CRISE POST-ELECTORALE AUX COMORES : Ce que l’on redoutait est arrivé
Le scénario tant redouté est en train de se réaliser dans les îles de la lune. En effet, après les opérations de votes de la présidentielle dans une atmosphère tendue, le 24 mars dernier, les Comoriens font aujourd’hui face à une crise postélectorale. Pour dire vrai, cela ne surprend personne. Car, pour récupérer de la main gauche ce qu’il a donné de la main droite, le président-candidat à sa propre succession, le colonel Azali Assoumani, a mis tous les moyens pour réaliser sa réélection. Pour ce faire, il a mis en place tous les éléments du puzzle : Internet et une partie du réseau téléphonique coupés pendant plusieurs heures, absence d’observateurs électoraux, absence des assesseurs de l’opposition qui étaient interdits d’accès aux bureaux de vote… Bref, le dispositif de trucage dans l’ombre pour « engrosser » les urnes, a été parfaitement préparé et soigneusement huilé et il ne restait plus qu’à sortir l’armée pour réprimer les militants de l’opposition qui contesteraient les résultats attendus. Au regard de la situation actuelle aux Comores, l’on peut dire que tout est accompli pour le colonel-président. Pouvait-il en être autrement ? Assurément, non, d’autant que pour reprendre l’expression de l’ex-président gabonais, Omar Bongo, « un président n’organise pas des élections pour les perdre ». C’est encore pire quand il s’agit d’élections organisées par un dictateur. En fait, le passé du colonel Azali Assoumani n’est pas étranger à sa conception du pouvoir. C’est un « pouvoiriste » qui semble prêt à tout pour conserver son fauteuil. Car, faut-il le rappeler, avec cette victoire au scrutin de dimanche dernier, Azali Assoumani s’ouvre grandement un boulevard pour diriger le pays jusqu’en 2029.
Les conditions d’une confrontation meurtrière sont déjà réunies
Il paraît donc illusoire de croire qu’il a mis un point d’honneur pour que les élections du 24 mars soient démocratiques, crédibles et transparentes. Et comme pour ne rien arranger, l’ex-commandant de l’armée qui avait appelé, naguère, à « défendre la patrie », s’est évadé et a attaqué le principal camp militaire, faisant trois morts et deux blessés. Maintenant que la violence s’abat sur le peuple comorien qui ne demandait qu’à choisir librement son dirigeant, les puissants de ce monde devraient élever la voix. Il faut vite agir car les conditions d’une confrontation meurtrière, à la suite de cette élection truquée, sont déjà réunies. Les Comores n’ont pas besoin de ça ; le pays revient de loin. En effet, le pays a connu près d’une vingtaine de coups d’Etat depuis son accès à l’indépendance en 1975 et l’instauration d’une présidence tournante par les trois îles qui le composent, qui a, hélas, été remise en cause par le maître actuel d’Anjouan. Pendant ce temps, les velléités séparatistes d’Anjouan et de Mohéli (les deux îles qui composent avec Grande Comores, l’Union des Comores), demeurent vivaces. Ce contexte explosif, ajouté à une crise post-électorale, constitue une arme de déstructuration massive pour un pays où l’on n’hésite pas à tirer sur des citoyens comme des lapins aux fins de conservation de pouvoir.
Michel NANA