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 DECOUVERTE DE CHARNIERS AU MALI


Le tout n’est pas d’ouvrir une enquête…

Au Mali, une affaire de charniers fait encore polémique. Cette fois-ci, c’est au Centre du pays que des fosses communes ont été découvertes. Et l’armée est fortement soupçonnée d’en être responsable, taxée qu’elle est, d’exactions récurrentes contre la communauté peule à laquelle appartiendraient les victimes. En effet, 25 corps ont été identifiés dans deux fosses communes comme étant ceux de peuls exécutés et enterrés à la sauvette dans les localités de Nantaka et Kobada. Il n’en fallait pas plus pour que des organisations de défense des droits de l’Homme au pays d’Ibrahim Boubacar Kéïta, donnent de la voix pour demander des sanctions, obligeant le ministère de la Défense à sortir de son silence pour annoncer l’ouverture  d’une enquête.

On peut comprendre la soif de justice des défenseurs des droits de l’Homme

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’armée malienne est, une fois de plus, sur la sellette pour une affaire de tueries en masse. On se rappelle, en effet, cette autre affaire de charniers de bérets rouges de Kati, qui avait défrayé la chronique en 2013 et pour laquelle le truculent général putschiste, Amadou Haya Sanogo, a été mis aux arrêts et est toujours en attente de son jugement.

Cette fois-ci, l’affaire est encore plus délicate, puisque c’est la Grande muette malienne elle-même qui est mise à l’index, dans une affaire qui doit gêner aux entournures jusqu’au sommet de l’Etat, en ce qu’elle est en lien direct avec la sale guerre dans laquelle les Forces armées maliennes (FAMA) sont engagées, dans la lutte contre le terrorisme.

Cet ennemi redoutable et sans visage, qui avance masqué, avec la particularité de frapper dans le dos pour ensuite disparaître dans la nature, et qui est en train de donner du fil à retordre non seulement aux FAMA, mais aussi aux forces internationales déployées sur le territoire malien depuis bientôt cinq ans. Toute la problématique de la crise malienne est que personne ne savait que cette guerre contre un ennemi imprévisible et ondoyant, s’installerait autant dans la durée. Et les forces armées maliennes sont particulièrement mises à rude épreuve, face à un ennemi qui n’hésite pas à s’attaquer frontalement à elles et qui leur a, par moments, aussi infligé de lourdes pertes. C’est pourquoi l’on peut comprendre la soif de justice des défenseurs des droits de l’Homme. Mais l’équation est loin d’être simple. Et le tout n’est pas d’ouvrir une enquête ! Encore faudrait-il qu’elle aboutisse, pour que des sanctions puissent être prononcées. Cela n’est pas gagné d’avance. Car, la situation peut être un couteau à double tranchant ou se présenter comme un choix cornélien pour les plus hautes autorités. En effet, d’un côté, l’on imagine qu’il est difficile, pour l’autorité, de fermer les yeux sur la question, au risque d’être cloué au pilori par les défenseurs des droits de l’Homme. D’un autre côté, comment prendre, dans le cas d’espèce, des sanctions contre des soldats qui risquent eux-aussi leur vie pour protéger les populations, sans démoraliser le reste de l’armée, quand on sait toute la difficulté de sa mission sur le terrain, liée au fait que malgré les appels à la collaboration avec les FDS,

certaines populations continuent d’entretenir des relations coupables avec l’ennemi ? Et rien ne dit que si des soldats sont 

aujourd’hui sanctionnés  pour ce que l’on pourrait appeler des bavures, d’autres ne le seront pas demain, dans les mêmes conditions. Disons-le tout net. Dans cette sale guerre contre le terrorisme qui ne répond pas toujours aux règles et principes d’une guerre conventionnelle, il est difficile d’éviter les dérives et autres effets collatéraux qui peuvent parfois être dévastateurs.

C’est l’image de l’armée malienne et la réputation du Mali qui sont en jeu

Mais cela ne saurait être un prétexte pour absoudre à bons comptes l’armée malienne et encourager les exactions sommaires. Toutefois,  il est un fait que si la communauté peule est ici prise à partie, cela n’est pas non plus un hasard. Car, depuis le début de la crise, beaucoup de ses membres et pas des moindres, se sont illustrés par des actes qui tendent à jeter l’opprobre et la suspicion sur toute la communauté. En effet, au-delà des nombreux groupes armés à caractère purement identitaire créés par certains des leurs, des leaders comme Amadou Kouffa et autre Ibrahim Malaam Dicko ne sont pas loin de réclamer la paternité du djihadisme au Sahel. Si fait que consciemment ou inconsciemment, leur comportement a fini par expliquer le délit de faciès ou de patronyme dont sont victimes, dans certaines situations, les membres de leur communauté parmi lesquels ils comptent, du reste, de nombreux adeptes. Ceci pourrait donc bien expliquer cela, mais ne justifie en aucune manière l’existence de ces charniers. C’est pourquoi l’ouverture d’une enquête sérieuse s’impose, pour connaître les auteurs de ces actes et savoir leurs motivations. Car, c’est l’image de l’armée malienne et la réputation du Mali qui sont en jeu. Pour cela, l’on peut saluer l’initiative des autorités maliennes qui ont décidé d’ouvrir une enquête pour faire la lumière sur cette affaire. Car, s’il s’agissait de bavures, pourquoi receler les corps ? Si ce n’est pas le cas et que ce sont des exécutions sommaires liées uniquement à l’appartenance ethnique des victimes, cela est un crime grave qui ne saurait rester impuni.

Le souhait est donc que l’enquête puisse aboutir. Mais d’un autre côté, il appartient aussi aux communautés de faire le ménage en leur sein, de sorte à ne pas laisser la place au moindre doute ni prêter le flanc. Il y va de l’intérêt de tous.

 « Le Pays »


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