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CRISES POLITIQUES AU TOGO ET EN GUINEE BISSAU


La CEDEAO comme solution ultime ?

Une dizaine de chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Lomé, le 14 avril dernier, sur invitation du président en exercice de l’organisation sous régionale, le Togolais Faure Gnassingbé, pour tenter de trouver une solution durable à l’impasse politique en Guinée-Bissau. D’importantes annonces ont été faites par le président bissau-guinéen, José Mario Vaz, à l’occasion de ce huis-clos, comme la nomination de Aristide Gomez au poste de Premier ministre, précisément le 15 avril, l’organisation, le 18 novembre 2018, des élections législatives et l’ouverture d’une session parlementaire le 19 avril 2018 pour statuer sur la nomination des membres de la commission électorale et la prorogation de l’actuelle législature jusqu’à la tenue du prochain scrutin législatif.

La CEDEAO a montré qu’ elle peut forcer la main à toutes les parties en conflit

Espérons que cette fois-ci sera la bonne et que le sommet extraordinaire de la CEDEAO du week-end dernier,  marquera le début de la fin des turbulences politiques et institutionnelles que connaît la Guinée-Bissau, depuis que son président avait décidé, en août 2015, de congédier son Premier ministre, Domingos Simoes Pereira, sans avoir  reçu l’onction de ses camarades de parti. Toutes les propositions de solutions qui ont été formulées depuis lors, sous l’égide du médiateur de la CEDEAO, le président guinéen, Alpha Condé, se sont heurtées aux antagonismes pernicieux et aux querelles picrocholines de la classe politique bissau-guinéenne. Il a fallu attendre janvier 2018 et les sanctions ciblées décidées par les chefs d’Etat de la sous-région  à l’encontre des pêcheurs en eaux troubles, pour enfin obtenir le consensus autour des questions qui fâchent, comme la nomination du Premier ministre et de certaines hautes personnalités de la République. « Mieux vaut tard que jamais », dit-on, et cette sortie de crise qui se profile à l’horizon, est d’autant plus salutaire qu’il s’agit de la Guinée-Bissau, un pays gangréné par le trafic de la drogue et classé parmi les plus politiquement violents en Afrique. C’est un ouf de soulagement donc, du moins si les fruits tiennent la promesse des fleurs, pour les Bissau-Guinéens certes, mais aussi pour la CEDEAO qui a montré que, par-delà le corporatisme ou la complicité des chefs d’Etat, elle peut, pour ainsi dire, forcer la main à toutes les parties en conflit dans l’un de ses pays membres afin d’y ramener la sérénité politique et subséquemment, la paix sociale. Cela pourrait, peut-être, être le cas pour le pays hôte du sommet, le Togo en l’occurrence, qui est empêtré dans une interminable crise politique, depuis que l’opposition exige de profondes réformes afin de sortir leur pays de ce particularisme marqué par l’extraordinaire longévité d’une seule famille politique et biologique au pouvoir. C’est vrai que nul n’est prophète chez soi, mais le soupir de soulagement qu’il a discrètement poussé samedi dernier à la lecture du communiqué final annonçant les mesures de sortie de crise en Guinée-Bissau, devrait  rappeler à Faure Gnassingbé qu’au Togo aussi, on peut y arriver, pour peu que lui et son clan cessent de croire à la réalité des fariboles chantées et dansées par des flagorneurs qui ne voient jamais plus loin que les prébendes qu’ils en tirent.

L’organisation sous-régionale a déjà marqué des points

Ils sont d’ailleurs nombreux à s’offusquer que ce soit le mouton noir de la démocratie en Afrique de l’Ouest, qui convoque un sommet pour résoudre des problèmes politiques dans un autre pays, et certains n’hésitent pas à conclure tout simplement que c’est « l’hôpital qui se moque de la charité ». Quoi qu’il en soit, c’est autour du Togo que tous les efforts diplomatiques doivent être focalisés désormais afin d’éviter le chaos tant redouté, et la CEDEAO semble l’avoir bien compris, en officialisant la nomination des présidents ghanéen et guinéen comme médiateurs dans cette crise, lors de son sommet du week-end dernier. On peut dire que l’organisation sous-régionale a déjà marqué des points en amenant les protagonistes sur la table de négociations, mais il reste maintenant à transformer l’essai en arrachant un consensus pour l’organisation d’élections apaisées en 2020 et même au-delà. En envoyant du renfort au Ghanéen Akufo Addo visiblement à la peine dans ce capharnaüm togolais, la CEDEAO démontre, si besoin en était, qu’elle entend jouer sa partition dans la recherche des solutions politiques à la crise en cours, même si la double casquette de son président en exercice et en même temps président du Togo, pourrait faire douter de sa crédibilité et de son impartialité. Mais comme les deux médiateurs ont a priori le profil de l’emploi, on peut espérer que dans les semaines à venir, on annoncera aux Togolais et à la communauté ouest-africaine, que l’opposition et le parti au pouvoir ont accepté les propositions de sortie de crise à eux soumises, et que des élections libres et transparentes pourront être désormais envisagées dans ce pays ruiné par cinq décennies de prévarications, d’escroqueries politiques et plus globalement,  de mauvaise gouvernance.

« Le Pays »


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