HomeA la uneDEBUT DE RETRAIT DES TROUPES AMERICAINES DU NIGER : Un divorce à l’amiable qui interroge

DEBUT DE RETRAIT DES TROUPES AMERICAINES DU NIGER : Un divorce à l’amiable qui interroge


En fin de semaine dernière, notamment le 7 juin, les troupes américaines basées au Niger ont entamé leur retrait, conformément à l’accord conclu le 19 mai entre les autorités militaires nigériennes et américaines. Ce début de retrait a été symbolisé par le départ, à partir de la Base militaire 101 de Niamey, d’un avion militaire américain de type C17 Globemaster qui préfigure de plusieurs autres rotations de gros porteurs pour le transport du personnel et des équipements. L’Oncle Sam n’aura donc pas réussi, malgré sa diplomatie proactive et toute la réserve dans le ton  avec laquelle il a accueilli le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Mohammed Bazoum,  à éviter le divorce. Même, si ce sort, l’on en convient, est relativement plus enviable que celui des Français éconduits sous de fortes huées. Les questions que l’on peut tout de suite se poser, sont les suivantes : l’Amérique a-t-elle été payée en monnaie de singe ? Comment en est-on arrivé là ? Certes, l’on peut, du côté américain, avoir des regrets à se faire et même ressentir des effets d’ingratitude de la part de Niamey. Mais l’on peut aussi se demander si ce n’était pas le moindre mal face à la combinaison des facteurs qui rendaient inéluctable le désamour.

 

Les Américains quittent le Sahel sans véritablement partir

 

Le premier de ces facteurs est, sans doute, le bilan mitigé de l’engagement des boys dans la traque des groupes armés terroristes au Niger. En dépit des sacrifices qu’ils ont consentis et malgré tous les moyens technologiques mis en œuvre, la puissante armée américaine n’est pas parvenue à décapiter l’hydre terroriste qui se repait du sang des Nigériens et de leurs voisins maliens et burkinabè. Et cela a fini par susciter des interrogations légitimes sur la sincérité de la collaboration avec les forces étrangères. Dans un contexte favorable aux discours indépendantistes et souverainistes, les nouvelles autorités nigériennes n’ont eu aucun mal à remettre en cause un partenariat jugé inefficace. Du reste, l’insuffisance des résultats des Américains dans la lutte contre les groupes armés au Sahel, a poussé les Nigériens à regarder vers d’autres partenaires qui ne se sont pas fait prier : il s’agit des Russes et des Iraniens. Ces nouveaux arrivants paraissent plus accommodants du simple fait qu’ils sont peu regardants sur les questions démocratiques et des droits de l’Homme.  Enfin, le dernier facteur explicatif du divorce entre Nigériens et Américains, est sans nul doute aussi l’environnement sous- régional et international. On sait, en effet, que les voisins sahéliens du Niger, en l’occurrence le Mali et le Burkina avec lesquels le pays partage les mêmes problèmes sécuritaires ont tous basculé dans le giron russe principalement, pour avoir la possibilité de se doter d’équipements militaires que les puissances occidentales refusaient de leur vendre. Du reste, les trois pays se sont engagés dans la construction d’un nouvel espace politique et économique, qu’est l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui s’affirme comme un cadre d’exaltation du sentiment nationaliste et souverainiste.

 

Le pouvoir se doit de s’assumer pleinement

 

 Dans ce contexte, l’on ne voit pas comment l’armée américaine pouvait encore avoir sa place au Niger surtout que l’un des principaux alliés des Etats du Sahel, qu’est la Russie est dans une phase de tensions accrues avec les USA en raison du conflit en Ukraine. Si, du fait de toutes ces raisons, le divorce était inévitable, l’on peut néanmoins saluer l’élégance de cette séparation qui n’est pas sans rappeler la rupture avec la France qui, au contraire, a été très violente et avec certainement de fortes rancœurs. Et cette séparation à l’amiable a véritablement de quoi interroger. Mais cela pourrait s’expliquer par le fait que les Américains n’ont pas lié leurs intérêts militaires et stratégiques aux intérêts économiques. A preuve, alors que les Français ont suspendu toute leur coopération avec les Etats du Sahel, les Américains annoncent pour ces Etats des projets socio-économiques qui se chiffrent à plusieurs millions de dollars.  Les Américains quittent donc le Sahel sans véritablement partir et ont le flirt de pouvoir adapter leur stratégie et leur influence au contexte, contrairement aux Français qui ont annoncé la mort de la Françafrique mais refusent de l’enterrer.  Cela dit, quelles que soient les raisons du départ des troupes américaines du Niger et les nouvelles perspectives des futures relations entre Niamey et Washington, il demeure légitimement des inquiétudes quant à la capacité des autorités militaires de Niamey à combler le vide. Même si de nouveaux partenaires se bousculent à la porte, il faudrait certainement éviter de quitter les ailes d’une puissance impérialiste pour aller se réfugier sous celles d’une autre. C’est dire donc, même si l’on ne peut lui dénier la liberté de choix de ses nouveaux partenaires, que le pouvoir se doit de s’assumer pleinement. Et cela passe par la construction d’une armée forte et bien équipée qui puisse faire oublier le départ des troupes américaines.

 

« Le Pays »    

                                                                                          


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