DEMANDE DE REVISION DES ACCORDS DE DEFENSE ET DE COOPERATION MILITAIRE AVEC PARIS : Bamako est dans son bon droit
En pleines tensions politiques avec la France, Bamako veut renégocier ses accords de défense et de coopération militaire avec Paris. Une volonté officiellement affichée et traduite en acte en fin d’année dernière et dont les autorités maliennes attendent une réponse de l’Hexagone.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Bamako est dans son bon droit. Car, non seulement ce sont des accords qui répondent à une certaine périodicité et ne sont généralement jamais signés pour l’éternité, mais aussi, en matière de coopération, qu’elle soit militaire ou autre, la logique veut que chacune des parties puisse trouver son compte. Autrement, à quoi sert-il de continuer à traîner des accords si c’est pour se sentir à l’étroit dans cette forme de collaboration ? D’autant que dans le cas d’espèce, le Mali ne remet pas en cause la coopération militaire avec la France, mais il souhaite en relire certains aspects juridiques. Dès lors, il est permis de penser que si Bamako a été suffisamment précautionneuse dans la forme de la demande, il n’y a pas de raison que dans le fond, les autorités de la transition ne puissent pas chercher à réviser ces accords si cela va bien entendu dans l’intérêt supérieur du pays.
On peut s’interroger sur ce que cache cette façon, pour Paris, de traîner les pieds dans le traitement de la requête de Bamako
Et du reste, en la matière, le Mali n’est pas le seul concerné par la question d’autant plus que le problème se pose dans bien des anciennes colonies de la France où de plus en plus, des voix s’élèvent pour dénoncer ce type d’accords jugés, sans en connaître le contenu, à tort ou raison, largement défavorables aux pays africains. C’est pourquoi l’on peut s’interroger sur ce que cache cette façon, pour Paris, de traîner les pieds dans le traitement de la requête de Bamako. De quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui voient dans cette attitude, la preuve qu’il y a anguille sous roche. C’est dire si tant que ce genre d’accords feront l’objet d’omerta, les opinions africaines, devenues de nos jours beaucoup plus critiques qu’au lendemain des indépendances, auront encore et toujours matière à discussion. Surtout dans ce contexte particulier marqué par le rejet de la politique africaine de l’ancienne puissance coloniale qui n’est pas loin d’être aujourd’hui perçue comme le diable par une certaine opinion. Beaucoup plus encore dans ce climat de fortes tensions entre Bamako et Paris, sur fond de supputations et autres tiraillements sur l’alternative russe dans la lutte contre le terrorisme au Mali. De là à voir dans cette demande de révision des accords militaires, une façon, pour Bamako, de chercher à faire de la place à son potentiel allié russe, il y a un pas que d’aucuns ont vite fait de franchir s’ils ne pensent même pas que Moscou a pu l’y pousser. Quoi qu’il en soit, il y a lieu de savoir raison garder. Car, si Bamako ne demande pas la résiliation desdits accords avec la France mais leur révision, c’est qu’elle ne remet pas totalement en cause la collaboration avec Paris.
Dans ce contexte de lutte contre le terrorisme, aucun soutien ne serait de trop pour venir à bout de la pieuvre tentaculaire
Et l’on ose croire qu’il en va de même avec Berlin qui s’est vu refuser dans la foulée par Bamako, le survol de son territoire par un avion allemand de transport logistique dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Dans ces conditions, plutôt que d’aller à ce qui pourrait passer pour un clash, pourquoi ne pas chercher à calmer le jeu avec les différents partenaires, question de garder des relations de confiance pour une collaboration fructueuse et hautement profitable à toutes les parties ? Car, dans ce contexte de lutte contre le terrorisme, aucun soutien ne serait de trop pour venir à bout de la pieuvre tentaculaire. Tout comme jouer la carte de l’isolement ne contribuerait qu’à fragiliser davantage le Mali déjà sur la pente raide du péril terroriste, malgré la foultitude de forces internationales présentes sur son sol. C’est dire si en étant dans son bon droit de demander plus de transparence et d’équité dans ces accords, les autorités de la transition malienne doivent éviter de donner le sentiment de chercher à surfer sur la vague du sentiment anti- français qui semble particulièrement faire aujourd’hui recette, dans le but de s’attirer davantage la sympathie de leurs compatriotes. Une façon de se donner beaucoup plus de légitimité au moment où leur présence prolongée à la tête du pays, pose problème à la communauté internationale, à travers la CEDEAO qui n’est pas allée de main morte dans ses sanctions contre Bamako.
« Le Pays »