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CRISE SOUDANAISE :  A quand le bout du tunnel ? 


Au lendemain de deux nouvelles tueries de manifestants, le 28 mai dernier, dans la capitale soudanaise, les militaires au pouvoir à Khartoum ont levé l’état d’urgence décrété, le 25 octobre dernier, à la suite de leur coup d’Etat contre la transition. Dans la foulée, ils promettent la libération très prochaine de prisonniers politiques. Ce, dans un contexte où la contestation ne faiblit pas à leur encontre, depuis qu’ils ont unilatéralement mis fin, à mi-parcours, au pacte civilo-militaire censé conduire le pays à des élections pluralistes, après la chute du dictateur Omar el Béchir. La question que l’on peut se poser est de savoir si ces gestes d’apaisement suffiront à refréner les ardeurs des contestataires et surtout à ramener la confiance des bailleurs internationaux qui ont fini par fermer le robinet des financements à la junte militaire au pouvoir à Khartoum. La question est d’autant plus fondée que depuis l’éviction des civils de la transition, il y a comme une rupture totale de confiance entre les hommes en treillis et leurs compatriotes qui ne jurent désormais que par une transition totalement débarrassée du pouvoir kaki.

 

Le Soudan est loin d’être sorti de l’auberge

 

C’est dans cette optique que la mobilisation de la rue ne faiblit pas face à des militaires décidés à garder le contrôle du pouvoir. Mais après sept mois de marasme et une économie au bord du gouffre, les hommes forts de Khartoum semblent, à présent, ressentir les effets douloureux de la suspension des financements internationaux.  Et le pays ne semble pas loin de l’impasse. D’autant que les tentatives de médiations de l’ONU et de l’Union africaine (UA) peinent encore à produire des résultats probants dans le sens d’un compromis acceptable au moment où la machine de la transition reste fortement grippée. A quand le bout du tunnel ? D’où viendra l’homme providentiel pour sortir le Soudan d’une crise qui n’en finit pas de se complexifier au regard du fossé de méfiance qui continue de se creuser entre les protagonistes ?  Bien malin qui saurait répondre à ces questions. D’autant que tout porte à croire que ce n’est pas de gaîeté de cœur que les militaires se sont astreints à ces gestes de décrispation, mais plutôt parce qu’ils espèrent  bénéficier de la mansuétude des bailleurs de fonds dont la suspension des financements n’est pas loin de pousser le pays à l’asphyxie. A titre d’exemple, la cagnotte de l’aide financière des Etats-Unis à la transition soudanaise, s’élevait à 700 millions de dollars. Il n’est donc pas étonnant que pour le mouvement révolutionnaire qui refuse tout accord avec la junte, ces gestes soient perçus comme de la poudre de perlimpinpin destinée à donner le change aux bailleurs internationaux et à calmer les esprits des Soudanais au moment où les révolutionnaires s’apprêtent à donner un cachet particulier au troisième anniversaire des massacres du 3 juin 2019. Massacres qui avaient vu 130 des leurs tomber sous les balles répressives des militaires. C’est dire si le Soudan est loin d’être sorti de l’auberge. Et tout porte à croire qu’il en sera ainsi, aussi longtemps que les militaires au pouvoir à Khartoum ne se remettront pas en cause, en cherchant à savoir s’ils sont véritablement la solution pour le peuple soudanais.

 

Il est impératif de trouver le moyen de relancer la machine de la transition

 

En tout état de cause, on ne peut pas gouverner un peuple contre sa volonté. C’est pourquoi, pour autant qu’ils soient animés d’un sentiment de patriotisme,  le Général Burhane et ses frères d’armes doivent mesurer leurs responsabilités devant l’Histoire, au moment où le pays est à la croisée des chemins. En tout cas, il est difficile de comprendre leur obstination à garder les manettes du pouvoir alors qu’ils sont vomis par le peuple soudanais. A moins qu’ils ne soient allés trop loin pour pouvoir reculer. Trop loin dans la fourberie et la tromperie du peuple soudanais pour avoir tombé le masque en mettant fin au processus de transition devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel. Assez loin dans les répressions sanglantes de leurs compatriotes pour avoir peur d’être rattrapés, de répondre de leurs actes de tueries ou encore de subir le même sort que leur mentor, l’ex-président Omar el Béchir qui est dans le collimateur de la Cour pénale internationale (CPI). C’est à se demander si le Général al Burhane et ses camarades putschistes ne jouent pas leur survie dans ce bras de fer avec le peuple soudanais, à en juger par leur détermination à garder la haute main sur le contrôle de la situation. C’est dire si au Soudan, la démocratie peut encore attendre, tant que les militaires ne se résoudront pas à retourner dans leurs casernes. Or, demain ne semble pas la veille. Alors qu’il est impératif de trouver le moyen de relancer la machine de la transition, pour espérer sortir de cette crise multidimensionnelle qui paralyse le pays. Mais comment ? Là est la véritable question.

 

« Le Pays »

 


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