DEMANTELEMENT DU RSP : Les soldats loyalistes accueillis en triomphe à Ouahigouya
La place de la Révolution de Ouahigouya a refusé du monde le 2 octobre 2015. C’est à 14h 30mn que la Coordination pour la résistance au Yatenga (CRY) a invité la population à sortir massivement pour accueillir et témoigner sa joie aux militaires de leur région, qui se sont rendus dans la capitale, Ouagadougou, pour mettre fin aux agissements sanguinaires et inhumains des usurpateurs de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (l’ex-RSP) survenus le 16 septembre dernier, avec le putsch du Conseil national pour la démocratie (CND) dont le général Diendéré est la tête pensante. Hommes, femmes et enfants ont répondu favorablement à cet appel et attendaient avec impatience, depuis le poste de police jusqu’à la place de la Révolution, l’arrivée des « bravos ».
A peine diffusé sur les bandes des radios de la ville, le message de la Coordination pour la résistance au Yatenga (CRY) fut immédiatement entendu et accepté par la population qui n’a guère tardé à se rendre à la place de la Nation, rebaptisée place de la Révolution pendant la période de résistance au putsch orchestré par le général Diendéré et ses acolytes de l’ ex-RSP. Déjà à 14h 30mn, il était difficile de se frayer un passage dans l’enceinte de cette place de la ville. D’un côté, une foule en liesse et impatiente scandant le ditanyè tantôt en langue nationale mooré, tantôt en français. De l’autre côté, des membres de la CRY en conclave pour déterminer l’itinéraire des militaires en route. Des appels téléphoniques étaient effectués pour avoir la position du cortège qui était au niveau de la ville de Yako aux environs de 16h.
De la résistance jusqu’à la victoire, les habitants de Ouahigouya sont sortis pour manifester .
Par rapport à l’accueil des soldats à la place de la Révolution, il faut noter que le premier à chauffer la foule était Ouédraogo Sidi Mohamed, connu sous le sobriquet Mao. En effet, il a harangué la foule au cours d’une animation fabuleuse, en ce soir du 2 octobre, alors qu’elle piaffait d’impatience d’accueillir ses héros. Morceaux choisis : « Quand j’ai appris la libération du camp Naaba Koom II, j’ai dit merde car on n’était pas obligé d’en arriver à là. Juste dire que j’étais fier car c’était la fin d’une grande bêtise. Je dis merci à toute la population car ce fut en partie grâce à sa détermination dans cette période de résistance que nos Forces armées se sont vues obligées de sortir de leur réserve pour défendre la nation tout entière ».
Pendant que certains coordonnaient leurs actions pour réserver un accueil chaleureux à ces soldats qui ont permis la libération du camp Naaba Koom II le 29 septembre dernier, d’autres exprimaient leur joie en esquissant des pas de danse au rythme de musique reggae. Ou s’adonnaient à des acrobaties sur leurs vélomoteurs. Cependant, le seul mot qui revenait incessamment sur les lèvres était « victoire ». Une victoire méritée après une semaine de marches à travers les artères de la ville et de nuits blanches passées à la place de la Révolution par la population : ce fut la particularité de la résistance nationale, menée par les habitants de la cité de Naaba Kango. Et Boureima Ouédraogo, président du M21 de la région du Nord, membre des Organisations de la société civile (OSC), d’ajouter : « Ensemble avec le directeur du centre culturel ARCAN, nous sommes allés le 16 septembre, dès l’annonce de la nouvelle du putsch, faire des communiqués au niveau des radios Voix du paysan et Wendpanga afin d’appeler la population à sortir manifester son mécontentement à l’orée des élections qui se voient perturbées par des soldats bandits et voyous, voulant servir leurs intérêts personnels. Le lendemain, le 17 septembre, les gens étaient déjà rassemblés devant la tribune de la place de la Nation. Nous avions très vite mis en place une coordination pour guider nos marches. La coordination était essentiellement composée de représentants de certains mouvements syndicaux et d’OSC. Ainsi, nous avons défini les lignes droites de la résistance, tout en évitant de brûler les pneus, les maisons, afin d’éviter des pertes matérielles, financières et infrastructurelles. Voilà en quelque sorte la magie de l’organisation de notre résistance. Pour finir, nous sommes sortis en ce jour, 2 octobre 2015, pour dire tout simplement merci aux Forces armées régulières pour s’être ralliées au peuple burkinabè et avoir agi avec promptitude pour témoigner leur amour à ce même peuple. Nous remercions infiniment le bon Dieu pour son soutien ».
