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DEBAT MACRON-LE PEN VU D’AFRIQUE : L’exercice peut et doit s’appliquer aux candidats africains


Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les deux finalistes de l’élection présidentielle de 2022, étaient face à face, le 20 avril 2022. Un débat télévisé de l’entre-deux-tours du scrutin, à l’issue duquel les électeurs encore indécis, se résoudront enfin à donner leur suffrage, le 24 avril prochain, à l’un au l’autre des prétendants à l’Elysée, ou à faire le choix de l’abstention.  Dans ce genre de débat, la moindre erreur peut être fatale ; toute chose qui confère à l’exercice, un caractère redoutable. C’est dire si l’enjeu de ce « mano a mano » intellectuel entre Jupiter et Le Pen, était de taille. En tous les cas, il est notoire que n’est pas locataire de l’Elysée, qui veut !  Il n’est pas donné à n’importe quel quidam d’y poser ses pénates.  Cela dit, même si l’impact de ce genre de débat est généralement limité, les personnalités politiques arrivées au second tour, qui acceptent de se soumettre à un tel exercice, savent que l’épreuve est trop sérieuse pour être prise à la légère. Autant le fond que la forme sont scrupuleusement scrutés par des électeurs exigeants et très critiques. C’est pourquoi encore nombreux ont été les spectateurs en France, tout comme ailleurs, à suivre avec vif intérêt, ce nouveau combat de deux gladiateurs qui s’étaient déjà affrontés par le passé. Un duel qui reste avant tout, un combat d’idées et non de biceps.  Et en la matière, c’est loin d’être une première.  On a, en effet, en mémoire, le débat télévisé qui avait opposé Valery Giscard d’Estaing alors en poste à l’Elysée, à François Mitterrand qui avait qualifié le président sortant, « d’homme du passif ». Plus récemment encore, l’on se souvient de cet autre débat télévisé ayant opposé, en 2012, le président sortant et candidat à sa propre succession, Nicolas Sarkozy, à son challenger de l’époque, François Hollande qui avait eu cette anaphore « Moi, président », laquelle fit tout aussi date que la pique mitterrandienne.  Mais c’est tout cela qui fait le charme et la beauté de la démocratie dans l’Hexagone.

 

Le terrain africain parait encore assez mal préparé à l’éclosion de ce type d’exercice

 

En Afrique, c’est hélas, une autre affaire.  Rarement, l’on a vu, en effet, deux prétendants au fauteuil présidentiel, se soumettre à ce genre d’exercice.  Certes, la Côte d’ivoire en a tenté l’expérience à travers le mémorable débat télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection de 2010, qui avait opposé le président sortant Laurent Gbagbo à son très redouté challenger Alassane Dramane Ouattara. Mais à combien s’élèvent-ils à travers le continent, ces exemples ?  Un chiffre dérisoire.  Si l’on en est arrivé à ce maigre bilan, c’est que les seconds tours de scrutin sont assez rares en Afrique.  Ici, contrairement à l’Occident, les élections se gagnent quasiment au premier tour.  C’est le règne quasi implacable du coup « K.-O. » controversé qui ne laisse évidemment aucune place à un second tour, a fortiori à un débat télévisé d’entre-deux-tours. Et puis, à supposer même qu’il y ait second tour, très peu de dirigeants africains accepteraient de se prêter volontiers à l’épreuve du débat télévisé ; tant ils craindraient que leurs passifs ne soient mis à nu sur un plateau de télévision. Et puis, il y a que bien des chefs d’Etat africains, sont déconnectés des réalités de leur peuple. Un handicap qu’ils se gêneraient d’étaler devant leurs concitoyens à l’occasion d’un débat. Un dirigeant comme Paul Biya du Cameroun, ce féru de farniente de longue durée à l’étranger, prendrait-il le risque de se soumettre à une confrontation diffusée avec son principal opposant ? Il ne faut pas rêver. Du reste, où passerait ce dernier pour accéder à ce fameux tour ?  Sur la même lancée, il faut avouer  que ce genre de débat peut être très mal vécu par tout dirigeant quasiment élevé au rang de demiurge comme on en voit souvent sur le continent. Un chef, c’est connu, ça ne supporte pas la contradiction ni la critique a fortiori une bérézina par laquelle se solderait un duel oratoire.   Au total, on peut faire le constat que le terrain africain parait encore assez mal préparé à l’éclosion de ce type d’exercice. Sur le continent, la dernière ligne droite, après un premier tour, est plutôt souvent marquée par l’usage de l’argument de la force au détriment de la force des arguments. Et cette période cruciale est  aussi l’occasion de faire circuler les mallettes en vue d’alliances politiques, bien souvent au détriment des peuples.  Ce qui est bien dommage.  En tout état de cause, il faudra bien que la culture du débat télévisé soit ancrée dans les habitudes du continent ; toute chose qui contribuera à apporter un plus à la démocratie.  Autrement dit, ce type d’exercice peut et doit s’appliquer aux candidats africains.

 

« Le Pays »


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