. Autrement, si les manifestations doivent rependre avec à la clé l’éventualité de répressions sanglantes, il faut craindre qu’un tel scénario ne précipite les choses. D’autant que le risque est grand que le pourrissement de la situation ne profite pas à son régime qui vacille déjà dangereusement sur ses fondements. A ce moment, on pourrait craindre qu’IBK boive le calice de l’humiliation jusqu’à la lie, si l’évolution de la situation devait l’obliger à abdiquer sous la pression de la rue. Autant dire que l’heure n’est plus aux tergiversations. Il faut se décider à franchir le pas, pour le bien du Mali. Car, plus tard pourrait être trop tard. Quant au M5-RFP, il gagnerait tout autant à desserrer son étreinte suffocante de la gorge de IBK, au cas où ce dernier se résoudrait à mettre beaucoup plus d’eau dans… son thé. Car, le radicalisme n’a jamais été une voie salutaire dans une lutte. Tôt ou tard, il y aura toujours un prix à payer. Et le Mali pourrait le payer au prix fort.

 

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