« Une foule en liesse dans les rues de la ville »
Ivre de joie, la population ouahigouyalaise a tenu à attendre l’arrivée des militaires qui rentraient de Ouagadougou après avoir participé à la libération du camp Naaba Koom II. Une impatience qui a obligé certains à se rendre au poste de police, situé à 15km de la ville, pour attendre ces « bravos » de militaires. « Ce fut aux environs de 13h 30mn que nous avons été informés de l’arrivée des Forces armées loyalistes, qui ont quitté Ouagadougou pour Ouahigouya. Nous sommes sortis ce soir-là avec la joie au cœur pour les accueillir. La place de la Révolution était noire de monde, pour leur souhaiter la bienvenue à Ouahigouya. C’était une mobilisation gigantesque et ces militaires la méritent bien, car ils sont allés se battre pour une cause noble, pour la population ; ce sont ceux-là qu’on a appelés les militaires des Forces armées nationales. Nous leur devons donc une attention particulière. De ce fait, nous sommes très heureux de les retrouver ce soir. La victoire est au peuple ! », dixit Rasmané Barry, membre de la CRY.
« Arrivée triomphale des Forces armées nationales du 12e RIC, section de la région du Nord »
Il était 19h 30 quand les héros du 12e RIC faisaient leur entrée dans la ville de Ouahigouya, escortés par la Gendarmerie et la Police nationale. On a assisté à une unicité des Forces de l’ordre et de défense, qui donnait des frissons au cœur. Une unité des hommes de tenues qui laisse entrevoir le patriotisme qui animait tout un chacun et l’euphorie de la foule qui semblait donner un message, à savoir « nous sommes fiers de vous ». A la suite de la troupe, des vélomoteurs et des mobylettes avançaient dans un concert de klaxons et de sifflets, tout au long de leur progression vers la place de la Révolution. Selon le responsable de l’association ARCAN, Germain Ouédraogo, le répondant de la CRY, « la présence de la population ici, ce soir, se justifie non seulement par sa fidélité à répondre à l’appel de la coordination pour la résistance à dire non à l’usurpation du pouvoir et à la forfaiture, mais aussi à sortir réserver un accueil digne de la bravoure de l’Armée burkinabè dont une partie du contingent est en train de rentrer à Ouahigouya pour regagner sa base, sa caserne. C’est donc toute la loyauté de l’Armée républicaine qui a montré une fois de plus que quand le peuple a besoin de son Armée, elle répond favorablement à sa requête. Il appartient à l’Armée de veiller à la sécurité des institutions de la République. Enfin, nous saisissons l’occasion de ce cérémonial pour féliciter une fois de plus la bravoure de notre Armée et aussi inviter les militaires à défendre vaillamment, chaque jour que Dieu fait, la démocratie, les institutions et tout le peuple entier ».
Les soldats sont pratiquement arrivés au niveau de la place de la Révolution à 20h précises. Le bataillon a été attendu par les habitants pendant 6 heures d’horloge et ce, debout sous un soleil de plomb. Pour des raisons de sécurité, les soldats ont préferé continuer dans leur camp situé au secteur 10 de la ville. Une fois encore, la foule a suivi le bataillon jusqu’à sa base pour lui montrer à quel point elle loue sa contribution dans le dénouement du coup d’Etat perpetré par le général Gilbert Diendéré et les élements du RSP.
Ouahigouya a en effet parachévé sa revolution à sa manière, dans une euphorie qui a duré plus de 6 heures. Sous un soleil ardent, mélangé avec une nuit d’attente de ses héros nationaux, les habitants de la belle cité de Naaba Kango n’oublieront pas de sitôt ce cérémonial d’accueil qu’ils ont réservé à leurs soldtats qui ont volé au secours du peuple burkinabè, au moment où il les attendait. Ces militaires ont eux aussi exprimé en retour leur grande joie à la vue de l’accueil des populations de Ouahigouya, Boussé, Yako et Gourcy, qui sont sorties massivement leur témoigner leur gratitude.
L’important à retenir est que l’on a pu donner à nouveau du souffle à la Transition. Une fois encore, le Burkina Faso rentre dans l’histoire par la détermination de son peuple à dire non au pouvoir à vie. Ce peuple a donc décidé de prendre son destin en main et de chasser tout usurpateur du pouvoir. Que Dieu bénisse une fois de plus le pays des Hommes intègres !
Séverin RIMEDO